Togo : Gérard Houenonlo demande à Faure Gnassingbé de partir à l’issue de son mandat

Depuis plusieurs mois déjà que le Togo est en crise. Alors que la tension ne semble pas baisser et que les deux parties radicalisent leurs positions, un observateur averti de la situation au Togo analyse la situation dans ce pays.Dans l’interview qu’il nous a accordée, Gérard Houénonlo, doctorant à l’université d’Abomey-Calavi au Bénin, analyse, de façon dépassionnée, les revendications de l’opposition, passe au scanner les déclarations du chef de l’Etat sur la responsabilité des violences et l’intervention de la communauté internationale sollicitée par l’opposition.

Il propose une piste de sortie de crise en invitant le président Faure Gnassingbé à quitter le pouvoir à la fin de son mandat en suivant l’exemple des présidents Edouardo Dos Santos de l’Angola et feu Mathieu Kérékou.

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Nouvelle Tribune : L’opposition togolaise exige aujourd’hui le départ pur et simple du président Faure Gnassingbé du pouvoir alors qu’au début, elle parlait de réformes politiques. Cette revendication est-t-elle légitime ?

Gérard Houenonlo : Je voudrais, au prime abord vous remercier pour cette opportunité que vous me donnez de  parler de la crise togolaise. Pour revenir à la question, je pense que l’opposition togolaise est dans son rôle. Vous savez, dans tous les pays démocratiques, l’opposition est un maillon important pour la construction d’un Etat. C’est en effet grâce aux critiques de l’opposition que le pouvoir réajuste sa gouvernance en vue du mieux être et du développement. L’opposition joue donc son rôle en réclamant un certain nombre de réformes. Cependant, j’estime qu’on ne peut pas demander à un chef de l’Etat régulièrement élu de quitter le pouvoir avant le terme de son mandat constitutionnel.

En dehors de cette revendication sur le départ de Faure du pouvoir, l’opposition réclame le retour à la constitution de 1992 qui prévoit un scrutin uninominal à deux tours et à la limitation du nombre de mandat à deux mais avec un effet rétroactif…

La réforme constitutionnelle est une exigence légitime de l’opposition. Vous convenez avec moi, que la constitution actuelle comporte quelques lacunes et qu’il faille la retoucher. J’estime, par ailleurs, que la constitution de 1992 mérite d’être également passée au scanner pour que les imperfections soient retirées et que soient  prises en compte les aspirations du peuple togolais. Et pour cela, il serait important que les Togolais, qu’ils soient de l’opposition ou du parti au pouvoir, se retrouvent autour d’une table de discussion.

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Le dialogue est-elle une solution dans ce cas ? Mais pensez-vous que les conditions sont réunies pour un dialogue ? Le Chef de l’Etat togolais, lors d’une de ses rares sorties depuis le début de la crise, a accusé l’opposition d’être responsable des violences et a presque demandé la révolte des hommes en uniforme,  avant que les opposants ne répliquent.

Le président Faure Gnassingbé est, peut-être, sorti de ses gongs lors de cette tournée. Mais je le comprends. Imaginez-vous la réaction d’un commandant en chef qui envoie ses hommes sur un terrain pour encadrer une marche dite pacifique, mais qui voit ses éléments tomber les uns après les autres suite à des violences de ceux que ces hommes sont venus protéger. La réaction du président quoique regrettable est pour moi compréhensive. Mieux, le président Faure Gnassingbé a posé un certain nombre de pas allant dans le sens de l’apaisement. Entre autres, la libération des manifestants arrêtés lors des marches violentes, la levée de restriction judiciaire de Jean-Pierre Fabre, le leader de l’opposition et surtout l’appel à un dialogue.

L’opposition ne semble pas prête à accepter la main tendue du président Faure Gnassingbé. Au contraire, elle multiplie les manifestations dans les rues et récemment Tikpi Atchadam, lors d’une sortie sur RFI, a appelé à l’intervention de la Communauté internationale, notamment de la France…

En tant que panafricaniste, j’ai été choqué par l’appel de Tikpi Atchadam. Alors partout sur le continent, nous réclamons la véritable indépendance, nous prônons des solutions made in Africa à nos différents problèmes, notamment en ce qui concerne la résolution des crises sur le continent, appelez à l’ingérence de la France est pour moi une injure au peuple togolais et au continent. S’agissant du dialogue, l’opposition, à mon sens, devrait accepter la main tendue du pouvoir et aller à la table de dialogue.

Puisque vous êtes contre l’ingérence de la France, mais que pensez-vous des médiations sous-régionales notamment celle du président ghanéen qui a récemment envoyé des émissaires à Lomé. Pour vous, la solution pourrait-elle venir de là ?

Je salue l’initiative des dirigeants africains en vue de la résolution de la crise. Mais à la question de savoir si ces initiatives sont de nature à conduire à la sortie de crise, je suis un peu sceptique vu les positions des uns et des autres.

Quelle est la meilleure porte de sortie pour vous ?

La meilleure porte de sortie de crise est celle qui passe par un dialogue entre Togolais. Au fond, le président Faure Gnassingbé est un développeur. Prenez le Togo d’il y a 20 ans et comparez-le au Togo d’aujourd’hui. Il y a beaucoup d’efforts qui ont été faits par le régime Faure. Le taux de croissance,  de 1,2% en 2005, est passé en 2016 à 4,9%. Les infrastructures routières et aéroportuaires sont construites. Le nouvel aéroport de Lomé est l’un des plus modernes, sinon le plus moderne de la sous-région. La modernisation du port de Lomé, l’électrification, un  Fonds d’aide pour les jeunes sont autant de réalisations du président Faure. Pour nous donc, le président Faure Gnassingbé fait beaucoup pour mettre son pays sur les rails du développement. C’est pour ne pas que tous ces efforts ne soient réduits à néant que je voudrais lancer un vibrant appel au président Faure Gnassingbé.

Quel est cet appel ?

Monsieur, le président, vous êtes pour nous jeunes panafricanistes, un modèle en matière de développement. Vous êtes un homme du peuple. Pour l’amour du peuple et du pays dont vous avez maintes fois déjà  donné la preuve, nous vous invitons à sortir par la grande porte à la fin de votre mandat : Préparez une transition pacifique en organisant une élection juste et transparente à laquelle vous ne participerez pas en 2020. Laissez le pouvoir. Vous êtes très jeune et pour tout ce que vous avez déjà accompli à la tête du pays, nous sommes convaincus que, comme les Béninois avec le feu président Mathieu Kérékou qui a accepté de quitter le pouvoir en 1991 avant de revenir cinq ans plus tard, le peuple togolais saura vous retourner l’ascenseur.

Je voudrais également m’adresser à l’opposition.  Je voudrais inviter l’opposition à plus de responsabilité. Notre sous-région, déjà en proie à des actes terroristes-Aqmi au Mali, au Burkina-Faso, Boko Haram au Nigeria et Niger- n’a pas besoin de nouveaux troubles. Les violences lors des manifestations ne sont pas la solution. Attaquer et assassiner les militaires venus encadrer les manifestations, c’est pointer une arme sur soi. Vous avez désormais la liberté d’expression et de manifestation, chose impossible sous l’ancien régime, je vous invite donc à savoir raison garder. Je vous invite également à répondre à l’appel du gouvernement pour une sortie de crise. Car, jamais un pays ne s’est construit dans la guerre

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