Financement des projets culturels au Bénin: Dahomey Land, l’alternative inédite

Des années après sa naissance en 2007, le groupe musical Mamba noir du Bénin s’est mué dans un silence total. Ceci, du fait notamment de ses difficultés à trouver des producteurs ou mécènes pour soutenir ses projets. Visiblement, ce temps hors scène a été instructif pour les membres du groupe. Ils effectuent leur come-back avec un projet de prise en charge non seulement de leur musique, mais aussi des créations artistiques d’autres artistes, à travers le projet Dahomey Land à plusieurs volets.

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Au-delà, c’est une initiative d’auto-prise en charge de la jeunesse béninoise. Aurel Sodogandji alias Auré, l’un des membres du groupe nous en parle ici. Interview.

Comment se porte aujourd’hui le Mamba noir après ce long moment de silence ?

C’est vrai qu’on a pris un peu de recul par rapport à certaines choses, mais le groupe se porte bien. Mon frangin Nancé va bien ; je vais aussi bien. On est tous en forme.

Depuis quelques jours, le groupe est à nouveau sur la toile avec un certain nombre d’initiative dont le projet Dahomey Land. De quoi s’agit-il ?

Dahomey Land project, c’est un projet qui nous est venu pendant ces moments d’absence. Sur le plan de la musique, on a eu beaucoup de difficultés, notamment le fait de ne pas avoir un producteur et des mécènes derrières qui accompagnent notre travail. C’est vrai qu’on fait la fierté du Bénin à travers la richesse culturelle et cultuelle qu’on met plus en avant dans notre musique, mais on n’a pas eu derrière un accompagnement de producteur. On s’est dit qu’il y a forcément des jeunes comme nous qui sont dans la même situation, qui ont du talent et des objectifs par rapport à leur musique, mais qui manquent d’accompagnement. Alors, dans nos réflexions on s’est dit qu’il serait de bon ton que les artistes se prennent en charge à travers des activités parallèles à leur musique. D’où nous avons initié Dahomey Land project.

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Quel en est le contenu ?

L’agriculture, c’est un secteur rentable actuellement. Et il le sera toujours. On s’est dit qu’on va exploiter la terre, en prendre les revenus pour financer notre musique. Alors, avec les petits sous qu’on a eus sur les festivals, on a pu s’acheter deux hectares au niveau de la commune de Ouidah, précisément à Kpomassè. Mais on ne va pas en profiter seul, parce que d’autres sont aussi dans des difficultés. On va donc donner un coup de pouce à d’autres artistes en développement et aux jeunes, pour qu’ils puissent aussi avoir un lopin de terre sur ces hectares, l’exploiter et financer leur art et leurs besoins, parce que chacun a ses envies. Je pense que chacun saura comment investir ses revenus de l’agriculture dans sa passion. Mais il faut dire que c’est un projet à double caractère. Outre le volet social à travers l’agriculture, c’est en même temps un projet qui met sur scène des artistes : c’est le Dahomey Land live show. C’est le spectacle qui va mettre sur scène ces artistes qui se seront inscrits pour le volet agricole. Donc, il y aura des spectacles où ils vont exposer ce qu’est devenue leur musique avec cet investissement tiré de l’agriculture. Il y aura aussi des panels de conseillers et directeurs artistiques pour porter leurs regards sur ce que ces artistes font. Ce sera des spectacles trimestriels, des magazines seront diffusés lors de ces soirées pour que les gens découvrent la vie des artistes à part la musique.

Vous décidez de partager les deux hectares. D’autres auraient voulu exploiter la totalité de l’espace pour avoir plus de fonds afin de résoudre leurs problèmes. Cet espace était trop pour vous ?

