« Je vais vous donner une certitude, une garantie, Patrice Talon a fini avec les affaires », ainsi parlait le président de la république en Janvier 2016L’une des grosses craintes des Béninois lorsque Patrice Talon briguait la magistrature suprême, est le conflit d’intérêt et le délit d’initié qui peuvent naître lorsqu’un homme d’affaires est au pouvoir. Un an après, même si Patrice Talon s’est déchargé de ses responsabilités à la tête de ses sociétés et s’occupe de la gestion du pays, la rupture du cordon ombilical avec le monde affaires n’a jamais été une réalité.
« Je vais vous donner une certitude, une garantie, Patrice Talon a fini avec les affaires », ainsi parlait le président de la république en Janvier 2016 alors qu’il était en tournée d’explication sur sa candidature à Paris. Il répondait ainsi à la question d’une béninoise de France qui a poussé sa curiosité jusqu’à poser la question de savoir comment il pourrait concilier ses affaires et la gestion de l’Etat une fois élu. Si le Chef de l’Etat a rassuré ses compatriotes à chaque fois que cette question lui a été posée, ses actes l’ont moins fait.
Une fois le pouvoir pris, le Chef de l’Etat a glissé lentement vers une gouvernance d’affairisme caractérisée par une opacité dans la gestion des affaires publiques, l’octroi des marchés gré à gré à des proches, le dépouillement de l’Etat de ses prérogatives régaliennes au profit des privés, le règlement tacite de tous les contentieux qui opposaient ses sociétés à l’Etat, leurs remises en activité et leur dédommagement. Tout ceci a été fait sans le moindre arbitrage.
Une rupture difficile
Bien que Patrice Talon ait décidé de ne plus être homme d’affaires, il n’en est pas resté trop loin. Dès le 19 avril, quelques jours après la prise du pouvoir, le gouvernement a par des arrêtés successifs, pris par le ministre de l’économie et des finances, procédé aux remboursements des entreprises Sdi et Sodéco de Patrice Talon, et Dfa d’Olivier Boko. Pendant près de trois mois, des dizaines de milliards de francs Cfa ont été remboursés à ces trois sociétés dans la rubrique « Subventions à d’autres établissements publics » et du chapitre « appui à la campagne cotonnière ».
Le ministre Wadagni précise que lesdits décaissements permettront de faire face « aux opérations d’égrenage du coton graine au titre de la campagne 2015-2016 et d’autre part, « à l’apurement de la dette de la Sonapra vis-à-vis de la Sodéco ». Sans aucune forme de procédure, sans aucune décision de justice, même sans en informer le peuple, les sociétés de Patrice Talon ont été remboursées. Le gouvernement ne s’est pas arrêté en si on chemin. Le Conseil des ministres du 18 mai 2016 a décidé de retourner le Pvi à Benin Control. On se rappelle qu’au cours d’une sentence arbitrale du 13 mai 2014, la Cour de justice et d’arbitrage de l’Ohada avait ordonné au gouvernement béninois de rétablir Bénin Control pour la mise en œuvre du Pvi, sous peine d’amende après l’abrogation le 13 août 2012, du décret instituant le Pvi.
Chose curieuse, si c’est au cours du Conseil des ministres du 18 mai que le Pvi a de nouveau été accordé à Bénin Control, c’est dans la rubrique « annonces classées » de l’Apiex, du vendredi 04 novembre 2016, soit six mois après, que le Conseil d’administration change. Dans cette annonce classée émanant de l’office notariale de Me Francine E. Vittin, il est écrit noir sur blanc : « Les administrateurs ont par ailleurs nommé Monsieur Olivier Boko en qualité de Président du Conseil d’administration en remplacement de Monsieur Patrice Talon démissionnaire pour la durée restant à courir du mandat de son prédécesseur, soit jusqu’à l’Assemblée générale devant statuer sur les comptes de l’exercice 2016 ». La même annonce précise que le dépôt légal a été effectué au greffe du tribunal de première instance à compétence commerciale de Cotonou le 03 novembre 2016, sous le numéro 16 DA 5720.
Pour conclure, le Pvi a été retourné à Benin Control alors que son patron s’appelait encore Patrice Talon. Un conflit d’intérêt qui ne dit pas son nom et qui confirme les inquiétudes du début. Mais il y a un autre indice qui renforce les appréhensions des uns et des autres. C’est la présence d’Olivier Boko, le partenaire d’affaires du président de la république, dans son entourage immédiat.
Sans aucun titre officiel dans l’appareil d’Etat, il est de presque tous les voyages du Chef de l’Etat et son influence grande sur les décisions du gouvernement. Surnommé même le Vice président, il est très influent dans le dispositif Talon où il aurait réussi à positionner ses éléments. Grâce au pouvoir, Patrice Talon est revenu en force et a repris sa main basse sur des secteurs vitaux de l’économie nationale. Il a repris totalement le Pvi, s’est fait rembourser pour ses usines réquisitionnées. Ainsi se gère le Bénin depuis le 06 avril 2016 par Patrice Talon, avec un associé d’affaires à côté.
On brade, on achète…
En un an, le gouvernement a peu bâti. Il n’a presque pas fait d’œuvres sociales. Plusieurs réformes mais une tendance a marqué les esprits : celle du business au sommet de l’Etat. Plusieurs pans des prérogatives de l’Etat ont été confiés à des privés. Mais le plus grave, c’est les scandales autour de certains marchés juteux. Morpho Dys, Samtal … ont fait grand bruit ici.
Dans chaque cas, le gouvernement a voulu arracher ces marchés en cours d’exécution et les remettre à de nouvelles sociétés appartenant à des proches. Plusieurs autres marchés juteux ont été confiés à des sociétés françaises comme Deloitte, Safran, Attias… On n’a pas fait que ça. Le Chef de l’Etat a aussi, de son gré, choisi d’acheter une maison construite sur le domaine privé de l’Etat, et qui est juste à côté de sa maison. Tout ceci a été fait en catimini. Il a fallu la décision de la Cour constitutionnelle donnant avis favorable à cette vente pour qu’on découvre l’affaire. Sans vendeur, l’acheteur s’est confondu au vendeur pour fixer le prix d’achat.
Drôle de commerce. En un an sous Talon, on a vendu et acheté. C’est cela le fort du gouvernement.
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