Bénin : Le plus grand rendez-vous manqué pour Talon en 2016

Contrairement au vœu du chef de l’Etat béninois, le peuple n’a pas été saisi cette année sur les réformes politiques et institutionnelles prévues par «le Nouveau Départ» pour donner du souffle à la démocratie béninoise.

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Il en a fait le thème phare de sa campagne électorale.  Mais il n’a pu les faire adopter cette année. Les réformes politiques et institutionnelles prévues par le président Patrice Talon font sans aucun doute partie des grands dossiers de l’actualité béninoise de l’année qui s’achève. Elu le 20 mars 2016 président de la république, par 65% des suffrages exprimés à l’issue d’un scrutin présidentiel très disputé, Patrice Talon a bâti sa communication de campagne autour des réformes politiques et institutionnelles. Idée originale de son projet de société le « Nouveau Départ », ce chantier vise à renforcer le processus démocratique entamé depuis l’avènement du renouveau démocratique en 1990. Ces réformes devraient porter sur le rééquilibrage des pouvoirs publiques, le renforcement du pouvoir judiciaire, l’amélioration des systèmes électoraux et partisans. Dans la batterie de propositions, la réforme du mandat présidentiel cristallise jusque-là les attentions. Il s’agira de faire passer le nombre de mandat présidentiel de deux à un. D’ailleurs, Patrice Talon s’est lui-même engagé à ne faire qu’un seul mandat.

Décidé à donner un «Nouveau départ » à l’expérience démocratique de son pays, le 06 mai, soit un mois, après son entrée en fonction, il installe officiellement, au Palais de la Marina, une commission de trente-cinq membres chargée de lui faire des propositions de réformes dans l’esprit de la conférence nationale de 1990. Moins de deux mois plus tard, la commission ad ’hoc présidée par le Garde des sceaux Joseph Djogbénou dépose  son rapport général. Les émoluments de 10 millions par personne versés aux membres de la commission avait d’ailleurs suscité un grand tollé dans le pays ; entre incompréhensions et indignations. « Nous allons nous efforcer assez rapidement pour examiner en détail le contenu de ce rapport, afin de sortir le projet de révision de notre Constitution que nous allons soumettre au parlement dans les meilleurs délais. Ceci, afin que le peuple soit saisi comme souverain avant l’année prochaine », avait déclaré le président Patrice Talon le 28 juin dernier, à la réception du rapport Djogbénou. Pari manqué pour le « Ruptureman ». L’année est terminée. Le peuple n’a pas été saisi. Mieux, le dossier des réformes est toujours au laboratoire.

Où va Talon !?

« Dans les deux ou trois mois à venir maximum, je vais vous soumettre mon projet de réforme », a annoncé le chef de l’Etat le 11 novembre dernier à Parakou.

C’était lors de sa première tournée dans le nord-Bénin en qualité de président de la république. Il va sans dire que courant février, le gouvernement passera à la phase d’adoption des réformes politiques. Mais la procédure qu’entend utiliser le président Talon fait aussi débat. Son chantier de réforme implique la révision de la Constitution béninoise. La procédure de révision telle que définie par la Constitution elle-même prévoit le passage obligé par l’Assemblée Nationale avant la consultation du peuple par référendum. Mais la stratégie Talon est contraire à cette procédure. En juin, il affirmait que le projet de révision constitutionnelle sera soumis au Parlement avant que « le peuple soit saisi comme souverain ». Moins d’un mois plus tard, il change de discours. Lors d’un entretien télévisé le 1er août, il a annoncé que le peuple sera consulté sur les réformes avant la transmission du dossier à l’Assemblée Nationale. Début septembre, en marge d’un atelier d’évaluation de la présidentielle de mars 2016, le président de la Cour constitutionnelle a rappelé la procédure indiquée. « L’étude de contrôle de régularité de la procédure nous a permis de savoir que la mise en œuvre du référendum est soumise à une procédure qui paraît plus exigeante lorsqu’il s’agit de réviser la Constitution et dont l’inobservance ne peut échapper à la censure, avait déclaré le professeur Théodore Holo. Tout projet ou proposition de révision de la Constitution pour être soumis au référendum, doit au préalable être voté à la majorité des ¾ des membres de l’Assemblée nationale… »Mais en visite à Parakou, le chef de l’Etat est revenu à la charge.

« Ce ne sera pas un référendum, parce que juridiquement, nous n’avons pas les moyens de le faire. Ce sera une consultation ; je vais vous consulter sur l’ensemble des réformes que je compte opérer au plan politique pour soutenir la réforme administrative », reprécisait-il à Parakou en novembre.

Dans son discours sur l’état de la nation à l’Assemblée nationale jeudi 22 décembre dernier, il est resté muet sur la question.

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De plus, le président Talon veut réformer le mandat présidentiel. Pourtant, selon une jurisprudence de la Cour constitutionnelle, la durée et le nombre de mandat présidentiels font partie des options fondamentales de la Conférence nationale. En conséquence, ces dispositions de la constitution ne peuvent pas faire l’objet de référendum. Pourtant, l’ancien roi du coton en a fait l’innovation majeure de son package de réformes. Comment compte-t-il y arriver ? Pourrait-il réellement contourner l’Assemblée nationale ? Réponses en 2017

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