Décédée le 04 janvier dernier à Paris, Rafiatou Karimou a été inhumée le samedi 13 janvier à Cotonou dans l’indifférence totale. La classe politique dans sa diversité a brillé par son absence, de même que les membres du gouvernement. Les obsèques de la première femme ministre du Bénin, ont simplement pris l’allure de celles de gens ordinaires. En France, son décès en aurait ému plus d’un. Le gouvernement mettrait les petits plats dans les grands pour lui réserver des obsèques nationales dignes de son rang. Honneur militaire, cercueil drapé du drapeau tricolore, hommage du président de la République, puis un sépulcre au Panthéon.
« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » dit-on, à son fronton. Rien ne sera laissé de côté. Et comme une certaine Simone Veil, ses obsèques auraient mobilisé toute la classe politique dans sa diversité. Au Bénin, pour Rafiatou Karimou, une personnalité politique de la même trempe, déception et passage aux oubliettes. Le gouvernement n’a rien prévu. A défaut d’obsèques nationales, il n’a même pas daigné envoyer une délégation officielle pour présenter les condoléances de l’Etat aux parents de la disparue. Le ministre du plan Abdoulaye Bio Tchané, présent sur les lieux, s’y est retrouvé par affinité religieuse ou par liens de familles.
Le gouvernement qui n’a pas eu le temps de fouiller l’histoire du Bénin, n’a rien retenu de son nom. Ses membres ne connaissent sûrement pas Rafiatou Karimou. Elle n’est sûrement pas un chantre invétéré de la rupture, mais elle fut une femme brave qui a consacré toute sa vie à la politique. Née en 1946, elle fut la première femme chef de district en 1975, et la première femme ministre du Bénin en 1989, ministre de la santé. Après quelques années de trêve, elle revient au devant de la scène avec son élection comme députée de la 3e législature dans la 21e circonscription électorale en 1999, et a dirigé avec bravoure le groupe parlementaire « Nation et développement ». En 2003, elle est nommée ministre de l’enseignement maternel et primaire, poste qu’elle a occupé jusqu’en 2006. C’est ce parcours exceptionnel surtout pour une personne de sexe féminin, qui devrait être salué dans un pays comme celui-ci, où la gent féminine n’a pas forcément pion sur rue en politique et où les exemples du genre sont encore très rarissimes.
Mais tout cela n’a pas suffi à émouvoir le gouvernement. Pourtant, quelques temps avant, un ancien député, ancien ministre et ancien bâtonnier, a eu plus de chance. Sa dépouille mortelle fut exposée au Palais de justice et à l’Assemblée nationale, puis le Chef de l’Etat a honoré de sa présence ses obsèques à Avrankou. Doit-on croire qu’il y a une discrimination et que la rupture choisit ses icônes, ses hommes du passé en privilégiant ceux avec lesquels certains membres du gouvernement ont des liens ? Ou à défaut, croire que feue Mme Karimou n’a été victime que du mépris du gouvernement actuel pour l’approche genre, d’emblée bafouée dès la composition du gouvernement… Féministes ou simples citoyens, cette attitude du gouvernement devrait amener les uns et les autres à s’indigner
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