Depuis son avènement au pouvoir en avril 2016, le Président Talon affiche, du moins officiellement sa « détermination à lutter contre la corruption ». Lors de ses rares sorties publiques, il n’hésite pas à le proclamer ; ainsi qu’il l’a fait dans son dernier message à la nation où il affirme poursuivre cette lutte « sans état d’âme ».
A la dernière rencontre avec l’épiscopat béninois, il avoue lui-même être le produit de la corruption, mais qu’il est déterminé à l’enrayer. Et il place ses actions politiques (arrestations d’opposants, demande de levée d’immunité parlementaire de députés FCBE etc.) dans ce cadre.
Tout cela malheureusement n’est que du bluff. Et pourquoi ? Pour plusieurs raisons :
La première : le pouvoir de Talon est né de la corruption.
Travailleurs, peuple du Bénin
Qu’appelle-t-on corruption ?
On appelle corruption tout comportement pénalement répréhensible par lequel une personne (le corrompu) sollicite, agrée ou accepte un don, une offre ou une promesse, des présents ou des avantages quelconques en vue d’accomplir, de retarder ou d’omettre d’accomplir un acte entrant d’une façon directe ou indirecte dans le cadre de ses fonctions. La corruption c’est donc l’action pour un agent public de se faire acheter pour faire agir les services publics dans l’intérêt de l’acheteur, généralement une personne privée, sans oublier l’utilisation du bien commun à des fins personnelles.La corruption met donc en présence deux personnes : le corrupteur, généralement une personne privée et le corrompu, un agent de l’Etat.
Or, tout le monde sait que Talon n’a dû sa fortune qu’en se subornant (en achetant) tout l’appareil politique et administratif depuis au moins le pouvoir du Président Soglo jusqu’au pouvoir du président YAYI Boni. En position de corrupteur, il s’est enrichi par la corruption d’Etat en s’achetant les faveurs et passe-droits des agents publics.Il a bâti sa fortune sur la corruption.Par ailleurs, c’est par la puissance de l’argent distribué que Talon a pu l’emporter au scrutin de mars 2016.Ainsi, l’élection de Patrice Talon, a démontré les limites de notre pratique constitutionnelle avec le rôle sur-déterminé de l’argent dans les joutes électorales. En conclusion, le pouvoir de Talon est issu de la corruption.
La lutte contre la corruption nécessite en plus de la volonté politique, l’adhésion populaire et cette adhésion requiert la confiance du peuple au gouvernant qui entreprend une telle action de salubrité.
Patrice Talon peut-il avoir ce crédit auprès du peuple ? Nullement.
Mais me direz-vous, on peut conquérir un pouvoir par la corruption et lutter quand même contre la corruption. Oui c’est possible et j’en conviens. Mais il y a des conditions : la première, que l’intéressé ou les intéressés confessent devant le peuple tous les grands actes de corruption posés dans ce cadre, les bénéfices dont il a pu jouir injustement par la corruption et enfin la réparation des dommages que cela a causé au peuple ; deuxièmement qu’il prenne l’engagement à ne plus recourir à la corruption comme mode de gouvernance et qu’il l’exprime concrètement dans sa politique. C’est cela seul qui peut rétablir la confiance du peuple en la capacité de son leader à véritablement combattre la corruption.
La deuxième : le pouvoir de Talon Patrice est assis sur la corruption et a pour mode opératoire la corruption.
Un bon nombre de l’équipe gouvernante de Talon, baigne dans les scandales les plus infectes de corruption ; depuis la cour restreinte autour de Talon constituée des Olivier Boko (affaire Machines agricoles etc.), DagnonJohannès, jusqu’aux membres du gouvernement qui traînent de nombreuses casseroles à l’image d’un Dassigli Barnabé (qui a désarticulé toute la structure de la ville de Cotonou), en passant par l’homme de Maria Gléta(Sacca Lafia) jusqu’aux Koupaki(ICC-Services, SODECO) et Tonato(villas de Calavi ) etc.
Aujourd’hui devenu Président de la République, Patrice Talon cumule les deux positions de corrupteur et de corrompu ; ce qui est la forme extrême de corruption. Les exemples abondent dans ce sens : l’achat illégal et anti-constitutionnel d’un domaine appartenant à l’Etat. Il imposeet s’empare de services et entreprises publiques d’Etat par sa seule décision en conseil de ministres : SODECO, PVI, ATRAL etc. son pouvoir baigne dans la corruption qu’il sue par tous ses pores : achat massif de députés au parlement dénoncé publiquement par la doyenne d’âge du Parlement, Rosine Vieira Soglo. Jusque-là aucune enquête n’est diligentée sur la question. En clair, la politique de Patrice Talon est une mixture infecte de conflits d’intérêts dans laquelle il nage allègrement et sans état d’âme.
