Fespaco« Notre ambition, c’est de pouvoir numériser trois salles en 2017 »

Ardiouma Soma occupe depuis 2014, le fauteuil de Délégué général du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) . Autrefois, il a été responsable de la cinémathèque africaine de Ouagadougou-structure qui travaille pour la sauvegarde du patrimoine cinématographique africain-, Directeur artistique du Fespaco et Directeur du cinéma et de l’audiovisuel au ministère de la culture au Burkina Faso, entre autres.

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Dans un entretien dans la matinée du vendredi 19 novembre 2016 dans la capitale burkinabè, le cinéaste, journaliste, communicateur…, nous a parlé des préparatifs de la 25ème édition du plus grand rendez-vous du 7ème art sur le continent africain qui a lieu dans trois mois. La thématique, les innovations en termes d’organisation et de contenu, les dessous du choix du pays invité d’honneur, le budget, les secrets de la longévité de ce festival -47 ans déjà- et l’état de conservation et de gestion du patrimoine cinématographique africain ont été entre autres, les points de nos échanges. Nous vous livrons ici, une première partie, celle relative aux 4 premiers points énumérés.

La 25ème édition du Fespaco, c’est du 25 février au 4 mars 2017. A cette édition, vous revenez sur un thème abordé en 2005. Celui lié à la formation. Quelles en sont les raisons ?

A chaque édition du Fespaco depuis 1995, il y a un thème de réflexion qu’on propose aux cinéastes, partenaires,  gouvernement, … sur le développement de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel sur le continent. L’année prochaine on propose effectivement à tous de réfléchir sur la question de la formation : «Formation et métiers de cinéma et de l’audiovisuel». Oui, la question a été abordée en 2005 sur «Formation et enjeux de la professionnalisation». On revient là-dessus en 2017 parce qu’ il y a beaucoup de personnes, surtout les journalistes, qui me disent que chaque fois, il y a de grandes réflexions, de grands colloques mais après,  il n’y a rien. Et moi je réponds toujours qu’après il y a quelque chose. Il y a quelque chose parce qu’en 2005, on a invité à la réflexion, on a adopté des recommandations sur la question de la formation. Quand on fait le point entre 2005 et aujourd’hui, il y a beaucoup de pas qui ont été franchis. Aujourd’hui, il y a l’Institut supérieur d’image et du son au Burkina qui est parti de petites structures de formation pour devenir une école ; il y a des écoles de cinéma au Bénin, au Togo. Donc il y a quelque chose qui s’est passé entre 2005 et aujourd’hui.

Pourquoi, il fallait revenir sur la question?

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Il est important qu’on revienne là-dessus pour faire le point de où nous en sommes avec la formation dans cet environnement qui évolue de façon constante. Est-ce que tous les secteurs ont été pris en compte parce que le cinéma et l’audiovisuel aujourd’hui, c’est un domaine multidisciplinaire; est-ce qu’on a pris tous les compartiments en compte ; est-ce que toutes les initiatives qui sont là ont toutes les capacités pour effectivement produire les résultats attendus ? Il faut faire le point par rapport à tout ça pour qu’on puisse encore rectifier le tir et puis, pouvoir mieux contribuer au développement de ce secteur.

Parlons du contenu du festival. Que retenir pour la prochaine édition ?

Le Fespaco compte deux volets. On va faire en sorte que c’est deux volets soient distincts et qu’on mette l’accent sur une meilleure organisation de ces deux espaces. Meilleure organisation du volet artistique par le renforcement de la numérisation. En 2015 on a numérisé une salle, le ciné Burkina. Notre ambition c’est de pouvoir numériser trois salles en 2017. C’est l’objectif, on est entrain de travailler pour cela. Ce volet artistique, c’est toutes les activités qui comprennent la sélection des films, l’organisation des galas de films, l’organisation des débats autour des films. A ce niveau, on note un engouement assez important. Aujourd’hui –vendredi 18 novembre 2016 ndlr- nous sommes déjà à environ 800 films inscrits. En 2015, on était autour de 760 films. On a décidé de maintenir les sections habituelles, c’est-à-dire la compétition pour le long métrage, le court métrage, le documentaire, les séries et pour les films des écoles africaines de cinéma. On aurait pu décider de consacrer le volet artistique uniquement à l’élite du cinéma africain, c’est une option. Et cela plairait bien aux critiques du cinéma qui viendraient voir seulement ce qu’il y a de meilleur dans le cinéma africain mais en même temps nous savons tout l’engouement qu’il y a autour du cinéma et de l’audiovisuel avec l’évolution technique et technologique. On ne change rien au Fespaco sans une consultation préalable des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel. L’option qu’on a choisie suite aux différentes concertations, c’est que nous continuons à développer cet espace là et qu’il soit un espace accessible où peuvent se croiser les doyens du cinéma africain et puis les tout jeunes, les tout nouveaux cinéastes ou même les étudiants en cinéma et puis les professionnels de niveau intermédiaire. Donc on va continuer à ouvrir mais en gardant l’étalon d’or de Yennenga à l’élite.

De quoi sera fait le deuxième volet ?

C’est le volet économique, entreprise, industrie du cinéma et de l’audiovisuel. C’est le Marché international du cinéma et de la télévision africain (Mica) de Ouagadougou. On travaille pour le renforcement de ce marché pour en faire un espace d’affaires, un espace de rencontres de femmes et d’hommes d’affaires du cinéma et de l’audiovisuel africain. Quand on dit Africain, c’est non seulement les Africains qui travaillent dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel mais aussi toutes ces personnes de par le monde qui travaillent autour du cinéma et de l’audiovisuel africain, qui vivent de cette filière.

