Bachelier à onze ans. Concepteur de logiciels à quinze ans. Inventeur d’applications numériques, à peine la majorité civile. Innovateur dans le domaine de la céramique, la vingtaine non encore entamée. Le Bénin se révèle un océan de talents. Mais attention : dans un environnement culturel comme le nôtre où le droit d’aînesse se pare des attributs du sacré, les plus jeunes n’ont pas toujours droit à la parole. On les rectifie d’autorité quand ils montrent des dispositions jugées « hors normes » ou « anormales ». Que de Mozart n’avons-nous pas ainsi assassinés, ne continuons-nous pas d’assassiner ?
Ne faisons point de ces quelques étoiles dans le ciel de notre pays une parenthèse anecdotique. Il y a lieu d’élaborer une politique nationale qui donne à nos génies en herbe leur juste place. Nous ne les avons que trop longtemps ignorés, tenus pour quantités négligeables. Déroulons-leur le tapis rouge. Ce sont nos héros, nos modèles. Ce sont des exemples, des locomotives à charge de tracter après eux des wagons entiers de jeunes béninois. Mais avant, que de défis à relever.
Nos génies en herbe restent globalement des épiphénomènes dans la gestion des êtres et des choses dans notre pays. Ils sont vus comme des météores, des étoiles filantes. Ils ne viennent qu’épisodiquement éclairer le ciel chargé de nos soucis quotidiens. Côté jardin comme côté cour, ils font rimer exceptionnel avec sensationnel, singularité avec absurdité. Aussi restent-ils pour nous plus des curiosités que des sujets d’intérêt.
Nos génies en herbe évoluent en solitaires. Loin du grand public. Dans le secret de ce qu’ils ont le don exceptionnel de savoir faire. Au mépris de leurs élaborations qui vibrent pourtant de la fulgurance de l’esprit, du génie créateur qui sommeille en chacun de nous. Dans une sorte de confinement et de marginalisation qui ne leur offrent aucun horizon de réalisation, aucune vision d’avenir.
Nos génies en herbe sont méchamment discriminés, perfidement critiqués, injustement vilipendés. Ils seraient, pour les uns, des marginaux dangereux, en décalage complet avec les hommes, leurs semblables. Ils seraient, pour les autres, des êtres atypiques, des sortes d’OGM sans origine connue (Organismes génétiquement modifiés).
Nous ne construirons point le Bénin de nos rêves avec de tels a priori et préjugés. Sur la page blanche de nos devoirs pour le court terme, déclinons, au bénéfice de nos génies en herbe, quelques unes de nos obligations.
1- Il nous faut offrir à nos génies en herbe un cadre institutionnel d’accompagnement. Il faut qu’ils soient identifiés, que leurs œuvres et exploits soient répertoriés, qu’ils bénéficient d’un statut clair et précis. Arrière tout ce qui pousse à faire d’eux des exilés, des réfugiés, des clandestins en leur propre pays.
2 -Nous devons élaborer, en faveur de nos génies en herbe, un programme financier de soutien à l’innovation. Il faut en finir avec des actions éparses d’individus emmurés dans leur solitude. L’Etat est interpellé pour une prise en charge aussi nécessaire qu’urgente. L’innovation marquée au coin du sceau du génie béninois, ce sont des voies d’avenir qui s’ouvrent ; c’est la volonté d’un développement indépendant qui s’affirme. L’innovation est un grand chantier qui mérite qu’on s’y attarde. Ici, plus qu’ailleurs, le retour sur investissement est garanti.
3 – Et c’est parce qu’il en est ainsi que doivent nous tenir à cœur la valorisation et la promotion des produits de l’innovation. Quelque soit, par ailleurs, l’âge des inventeurs. « Le made in Bénin » pourrait vite prendre corps et forme. Une transition intelligente de l’artisanal à l’industriel pourrait être mise en œuvre et impacter favorablement plusieurs secteurs de la production nationale. Le développement des ressources humaines qui accompagne un tel élan de création et d’inventivité doperait nos capacités. Nous montrerons plus de confiance en nous-mêmes. C’est la voie de l’autonomie et de l’indépendance, avec, au bout, une plus-value non matérielle. Après déduction de tout ce qui est gain matériel. Cette plus-value non matérielle vaut tout l’or du monde.
Nous nous échinons, aujourd’hui, à cultiver le coton. Lequel, dans le cadre d’un système d’échange inégal, nous est retourné sous formes de tissus divers. Imaginons l’heureux jour où, grâce à l’innovation et à l’expertise béninoises, le coton béninois, transformé sur place par les Béninois, habillera les Béninois et le monde. Oui, c’est possible. « Yes, we can »
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