Travailleurs, peuple du Bénin.
L’un des deux fléaux qui plombent le décollage économique de notre patrie, en plus de l’exploitation néocoloniale française, se trouve être la corruption. Sans l’éradication de ce fléau, sans sa maîtrise, pas de développement au Bénin. Toute personne censée et sincère en convient aisément.
La lutte contre la corruption ne date malheureusement pas d’aujourd’hui. Déjà le Président Ahomadégbé(Chef de gouvernement) arrivé au pouvoir avec le Président Apithy en 1964, en a fait son cheval de bataille contre la gestion du Président Hubert Maga. Les Présidents Kérékou, Soglo, Yayi Boni tous en ont parlé. Des commissions ont été installées : Commission Amoussou-Kpakpa, commission Adrien Ahanhanzo-Glèlè etc.; des structures de lutte contre la corruption créées : OLC, ANLC (Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption) ;et ceci en plus des structures administratives traditionnelles existantes telles l’Inspection Générale des Finances (IGF), Inspection Générale d’Etat (IGE), les Inspections Générales des Ministères (IGM), etc.
Et pourtant la corruption ne cesse de grandir, de prospérer permettant de passer de la bouffe « à la cuillère à la bouffe à la louche» puis à la pelle, même mécanique selon les aveux mêmes d’un des mentors de la politique béninoise, Bruno Amoussou, prolongés par les masses populaires.
Mais pourquoi cette situation perdure et comment la résoudre ?
Mon Parti et moi-même y avons beaucoup réfléchi ; nous avons interrogé l’histoire, l’expérience des peuples et la théorie générale dans le domaine. Il y a lieu de reconnaître que les solutions bureaucratiques de contrôle au sommet des gestionnaires par les chefs qui les nomment a conduit à l’échec et ne peut que faire perdurer le fléau. Il faut autre chose.
Ce qui nous a amené à des conclusions qui sont :
1°- Pour lutter contre la corruption, il faut soi-même être propre.
2°- Il n’y a pas d’homme propre indéfiniment (d’homme saint) sans structure de contrôle. Autrement dit, il faut contrôler l’individu gestionnaire d’un patrimoine public quel qu’il soit ; car il n’existe point d’homme vertueux par nature et qui le demeure sans contrôle et la confiance n’exclut pas le contrôle.
3°- Le contrôle ne peut être exercé efficacement que par les intéressés à ce contrôle.
Qui sont ces intéressés ? Ce sont les travailleurs et les usagers du service et non la classe au pouvoir. Ce sont les travailleurs du secteur et les usagers du service (qui seront mis en chômage ou pâtiront de la mauvaise gestion de ce service) qui sont les plus intéressés à la lutte contre la corruption. Car l’auteur des détournements lui, sera vite repêché ailleurs. D’où la nécessité de l’implication dans la lutte contre la corruption du personnel des ministères, des administrations, entreprises publiques et unités publiques (universités, hôpitaux, établissements publics divers,) organisé en des comités de contrôle.Le mode opératoire le plus simple est l’élection des gestionnaires et leur révocation par le comité des travailleurs du secteur déterminé en cas de mauvaise gestion avérée. Une telle expérience nous déleste des nominations de DG-cigales dont le seul rôle est de chanter « tout l’été » (c’est-à-dire tout son mandat) à la louange du père et de siphonner tout le fonds public vers le Ministre « nommeur ». Le cas des universités(où les gestionnaires sont élus et révocables), malgré ses imperfections actuelles à corriger par le contrôle et la révocabilité, peut être indicateur de ce que nous proposons.
La corruption étant un fléau qui gangrène notre société, il est nécessaire et même ; vital de la combattre et de l’éradiquer pour aller de l’avant. Ill faut alors l’engagement de toutes les forces combattantes et conscientes. Cette question fait partie des impératifs pour la tenue des Etats généraux du peuple en vue des solutions populaires et efficaces pour une gouvernance patriotique et de probité.
Cotonou le 21 Février 2018
Philippe Noudjènoumè
Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin
Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche
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