En quoi consistera le renforcement de ce marché pour  2017 ?

Le renforcement en 2017, on va se déplacer. Ce ne sera plus au siège du Fespaco. On va aller au Centre international de conférence Ouaga 2000 qui est un espace approprié avec suffisamment d’espaces pour les expositions, les réunions, les conférences, etc. C’est pour offrir aux professionnels un espace approprié et inciter la participation des entreprises africaines du cinéma et de l’audiovisuel, inciter aussi la participation des partenaires et puis encourager les gens aux débats. On veut vraiment créer un centre d’intérêt, travailler en sorte que tout le monde soit suffisamment concentré autour du Mica qui se déroule dans la journée.

Une telle option à quelle fin, de façon concrète ?

Il y a un intérêt aujourd’hui autour du cinéma et de l’audiovisuel africain parce que tout le monde s’est rendu compte que le marché dans cette filière aujourd’hui et demain c’est le marché africain. C’est en Afrique aujourd’hui qu’il y a les consommateurs, et il y a une forte demande de contenu africain tant sur le continent que hors du continent. Je pense qu’ailleurs, les gens ont compris cela plus que nous. Quand vous voyez aujourd’hui le foisonnement de sociétés qui se créent dans nos pays par les occidentaux qui viennent s’installer sur place pour pouvoir travailler dans ce domaine et toutes les entreprises des télévisions étrangères qui de plus en plus s’intéressent au contenu africain, c’est dire qu’il y a un marché à prendre et c’est ça qui nourrit notre volonté de développer l’espace du Mica. C’est aussi pour qu’on commence à prendre conscience du volet économique du cinéma et de l’audiovisuel qui n’est pas encore bien ancré dans nos consciences. Pour que de plus en plus nos différentes politiques nationales de développement prennent en considération notre filière, pour que les partenaires aussi du développement nous prennent en compte, il faut qu’on arrive à démontrer la dimension économique importante de cette filière. Développer l’espace Mica, c’est aussi pour renforcer la promotion de ce festival perçu un peu comme la locomotive de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel sur le continent parce que quand on écoute les critiques, les gens trouvent que c’est inconcevable aujourd’hui que l’organisation du Fespaco n’atteigne pas le niveau le plus élevé en termes de numérisation des salles, en termes de qualité d’organisation du marché et tout, mais en ignorant en même temps que le Fespaco se déroule dans un espace de pays en voie de développement. Mais le festival étant considéré comme la locomotive, on n’a pas d’excuse.

A combien avez-vous évalué en termes de budget toutes ces ambitions pour 2017 ?

On parle aujourd’hui de budget prévisionnel. Il est évalué à un milliard deux millions (1.200.000.000) de francs Cfa.

Quelle est la contribution de l’Etat burkinabé ?

Le Burkina Faso est le premier et principal bailleur de fonds du Fespaco. Sa contribution est difficile à évaluer. Si vous regardez sur le budget national, on vous dira 500 millions. Mais quand on rentre dans les évaluations en profondeur, cette contribution dépasse largement ces montants parce la structure permanente du Fespaco est à la charge de l’Etat du Burkina Faso. Le Fespaco a un siège qui fonctionne grâce à la subvention de l’Etat burkinabé ; les travailleurs du Fespaco sont payés par l’Etat burkinabé ; toutes les infrastructures (autant les espaces, autant les véhicules,…) qui contribuent à l’organisation du Fespaco sont mis à disposition par l’Etat du Burkina Faso. C’est un pays qui a pris l’engagement de soutenir et d’organiser ce festival. Sa contribution n’est pas comptabilisée au francs près mais quand on doit donner de pourcentage, elle se situe aux alentours de 70%. Le reste est à chercher auprès des partenaires et des privés en termes de sponsoring, de mécénat, etc.

La Côte d’Ivoire, est le pays invité d’honneur du Fespaco 2017 ? Qu’est-ce qui a orienté ce choix ?

On a choisi la Côte d’Ivoire pour une raison simple. L’objectif qui se cache derrière le concept de pays invité d’honneur, c’est de mettre les projecteurs sur les efforts qu’un pays fait dans le domaine du développement de cette filière. On a fait le constat qu’en Côte d’Ivoire, ces 5 dernières années, il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites. Ils ont adopté récemment une loi sur le cinéma et l’audiovisuel. En passant, je vous dis que le Burkina a sa loi depuis 2004. En Côte d’Ivoire, ils ont aussi revalorisé le fonds de soutien à l’activité cinématographique pour atteindre le même niveau que le Sénégal, c’est-à-dire un milliard de franc Cfa ; la politique de rénovation de salle, de numérisation des salles a déjà commencé avec l’ouverture de salles dans les centres commerciaux de la ville. Il faut signaler aussi l’effort que le ministère de la culture et de la francophonie fait pour la participation massive des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel aux différentes éditions du Fespaco. Je pense qu’en 2015, le ministre était accompagné d’environ 50 à 60 professionnels qu’il a fait venir aux frais du gouvernement ivoirien. Il est un des rares ministres qui sont restés durant tout le festival ; il a suivi toutes les activités. C’est tout cet ensemble d’efforts que nous avons envie de montrer et d’encourager.

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