Pour la révolution africaine

Ce titre paraphrasé d’un ouvrage de Frantz FANON est toujours d’actualité ; comme ceux de ces nombreux africanistes qui, dans les années 60, avaient eu beaucoup de compassion pour la Jeune Afrique dont presque tous les pays ont accédé à la souveraineté internationale. René Dumont fut du lot avec L’Afrique noire est mal partie,L’utopie ou la mort. Une abondante littérature  va suivre avec une ritournelle constante : L’Afrique peut-elle décoller ? L’actualité de la traite des migrants noirs en Lybie a réveillé avec une cinglante acuité le traumatisme de plus de  cinq siècles de domination des païens noirs de l’Afrique Subsaharienne par les Arabes musulmans et les Chrétiens européens dont les éthiques respectives ne permettaient plus de vendre leurs congénères ou coreligionnaires.

L’Afrique est-elle derechef coupable du crime non prescriptible de la vente de ses enfants en les forçant cette fois-ci à une exclusion de fait de la vie socio-communautaire pour des milliers de  jeunes?  Le Manifeste du Cinquantenaire de nos indépendances rédigé sous la férule du Béninois Albert TEVOEDJRE fut timidement accueilli, mais il est toujours d’actualité ; une révolution reste à faire. Je voudrais en brosser  derechef dans ces lignes quelques traits saillants.

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D’abord, pour des peuples dénaturés par cinq siècles de domination et d’humiliations, elle doit être avant tout morale. Oui ! Il nous faut d’abord à nous Africains une révolution morale ou éthique (personnelle et culturelle) avant de penser une révolution dont les peuples asiatiques mus par une geste libérale ou socialistetirée du bouddhisme,affichent la réussite devant nos yeux incrédules : Japon, Corée, Singapour, Chine et Vietnam. Où sont donc les Nègres d’antan ? Ils ne veulent décidément pas entrer en Histoire, s’étonne le philistin d’Outre-mer !Mais, c’est le plus difficile à mettre en œuvre, une révolution morale ; car à tous les carrefours guettent l’intégrisme, la dictature  fasciste, le despotisme césariste, etc. Les deux traditions monothéistes écrites qui à égalité se partagent le monde contemporain à 47%,auraient pu nous être d’un grand secours ; mais fondamentalement, malgré le fait que nous nous sommes convertis en masse pour fuir ou rendre supportables les affres de l’esclavage oriental ou occidental, nous autres Africains sommes restés profondément païens (paganus, paysans, non accessibles à l’écrit). Or, un païen est toujours lui-même vendeur d’esclaves parce qu’esclave de son incurie, de son égoïsme, de ses passions bestiales, de ses perversités inhumaines. En effet, il  faut d’abord qu’il ait eu des vendeurs d’esclaves pour qu’il y ait eu cette infamante Traite de Noirs par les négriers. Les migrants de Lybie sont donc d’abord littéralement vendus par leurs dirigeants. D’où il nous faut un sursaut : une intermédiation de veille civique et politique pour réussir une révolution sociale  dont les grands axes devraient être selon moi :

1) Conjurer nos actuels affaissements systémiques sociétaux par une bonne gouvernance institutionnelle ; Etat de droit, respect des droits de la personne, indépendance de la justice.

2) Bonne gestion des finances publiques en suivant scrupuleusement les lois des finances. Transparence et fin de l’impunitéet de la complaisance. L’enjeu, c’est de dégager un ambitieux programme de développement.

3) Redistribution réelle des ressources  nationales : justice sociale solidaire pour les 90% des classes moyennes et populaires. A ce sujet, un programme social hardi est à mettre en œuvre ; se gardant d’attribuer une paie mensuelle exorbitante de cinq millions à des privilégiés là où le SMIG n’atteint pas cinquante mille francs et où des milliers de pauvres n’ont pas un euro de revenus journaliers. C’est tout bonnement de la rapine esclavagiste qui handicape tout processus d’accumulation capitaliste et alimente le gaspillage et l’inflation.

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4) Multiplication des structures publiques et privées d’observation des politiques publiques avec des mécanismes de notation périodiques par les citoyens. Notre démocratie de ce fait sera participative.

5) Mettre fin aux manifestations futiles et puériles de flagorneurs, du genre soutien au PAG et au RAVIP ! On a élu un homme qui a mis sur pieds un programme d’action ; rien là d’extraordinaire, car au bout de cinq ans on lui demandera des comptes. Ce n’est nullement pas la peine de s’égosiller avant pour des prunes.

6) Développer dans tous les interstices de nos sociétés une idéologie nationale de mobilisation patriotique contre la corruption, l’opportunisme et le carriérisme.

7) Les OSC et les partis doivent se constituer en intermédiation réelle des efforts du régime en place sans une césure inutile entre soi-disant partisans de la Mouvance et  de l’Opposition. Tout le monde en effet veut que le pays aille de l’avant et se développe. L’essentiel est une critique socio-politique constructive du système en cours et du régime qui l’anime !

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