Une nouvelle loi de la république -votée furtivement ces jours à l’Assemblée nationale et dont personne n’a encore connaissance-, empêcherait-elle désormais un ancien président de la République d’opiner sur la situation politique nationale ? Se résoudre à croire en cette idée n’est pas fortuit. Depuis hier matin, on a vu s’abattre sur l’ancien président de la république Nicéphore Soglo des missiles de l’industrie de lynchage médiatique, qui fonctionne ici à plein régime depuis avril 2016.
Quelques canards arrimés au gouvernement et des web activistes rétribués grassement par les financements occultes octroyés par les faucons du régime, aussi violents que calomniateurs, sont tombés sur lui à bras raccourcis avec des titres de leurs tabloïds, à la limite de l’inacceptable. Il a été accablé de jurons et de malédictions. Sa seule déclaration de presse a suffi pour expliquer son instabilité psychique, ses sauts d’humeurs dont il devrait épargner la république, son opportunisme politique criant, son inconscience incompatible à son grand âge. Il aurait mal digéré la punition infligée à son fils « corrompu », chassé à la fois de la tête de la mairie de Cotonou et du parti. La seule raison de cet acte, rapportent les préposés du sabotage, c’est le relent vindicatif de l’ancien édile de la ville de Cotonou. On l’accuse d’être mu par une soif de vengeance, depuis que le Chef de l’Etat aurait décidé de le sevrer des avantages financiers mirobolants qu’il perçoit doublement pour indemnités d’eau et d’électricité, accordés à un ancien président de la république.
Le tintamarre instauré ainsi de manière artificielle, est si bruyant, si embrouillant, qu’il inhibe la curiosité de la grande masse des Béninois de s’intéresser au contenu de la déclaration du patriarche. Ce tintamarre réussit là son dessein de détourner l’attention des gens en ne mettant dans leurs têtes que les biais, les propos pervertis, les accusations mensongères distillées au détriment du vrai contenu de la déclaration. Cette technique a ceci de rentable qu’elle crée une sorte de « brouillard médiatique », pour empêcher l’accès au contenu réel des déclarations et propos tenus par des acteurs politiques d’une certaine envergure, qui s’essayent ces temps-ci à critiquer le régime de la rupture.
Sébastien Ajavon en avait aussi été victime lorsqu’il a osé faire un entretien avec certains confrères, pour dénoncer des dérives du régime. On l’avait accusé de vouloir parler le même jour que le président de la république, de n’associer à cet entretien que les journalistes des médias dont il est propriétaire, de ne pas savoir parler français, de n’être convaincant, bref d’être passé à côté de son exercice. A Azannaï, on a fait des reproches similaires lorsqu’il y a quelques semaines, il a accordé une interview exclusive à la Nouvelle Tribune pour dénoncer le Ravip. On a dit de lui qu’il est un éternel contestataire, toujours prêt à se retourner contre celui qu’il a porté au pouvoir, qu’il a fait cela aux Soglo et qu’il joue à un jeu que tout le monde a enfin compris. Jusque là donc, la technique marche et réussit simplement à focaliser l’attention de la grande masse beaucoup plus la forme des messages, sur la personne de ceux qui osent critiquer le régime, que sur le contenu de ce qu’ils disent. C’est le choix de l’accessoire au détriment de l’essentiel. D’autres qui tenteront de s’adonner à de tels exercices, seront traités ainsi. Ils seront vilipendés, insultés et jetés dans la poubelle des renégats de la république. L’objectif est simple : empêcher totalement la contradiction et dissuader toute tentative de remise en cause des options ultralibérales et « démocraticides », assez dangereuses du régime Talon.
Il est donc important de relever quelques aspects du discours du président Soglo
« Un an plus tôt, le président du patronat béninois avait commis l’imprudence d’accorder ses voix pour assurer l’élection du candidat Talon. S’il avait fait le choix inverse, le président du Bénin s’appellerait aujourd’hui Lionel Zinsou… ». Cette phrase par exemple a été dévoyée et sortie de son contexte. On a fait répandre qu’il a dit que Zinsou est meilleur que Talon.
Sur la lutte contre la corruption, voici ce qu’il dit : « Venons maintenant à la lutte contre la corruption. Elle incombe aux différents corps de contrôle, puis à notre justice dans laquelle nous plaçons notre confiance. Car souvent, les gouverneurs à peau noire utilisent la lutte contre la corruption comme une arme pour intimider leurs opposants ».
A-t-il dit là quelque chose d’indigne d’un ancien président ? Puis enfin : « Il nous faut renouer avec le pardon. Eviter les conflits d’intérêts, mettre fin à l’exercice solitaire du pouvoir et à l’opacité dans la gestion, en publiant s’il le faut, comme je l’ai fait en 1992, les salaires des membres de mon gouvernement, y compris le mien. Et surtout, avoir plus de compassion pour les pauvres ». C’est pour empêcher que ces choses soient entendues que ce tintamarre est organisé. Dans un contexte où il y a beaucoup de supputations sur les salaires des ministres, tantôt à 8 millions pour certains, tantôt à 12 pour les autres… n’est-il pas important que le gouvernement lève le voile sur le sujet ? Et si cette vérité, des plus évidentes pourtant crée tant d’émois, c’est que le chemin du développement est encore loin.
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