C’est ce qui fait que le Bénin est encore au niveau où il est. Au Bénin, quand on a quelque chose on n’aime pas le partager avec les autres. Ce n’est pas que ces deux hectares nous suffisent. On en a besoin de bien plus. Mais on se dit qu’il faut partager. La difficulté que nous avons connue en musique, d’autres sont en train de le vivre. Et c’est ce que nous pouvons leur apporter ; on n’a pas d’argent pour résoudre leurs problèmes. Encore que cette parcelle ce n’est pas qu’on la leur donne. C’est un prêt. C’est juste qu’on a envie de partager ce qu’on a avec la jeunesse béninoise, parce que les gens souffrent. Au-delà de la musique, ça peut résoudre d’autres problèmes. On a fait l’expérience de la terre, on a vu ce que ça donne avant de lancer le projet.

Est-ce qu’ils vont louer la portion de terre que vous allez leur attribuer ?

Je tiens à préciser qu’il n’y a rien à payer, parce que quand ce genre de projets arrive on pense que les initiateurs sont là pour prendre de l’argent, ou pour spolier la pauvre jeunesse. Non, il n’y a rien à payer, juste s’inscrire. Chacun exploitera sa portion à sa guise. Nous, on aura juste un suivi pour qu’il n’y ait pas de désordre et que les choses se passent de façon légale. On n’aura pas de décision à prendre à leur place. Et nous exploiterons nous aussi notre portion.

Est-ce qu’il suffit d’être artiste pour bénéficier de ce projet ?

Non. Ce n’est même pas seulement pour les artistes. Mécanicien, menuisier, n’importe quel jeune…., tout le monde peut en bénéficier. Il faut juste s’inscrire.

Comment et où s’inscrire ?

Pour s’inscrire, il suffit juste d’envoyer son nom, prénom, âge, sexe, ville de résidence au 97029897. Et nous on organise des rencontres pour leur expliquer comment le projet se déroule.

Il y a une date limite d’inscription ?

Non, mais je dirai que si quelqu’un a envie de commencer cette année, parce que c’est une activité saisonnière, il faut déjà qu’en mars il soit inscrit. Sinon il va attendre une autre saison. Le mieux, c’est de s’inscrire au plus tard fin février pour espérer commencer l’exploitation le plus tôt possible.

C’est juste deux hectares pour le début. Avez-vous des perspectives en termes d’acquisition d’autres espaces ?

Oui. Quand on a un tel projet, on ambitionne grandir.

Pourquoi le titre Dahomey land ?

Dahomey land parce qu’on n’a pas voulu dire Bénin. On a préféré utiliser Dahomey qui vient de danxomè. On a voulu un nom authentique, qui reflète vraiment l’origine du Bénin et ce qu’il y a comme rythmiques et richesse culturelle et cultuelle ici, puisse que le projet Dahomey Land c’est aussi un album de Manba noir qui sort en même temps. C’est un album de 15 titres qui porte bien évidement le nom Dahomey land.

Qu’est que vous offrez à travers cet opus ?

Je n’aime pas trop parler de ce qu’on offre. J’aime que ça soit des surprises. Dahomey Land, c’est un album culturel, cultuel, tendance. Les jeunes, les vieux, tout le monde se sentira concerné. Je préfère que les gens découvrent.

C’est quand le lancement ?

Je ne donnerai pas de date mais c’est sûr que ça va être avant les vacances. Mais trois titres seront lancés avant. Le premier single a déjà été lancé samedi passé, un morceau en featuring avec Nasty Nesta du label CCC. Les gens ont aimé. C’est dodombaya 2.0.

Qui veut dire…

En fait, ce son est fait sur le rythme tôba, qui rappelle l’époque où nos mamans dansaient pour symboliser le respect au roi. ‘’Un do nu do nu baya’’ (je me prosterne pour mon roi). On avait eu ce morceau en 2014 ; cette fois-ci c’est la version remix, c’est pourquoi on a dit 2.0. Il faut le préciser, l’album sera disponible numériquement. Ce sera payant. Comme déjà le morceau qu’on a lancé samedi qui n’est pas téléchargeable gratuitement mais payant à deux cent francs. Si les gens aiment la musique que nous faisons, ils peuvent payer deux cent francs Cfa pour l’avoir. L’industrie musicale, ce n’est pas seulement les scènes.

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