Au conseil des Ministres qui a décidé de révoquer la licence de l’opérateur de téléphonie cellulaire Bbcom SA figurent des personnalités qui ont joué, d’une manière ou d’une autre, des rôles essentiels dans le processus qui a tragiquement abouti à la décision du 02 août 2017. Ce qui est curieux, aucun d’eux n’a eu le culot d’avouer le rôle qu’il a pu jouer dans l’échec des transactions qui ont changé le destin de Bbcom et de Bénin Télécoms Sa. L’affaire Bbcom est loin de livrer tous ses secrets. Au delà du conseil des Ministres, il convient de déplorer le rôle peu honorable de certaines personnalités sur le passé de cette société.
En effet, par leurs différentes actions, ils ont fait échouer des transactions qui auraient pu changer le destin non seulement de Bbcom SA, mais également de Bénin Télécom SA, étant donné que ces deux destins avaient été longtemps liés par eux, au grand dam du Promoteur Salifou ISSA dont l’avis n’a pas été requis dans l’élaboration du DAO qui a inclus Bbcom, encore moins son accord.
Ce qui intrigue le plus c’est surtout le mode opératoire qui bafoue les droits acquis et consacre un véritable excès de pouvoir au moment même où Bbcom tente de se relever avec un repreneur sérieux qui s’est engagé sur la base d’un business plan validé pourtant par le régulateur du secteur, l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (Arcep).
Des droits acquis bafoués
Au départ, la Convention signée entre Bbcom SA et l’Etat béninois date de 2007 pour une période de dix (10) ans. Après les tentatives ratées de reprise par Orange du Groupe France Telecom SA, par Maroc Télécom SA et le Groupe Talon, le promoteur a entrepris de restructurer son entreprise. Dans la perspective d’ouvrir le capital à des investisseurs étrangers, Bbcom SA a sollicité une prorogation de la durée d’exploitation de la licence.
La requête de l’opérateur a reçu l’aval favorable de l’Arcep qui a considéré « les efforts antérieurement consentis par le gouvernement en offrant à l’opérateur Bbcom, les possibilités de retrouver ses capacités d’exploitation à travers la signature de deux ( 2) avenants et l’autorisation de l’ouverture du capital social à un partenaire stratégique » d’une part, puis « la nécessité pour le gouvernement de poursuivre ses efforts dans l’accompagnement de cette entreprise nationale à sortir de ses difficultés en offrant au repreneur stratégique le temps nécessaire pour implémenter son plan de restructuration, le temps restant à courir dans le cadre de la convention d’exploitation n’étant plus que d’une année (…) », d’autre part.
Sur cette base la licence d’exploitation de Bbcom SA a été prorogée de cinq (5) ans par le décret 2016-258 du 5 avril 2016 avec comme année d’expiration 2022. C’est sur la base du nouveau décret et fort de cette prorogation de la durée d’exploitation de la licence que l’investisseur nigérian a accepté de prendre 90% du capital de Bbcom SA et de relancer les activités de l’entreprise.
Excès de pouvoir
La « révocation » de la licence d’exploitation de Bbcom qui n’est autre que le retrait de l’autorisation d’exploitation qui lui avait été octroyée par l’Etat est un acte arbitraire indigne d’un Etat de droit. Ce retrait, il faut le dire, n’est en fait qu’une annulation du décret 2016-258, alors que le gouvernement n’est plus compétent pour annuler un tel acte administratif. Cette révocation intervient alors que l’Etat lui-même a jugé nécessaire de proroger la durée d’exploitation de la licence. Dans ces conditions, la décision du Conseil des Ministres ne saurait se comprendre car elle viole la base juridique sur laquelle l’Etat béninois a autorisé l’ouverture du capital de Bbcom SA aux capitaux étrangers. L’Etat peut-il se dédire aussi facilement sans raison particulière ? En effet les alibis tirés des dettes sont fallacieuses, la situation de Bbcom SA étant déjà connue lors de la vente des 90% des actions à Global Tecomnet Limited. Mieux, Global Tecomnet Limited avait préalablement pris connaissance de l’audit de Bbcom SA réalisé par un consultant international, l’entreprise Kpmg d’où il ressort clairement les actifs et les passifs confirmés par tous les créanciers. C’est donc en toute connaissance de cause qu’elle s’est engagée, à travers un business plan validé par l’Arcep, à :
– racheter 90% des actions de M. ISSA Salifou dans Bbcom
– investir USD 100 millions (approximativement FCFA 60 milliards) dans l’entreprise BBCOM sous la forme de 10% en augmentation du Capital et 90% sous forme de dette.
Aussi cet investissement de USD 100 millions devrait-il permettre de : déployer les services innovants à valeur ajoutée pour améliorer la qualité du réseau existant ; et de restructurer et rembourser l’importante dette d’exploitation existante
Ce dernier point est d’autant plus significatif qu’il démontre bien que l’investisseur nigérian est pleinement conscient des passifs de l’entreprise et consent à y faire face selon un chronogramme défini dans le business plan. De même, l’opérateur Global Tecomnet Limited a été sélectionné par une structure internationale, « Panafrican Capital », elle-même chargée de cette opération par une Banque de la place responsabilisée par BBCOM SA. L’ARCEP connaît toutes ces informations et détient tous les documents qui lui ont permis d’autoriser la conclusion de l’acquissions de 90% du Capital de BBCOM SA par Global Tecomnet Limited. Au regard de ces éléments, on ne peut que se perdre dans la rhétorique gouvernementale qui manque de consistance et qui poursuit d’autres objectifs que ceux évoqués maladroitement par ailleurs.
Ce faisant, Patrice TALON et son gouvernement décident sciemment de faire harakiri au pays, car le tribunal compétent pour connaître de tout différend relatif à la Convention Etat Béninois-BBCOM SA est celui de Paris en France. Cependant cela n’empêche pas la saisine éventuelle du juge constitutionnel et du juge de l’excès de pouvoir.
C’est dire que la révocation de la licence de BBCOM par le gouvernement lors du Conseil des Ministres du 02 août 2017, risque d’être un long feuilleton dans lequel l’image de Boni YAYI ancien Président de la République, surtout de Patrice TALON et des Ministres influents de son gouvernement risque de prendre un sérieux coup. Néanmoins il est peut-être encore temps pour eux de faire marche arrière.
ILS ONT JOUE DES RÔLES…ILS DOIVENT S’EXPLIQUER !
Pourquoi la vente de BBCOM SA à France Télécom SA a échoué ? Pourquoi Maroc Télécom a été adjudicateur provisoire de l’appel d’offres et pourquoi la transaction a, une nouvelle fois, flopé ? A quel jeu a finalement joué Patrice TALON, membre des délégations du Bénin pour les deux négociations alors qu’il n’avait aucune fonction officielle au Bénin ? Et que dire de Linkston Capital de Pape DIOUF, (fils de l’ex Président sénégalais Abdou DIOUF qui a « réconcilié » Boni YAYI et Patrice TALON dans l’affaire d’empoisonnement, ouvrant la voie à la candidature de Patrice TALON à la présidence de la République) Conseil de l’Etat, dans ces différentes négociations et conseil de Patrice TALON dans le protocole d’accord de prise de majorité dans le capital de BBCOM entre Salifou ISSA et Patrice TALON en 2011 ? Et que dire de la partition d’Abdoulaye BIO-TCHANE, à l’époque Président de la Banque Ouest africaine pour le développement ? L’heure de la reddition de comptes a sonné !
Boni YAYI l’ex président de la République : étant le Chef du gouvernement d’alors il avait connaissance des deux tentatives ratées de vente de Bénin Télécom SA à France Télécom puis à Maroc Télécom qui incluaient dans le même temps BBCOM SA. Il ne peut prétendre ne rien savoir des opérations dans la mesure où Patrice TALON qui n’avait aucune fonction officielle au Bénin a participé aux différentes négociations, parfois à la surprise des autres parties. Il ne pourrait y être sans l’aval de Boni YAYI. Il serait temps que l’ancien Président éclaire l’opinion publique sur ce dossier notamment en disant le contenu du cahier de charges du « Lobbyiste » qu’était Patrice TALON dans le dossier. Par ailleurs l’ancien Président de la République devrait expliquer pourquoi les deux transactions ont échoué.
Patrice TALON, le « lobbyiste » : Dans la délégation béninoise ayant discuté avec France Télécom en 2010 au sujet de la reprise de Bénin Télécom SA il y avait donc Patrice TALON, « homme d’Affaire béninois » bien connu dans le sérail français. A la question des responsables de France Télécom sur son rôle dans l’opération en discussion, il s’est présenté comme le « lobbyiste », selon un témoin présent. Pourquoi le Bénin avait-il besoin de ce Lobbyiste alors qu’il avait un Conseil qu’était la société Linkston? Et à quoi a finalement servi son implication dans le dossier, étant entendu que le processus de rachat du capital a échoué aussi bien avec les Français qu’avec les Marocains ? En outre selon quelle motivation a-t-il signé avec l’actionnaire majoritaire de BBCOM SA un protocole d’accord sur la prise de la majorité de BBCOM qu’il n’a finalement jamais honoré, malgré les avances qu’il lui a versées ? Inutile, au regard des faits ainsi évoqués, de dire que le Président Patrice TALON qui a président le Conseil des Ministres du 02 août 2017, (« lobbyiste » en 2010-2011), était à la fois juge et partie lors du « procès sans défense » fait à BBCOM. Il y a là un profond malaise qui mérite d’être dissipé.
Pascal Iréné KOUPAKI, le Chef négociateur : Impassible membre de différents gouvernements de Boni YAYI de 2006 à 2013 en qualité de n°2 il était ministre d’Etat en 2010 et 2011 lorsqu’il conduit la délégation aux négociations successivement avec France Télécom (à Paris dans les locaux de Linkston) et Maroc Télécom (à Rabat). Il pourrait donc mieux éclairer l’opinion publique et dire pourquoi les deux négociations ont échoué. A moins qu’il ne laisse le job à Désiré ADADJA, alors ministre en charge de la Communication
Désiré ADADJA, l’exécutant : en sa qualité de ministre sectoriel, Désiré ADADJA est principalement en charge du dossier. Certes en présence d’un Pascal Irénée KOUPAKI, le Premier des Ministres, et surtout face à un Patrice TALON, « lobbyiste » assumé, le ministre ADADJA n’avait plus rien d’autre à faire que de jouer aux exécutants. Mais, ayant piloté le dossier à toutes les étapes, il sait, en son for intérieur, tout ce qu’il a fait pour que le rachat de BBCOM par Maroc Télécom n’aboutisse pas…
Pape DIOUF et son Cabinet Linkston : Conseiller de l’Etat et de Patrice TALON ! Officiellement ce cabinet était « Conseil » de l’Etat béninois à toutes les négociations tant avec les Français qu’avec les Marocains. Mais aucune n’a abouti. Mieux son rôle est franchement sujet à caution, dans la mesure où il s’est également retrouvé à « Conseiller » Patrice TALON, donc en privé, dans le protocole d’accord signé entre le groupe TALON et ISSA Salifou. Aussi serait il utile de préciser que c’est son papa Abdou DIOUF qui a joué au médiateur dans le « conflit » YAYI-TALON. Ceci expliquerait-il cela ? Rien n’est moins sûr !
Au-delà de ces personnages qui ont négocié et cautionné l’échec des transactions avec les opérateurs Orange de France Télécom et Maroc Télécom, il y a le rôle joué par Abdoulaye BIO TCHANE dans l’échec de la restructuration de BBCOM SA et aussi dans l’ouverture du capital à des investisseurs étrangers.
Abdoulaye BIO-TCHANE : Ministre d’Etat qui n’a pas pu lever le petit doigt au cours du conseil des Ministre du 02 août 2017 alors que lui également est au courant de tout le dossier depuis qu’il était Président de la BOAD. En son temps il avait émis une lettre de confort de la BOAD à BBCOM qui lui a permis (à BBCOM bien sûr) d’avoir un crédit relai dans une banque de la place, en vue de sa restructuration. Le problème avec ce type de crédit, c’est qu’il est de court terme avec un taux d’intérêts plus élevé. Mais puisqu’il devait être remboursé par le prêt de la BOAD, l’offre venait plutôt à propos. Seulement voilà : le prêt de la BOAD n’est jamais intervenu, ce qui a accru les difficultés de BBCOM. Dans ces conditions, comment comprendre le sens de la participation active d’Abdoulaye BIO-TCHANE au « procès à charge » de BBCOM SA ? Si la licence est révoquée, voire retirée, voire annulée, comment rembourser le crédit de la banque, crédit qu’il a cautionné par sa lettre de confort ? Qui remboursera tous ces montants alignés par le gouvernement dont certains ne sont d’ailleurs pas reconnus par BBCOM ? Et quelle crédibilité pour son jeune frère co signataire de la vente de BBCOM à GLOBAL TECOMNET LIMITED ? Si l’ancien Président de la BOAD n’a rien à se reprocher dans ce dossier il serait utile pour tous qu’il sorte de son mutisme…
Au demeurant, il est curieux de constater que cette campagne de destruction de BBCOM est voulue et assumée, sans retenue, par le Président Patrice TALON et les ministres d’Etat KOUPAKI et BIO-TCHANE, car il est de notoriété publique que BBCOM SA n’est pas le seul opérateur économique qui doit de l’argent à l’Etat. En effet, au jour d’aujourd’hui l’Etat réclame également des milliards de FCFA aux autres opérateurs GSM : 180 milliards à MTN, 75 milliards à MOOV, 20 milliards à GLO ! Pourquoi le Conseil des Ministres n’a pas parlé d’eux ? On a comme l’impression qu’il y a un traitement de deux poids deux mesures, une violation en somme de l’article 26 de la constitution qui parle de l’égalité de traitement des citoyens devant la loi. Pour preuve, même entre les autres Sociétés de téléphonie cellulaire le traitement est au cas par cas. Les comptes de l’opérateur MTN, à qui 180 milliards FCFA sont réclamés, sont bloqués dans les banques de la place, lesquelles banques ont reçu l’injonction de virer ses avoirs dans le compte de l’Etat. Quant à MOOV détenu désormais par Maroc Télécom il bénéficie d’un échelonnement de ses 75 milliards FCFA sur une période de trois (3) ans. Avec GLO, les négociations seraient en cours…Voilà la vie des opérateurs de téléphonie cellulaire au Bénin du Nouveau Départ et de la Rupture !
Une collaboration extérieure de Sésé Mariani d’ALMEIDA
(A suivre)
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