Souvenir de la Conférence Nationale

A l’occasion du 27ème anniversaire de la fin de la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation, il nous a paru utile de publier l’extrait que voici du second tome de notre essai d’histoire du temps présent au Bénin postcolonial.

Publicité

« L’issue que trouva Mathieu Kérékou pour obtenir un appui solide à la résorption de la crise économique et politique de son régime fut la convocation d’une rencontre de toutes les tendances politiques du pays y compris, et surtout celles qui constituaient une opposition à son régime. Ce genre de recours à une concertation nationale était de tradition chez les pouvoirs militaires au Bénin depuis l’indépendance du pays. Cette solution répondait aux suggestions qui lui étaient faites par ses sauveurs français et occidentaux. Les groupes extérieurs étaient soutenus à cet effet par les puissances occidentales et leurs amis africains qui considéraient que l’option béninoise pour une politique nouvelle d’indépendance nationale comportait des risques pour la stabilité des régimes dans leurs pays.

 A la recherche des acteurs et des causes principales de l’initiative, nombre de citoyens béninois, pour mettre en avant leurs propres actions, ont évité consciemment ou non, de se référer aux circonstances et au contexte national, préférant mettre l’accent à la rigueur sur les interventions venant de l’extérieur. Ainsi, une fois encore, se manifeste la tendance à sous estimer ou même exclure l’action d’un peuple, et notamment du peuple béninois dans le combat pour la conquête de sa souveraineté et de ses libertés.

Il nous parait primordial de nous situer aux antipodes de ces démarches sans, bien sûr, occulter l’effet des pressions étrangères, source première de l’arriération de notre pays, ni les dispositions individuelles de nos concitoyens pour faire avancer le combat politique.

Le contexte politique national

La manière dont les officiers avaient, dès le début de la période révolutionnaire, écarté les auteurs du Discours Programme de la Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale pour concentrer en leurs seuls mains la totalité des rouages du pouvoir, indépendamment des compétences dont ils disposaient en leur sein, et les transformer en simples ouvriers taillables et corvéables à merci,  était enceinte de blocages et de déviations.

Publicité

Cette manière traduisait les ambitions de certains officiers de notre armée de s’accaparer du pouvoir politique uniquement grâce aux armes dont l’Etat les avait dotés pour la défense du pays. Toutes les adhésions ultérieures à leur cause relevaient visiblement, non d’une volonté de faire appliquer de concert avec le GMR les orientations proclamées le 30 novembre 1972, mais de tirer profit du besoin de collaborateurs né de la prise du pouvoir pour la poursuite d’intérêts personnels de classe.

A l’origine du coup d’Etat du 26 octobre 1972 se trouvaient plusieurs tendances au sein de forces armées, soit liées aux anciens présidents, Maga, Apithy, Ahomadégbé et Zinsou, soit nouvelles dans les rangs des officiers désireux d’exercer par eux-mêmes le pouvoir d’Etat. Le niveau de développement des considérations régionalistes et la constitution sur ces bases, de clans au niveau de l’armée donna l’avantage à cette nouvelle tendance de manière que Kérékou semble avoir été l’ultime recours pour rassembler ces officiers putschistes. Il était en effet très inquiet pour l’unité nationale menacée par ces divisions à bases ethniques et régionalistes et sa pratique donnait confiance à tous ceux que les conflits régionalistes inquiétaient.

Comme évoqué plus haut, les ambitions de Bertin Borna de remplacer Hubert Maga comme recours des officiers du nord du pays furent déterminantes, et surtout appuyées par le financement de Kovacs.

A ces éléments du contexte, il faut ajouter les forces politiques marxistes-léninistes ou non, qui s’étaient organisées en associations diverses engagées dans la mobilisation des travailleurs, des jeunes et des populations pour mettre à la retraite politique tous les anciens présidents ; de nouvelles ambitions et projets politiques étaient nées chez une jeune couche d’intellectuels de la petite bourgeoisie bureaucratique dahoméenne. Les amis de l’ex-président Zinsou avaient même organisé l’invasion du pays par des mercenaires étrangers en complicités avec des militaires au Bénin, dont des membres du Gouvernement.

La dissolution de toutes les organisations anti-impérialistes dans le processus de caporalisation de toutes les couches sociales béninoises laissait dans l’opposition les auteurs véritables du Discours Programme de la Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale. Toutes les tentatives d’ouverture initiées par Mathieu Kérékou et certains de son entourage, boudées par les plus actifs, avaient échoué.

La déconfiture économique créait une occasion de dernière chance, d’autant plus que les nouveaux partenaires et bailleurs de fonds insistaient sur la réhabilitation de leurs poulains, pour amener tous les organes dont Kérékou s’était entouré à accepter une ouverture totale. Il sut adopter une stratégie faite d’approches successives pour parvenir à son objectif, sans qu’on puisse facilement lui attribuer, à lui seul, la décision d’un revirement : le Bureau Politique, le Comité Central, le Congrès du PRPB et l’Assemblée Nationale Révolutionnaire, toutes ces instances et même des ministres individuellement «contribuèrent démocratiquement» à la prise des décisions capitales sous l’impulsion discrète du Grand Camarade de Lutte !

Dans ce contexte, une place particulière, parmi les oppositions, doit être réservée à l’action de résistance du Parti Communiste du Dahomey, le PCD, (devenu le PCB). »

C’est l’occasion de mettre un accent sur un détail : la Conférence était convoquée pour prendre fin le 24 février 1990. Elle dut être prolongée jusqu’au 28. Pourquoi ? La raison principale était que le principe de sa souveraineté retenu par le front des organisations invitées n’avait pu être obtenu dès le début des travaux en raison de la défection de dernière minute du groupe des anciens Présidents démarchés par Kérékou. La patience des autres membres qui avaient participé à décision de la nécessité d’adoption de ce principe avait pris fin ; ils avaient décidé de se délester du groupe des anciens Président pour «le coup d’Etat civil» de proclamation de la souveraineté de la Conférence.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité