Nomination des greffiers et assistants: Le Syntrajab relève des irrégularités et menace

Le Bureau directeur national (Bdn) du syndicat des travailleurs de la justice et assimilés du Bénin (Syntrajab), a fait une déclaration le mercredi 13 septembre 2017, pour soulever l’illégalité de l’arrêté année 2017 n°074/MJL/DC/ SGM/DAF/ DSJ/ SA/049SGG 17, du 11 septembre 2017. Le Syntrajab dénonce également la violation des normes et pratiques administratives, appelle le Garde des Sceaux au respect des textes, et prend le peuple à témoins sur les menaces qui pèsent sur l’appareil judiciaire béninois avec cette attitude du gouvernement. Lire l’intégralité de la déclaration, signée du secrétaire général du Bdn/Syntrajab, Appolinaire K. Afféwé.

DECLARATION DU BDN/SYNTRAJAB AU SUJET DES NOMINATIONS DE GREFFIERS EN CHEF ET D’ASSISTANTS DE GREFFIERS EN CHEF DANS CERTAINES JURIDICTIONS SUIVANT DECRET N°2017-388 DU 04 AOUT 2017 ET ARRETE ANNEE 2017 N° 074 /MJL/DC/SGM/DAF/DSJ/SA/049SGG17 DU 11 SEPTEMBRE 2017

Publicité

Les derniers développements de l’actualité au sein du secteur de la justice focalisent l’attention de l’opinion publique sur les nominations de greffiers en chef et d’assistants de greffiers en chef dans certaines juridictions suivant décret n°2017-388 du 04 aout 2017 et arrêté ANNEE 2017 N° 074/MJL/DC/SGM/DAF/DSJ/SA/049SGG17 du 11 septembre 2017 . Ces nominations qui défraient la chronique notamment au sein de la corporation des Greffiers et Officiers de justice du Bénin et qui s’apparentent à une destruction programmée de cette corporation et par ricochet de la justice béninoise dont les concernés constituent un maillon important, a fait l’objet d’une analyse minutieuse de la part du Bureau Directeur National du SYNTRAJAB. La présente déclaration prendra en compte le contexte, les irrégularités et violations relevées et l’appel du SYNTRAJAB.

I- LE CONTEXTE

Après le vote et la promulgation de la loi n°2007-01 du 29 mai 2007 portant Statut des Corps des Greffiers et des Officiers de Justice en République du Bénin, plusieurs décrets d’application ont été pris. Au nombre de ces décrets, nous en avons deux qui organisent la gestion de la carrière des agents concernés et leur promotion hiérarchique. Il s’agit des décrets n°2015-180 du 13 avril 2015 portant modalités de nomination des Greffiers en Chef et de leurs Assistants en République du Bénin et n° 2015-178 du 13 avril 2015 portant plan de carrière des corps des Greffiers et Officiers de Justice en République du Bénin. L’article 8 du décret n° 2015-180 du 13 avril 2015 portant modalités de nomination des Greffiers en Chef et de leurs Assistants en République du Bénin dispose qu’à compter de la date de sa signature, tous les postes de greffier en chef sont déclarés vacants et que dans un délai de trois (03) mois il est procédé à une actualisation des nominations des greffiers en chef actuellement en fonction pour les conformer à ses dispositions. C’est la mise en œuvre  de cette disposition qui a amené le Garde des Sceaux à prendre l’arrêté n°123/MJL/DC/SGM/DSJ/SA040/SGG du 26 septembre 2016 portant création, attribution et fonctionnement de la commission ad’hoc chargée du redéploiement du personnel greffier et des propositions à nomination des Greffiers en Chef et des Assistants de Greffiers en Chef. Cette commission présidée par le Directeur des Services Judiciaires et qui est composée de plusieurs personnes ressources de référence de la corporation des greffiers et officiers de justice, a conduit la procédure d’appel à candidature prescrite par le décret portant modalités de nomination des greffiers en chef et de leurs assistants et a produit un rapport suivi de trois propositions de nomination par poste à pourvoir qui a été déposé le 27 février 2017.

L’aboutissement de la procédure devrait être les nominations en Conseil des Ministres suite à une communication du Garde des Sceaux. Contre toute attente, des nominations fantaisistes ont été opérées à travers le décret n°2017-388 du 04 aout 2017 et l’arrêté ANNEE 2017 N° 074/MJL/DC/SGM/DAF/DSJ/SA/049SGG17 du 11 septembre 2017.

A l’examen, le Bureau Directeur National du SYNTRAJAB a constaté que lesdites nominations recèlent de graves irrégularités qu’il convient de dénoncer.

Publicité

II- LES IRREGULARITES ET VIOLATIONS

Au nombre des irrégularités et violations relevées, nous avons :

L’illégalité de l’arrêté ANNEE 2017 N° 074/MJL/DC/SGM/DAF/DSJ/SA/049SGG17 du 11 septembre 2017 :

L’alinéa premier de l’article 1er du décret n°2015-180 du 13 avril 2015 portant modalités de nomination des Greffiers en Chef et de leurs Assistants en République du Bénin dispose : « En application des dispositions des articles 11 et 17 de la loi n°2007-01 du 29 mai 2007 portant statut des Greffiers et des Officiers de Justice en République du Bénin, les greffes sont dirigés par un greffier en chef assisté de deux assistants nommés par décret pris en conseil des ministres sur proposition du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des droits de l’Homme ». Il ressort de cette disposition que la nomination des greffiers en chef et de leurs assistants est faite par décret pris en conseil des ministres. En décidant de procéder à la nomination par arrêté ministériel au lieu d’un décret pris en conseil des ministres, le Garde des Sceaux a délibérément choisi de violer la disposition précitée. La conséquence, c’est l’illégalité de l’arrêté qu’il a signé. Aucune excuse ne peut justifier cette illégalité dans la mesure où pour la plupart des postes à pourvoir, il existe des greffiers et officiers de justice remplissant les conditions pour en être nommés titulaires. Le fait pour le Garde des Sceaux de privilégier des nominations d’intérimaires par arrêté au lieu du décret dans les juridictions où ceux qui ont été nommés remplissent les conditions pour être titulaires des postes pourvus, dénote d’une volonté manifeste de sa part d’utiliser les nominations comme un outils de chantage et de démobilisation des concernés qui se retrouvent dans une situation précaire pouvant être remise en cause à tout moment.

La violation des dispositions de l’article 1er du décret n° 2015-178 du 13 avril 2015 portant plan de carrière des corps des Greffiers et Officiers de Justice en République du Bénin.

Il ressort de cette disposition que pour être nommé Greffier en Chef ou assistant de greffier en chef d’un tribunal de première instance de deuxième classe, les officiers de justice doivent remplir entre autres conditions l’exercice de cinq années de pratique professionnelle continue. Or, à travers ces nominations, l’officier de justice nommé au poste de greffier en chef du tribunal de première instance de deuxième classe d’Allada n’a prêté serment qu’en novembre 2016. Non seulement elle n’est pas encore titularisée, elle n’a même pas eu l’occasion d’exercer la profession puisqu’elle n’a pas été affectée dans une juridiction après sa prestation de serment. En dehors de ce cas, les greffiers recrutés en 2011, sortis de l’ENAM en 2014 et qui n’ont prêté serment qu’en septembre 2014 se sont vus nommer assistants de greffiers en chef dans les tribunaux d’Aplahoué, de Djougou, de Natitingou et de Savalou alors qu’ils ne remplissent non plus les conditions requises. Ces derniers, conscients de ce qu’ils ne remplissent aucune des conditions pour prétendre à une quelconque nomination, n’ont d’ailleurs pas déposé de dossier de candidature. Dès lors, on se demande sur quelle base ces nominations ont été faites lorsqu’on sait qu’il s’agit d’une procédure d’appel à candidature à laquelle les intéressés n’ont pas postulé.

La violation des normes et pratiques administratives.

Il est aisé de constater à la lecture du décret n°2017-388 du 04 août 2017 et de l’arrêté ANNEE 2017 N° 074/MJL/DC/SGM/DAF/DSJ/SA/049SGG17 du 11 septembre 2017 que les grades et anciennetés ont été bafoués dans le positionnement des greffiers en Chef et Assistants de Greffier en Chef nommés. Il en est ainsi au tribunal de première instance de deuxième classe d’Abomey où le greffier en chef en poste depuis 2014 a été ramené au poste de premier assistant du greffier en chef dans la même juridiction, ce qui constitue une rétrogradation pour lui alors qu’il n’a jamais postulé pour ce poste. Aucune faute ne lui a non plus été reprochée. Pire, il a été supplanté par un collègue moins ancien que lui. Le moins qu’on aurait pu faire serait de muter l’ancien greffier en chef de la juridiction si tant est que la nomination du nouveau était imparable. La même violation a été constatée dans les nominations faites par l’arrêté notamment :

  • A la cour d’appel d’Abomey : Le Greffier en Chef nommé est de la promotion 2003 ; la première assistante est de la promotion 2002 et le deuxième assistant de la promotion 1999. Le deuxième assistant est donc doyen à la première assistante, elle-même doyenne au Greffier en Chef.
  • Au tribunal de première instance de deuxième classe d’Allada : le premier assistant est de la promotion 2006 alors que le deuxième assistant est de la promotion 2005.
  • Au tribunal de première instance de deuxième classe de Lokossa : le greffier en chef nommé est de la promotion 2006, le premier assistant est de la promotion 2005 et le deuxième assistant de la promotion 2003.
  • Au tribunal de première instance de deuxième classe de Pobè : le premier assistant est de la promotion 2003 alors que le greffier en chef nommé est de la promotion 2005.
  • Au tribunal de commerce de Cotonou, le greffier en chef nommé est de la promotion 2004 au moment où le premier assistant est de la promotion 2003.

Cette situation généralisée qui est aux antipodes des normes et pratiques administratives, constitue une humiliation pour les concernés et ne peut que déteindre sur la collaboration, l’atmosphère de travail et le rendement des greffes et par conséquent de la justice.

  • Le non respect de la procédure d’appel à candidature instaurée par les dispositions des articles 2 et suivants du décret n°2015-180 du 13 avril 2015 portant modalités de nomination des Greffiers en Chef et de leurs Assistants en République du Bénin.

L’appel à candidature lancée suite à l’installation de la commission ad ‘hoc suivant arrêté n°123/MJL/DC/SGM/DSJ/SA/040/SGC16 du 26 décembre 2016, a spécifié que chaque candidat doit préciser entre autre le poste auquel il postule. La suite logique est donc que le choix de ceux devant être nommés à un poste devrait se faire parmi les candidats ayant postulé pour ce poste. Or le constat fait est que pour la quasi-totalité des nominations faites, le choix n’a pas été opéré parmi les candidats à ces postes. Il en ressort que le Garde des Sceaux s’est attribué un pouvoir supra-législatif et supra-décrétal en violation du droit de la fonction publique. Il en a été ainsi pour les greffiers en chefs nommés dans les juridictions de Cotonou, Pobè, Kandi, Aplahoué, Allada, certains assistants du greffier en chef nommé dans les tribunaux d’Abomey, d’Allada, de Kandi, de Lokossa, d’Aplahoué, de Pobè et de Porto-Novo.

  • L’incohérence de certaines nominations : des greffiers admis au concours des auditeurs de justice qui ont démarré leur pré-stage ont encore été nommés Assistant de Greffier en Chef au Tribunal de Commerce de Cotonou et au tribunal de première instance de deuxième classe de Ouidah.

En conclusion, l’autorité a fait l’option de la violation délibérée des textes d’où l’appel du SYNTRAJAB.

III- L’APPEL DU SYNTRAJAB

Au regard des irrégularités et violations relevées, le Bureau Directeur National du SYNTRAJAB, loin de s’opposer à la promotion de ses syndiqués, en appelle au respect des textes. Le BDN/SYNTRAJAB demande au Garde des Sceaux de surseoir à toute notification du décret et de l’arrêté incriminés et de reprendre les nominations en se conformant au décret portant modalités de nomination des Greffiers en Chef et de leurs Assistants en République du Bénin et au rapport de la commission ad’hoc chargée du redéploiement du personnel greffier et des propositions à nomination des Greffiers en Chef et des Assistants de Greffiers en Chef.

Le SYNTRAJAB prend à témoins l’opinion publique nationale et internationale des menaces qui pèsent sur la justice béninoise face à l’attitude du gouvernement de la rupture tendant à la violation systématique des textes.

En tout état de cause, le SYNTRAJAB se réserve le droit d’user de tous les moyens pour se faire entendre et rend le Garde des Sceaux responsable des déconvenues qui découleraient de son inaction. Il appelle à cet effet à la mobilisation générale de ses militants, des forces sociales et tous les démocrates épris de paix et de justice, contre la remise en cause des acquis issus de hautes luttes.

Fait à Cotonou le 13 septembre 2017
Pour le BDN/SYNTRAJAB
Le Secrétaire Général,
Appolinaire K. AFFEWE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité