Bénin – Théâtre : Vigilance ! La ruse au pays des corrompus

L’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb) à Togbin, a accueilli la représentation de La Farce de Maître Pathelin, mardi 27 mars dernier, journée mondiale du théâtre. Une adaptation de José Pliya, mise en scène par Simone Audemars.La Farce de Maître Pathelin. 600 ans après sa création, cette pièce, l’une des plus anciennes dont la trace existe encore dans le répertoire artistique européen en français, continue son voyage dans le temps.

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Cette fois-ci, il surgit dans une nouvelle adaptation signée du franco-béninois José Pliya, avec une mise en scène assurée par la Suisse Simone Audemars, l’auteure du projet qui ressuscite cette pièce du moyen-âge. Après la Suisse et la France, c’est le tour du Bénin, à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb) de Togbin.

La pièce a ainsi été exécutée dans la soirée du mardi 27 mars 2018, devant un public composé surtout d’enfants et de jeunes, mais également de spectateurs adultes dont des invités surprise, au nombre desquels le dramaturge José Pliya et le ministre béninois de la culture Oswald Homéky, qui ont pris le spectacle très bien au vol…

Tous corrompus… et rattrapés

La Farce de Maître Pathelin, c’est le reflet d’une société de «tous corrompus». Sur scène, les six acteurs -trois béninois et trois français-, racontent en 57 minutes l’histoire du procès du berger Thibault l’Agnelet, assigné en justice par le marchand de tissu Guillaume, pour vol minutieux sur plusieurs années de 1500 moutons. Agnelet travaille depuis 10 ans pour Guillaume.

Me Pathelin sollicité par l’accusé, va d’abord arnaquer Guillaume pour lui prendre son plus beau tissu, avec la promesse de lui faire gagner le procès. Il va ensuite corrompre le juge rouge en lui proposant 1000 moutons de l’Agnelet, pour l’aider à avoir une décision en faveur du berger. Le magistrat à son tour va aussi prendre beaucoup de pièces de tissu au marchand, lui promettant un jugement en sa faveur. Mais ce procès, au départ de Goliath contre David, va tourner au profit de l’Agnelet, qui fut simplement relaxé. Me Pathelin en lieu et place de la forte somme d’argent qu’il attendait de l’accusé, se voit opposer sa propre stratégie, le bêlement. Pour toute question concernant son cachet, l’Agnelet n’a fait que bêler comme il l’a fait au tribunal, sous les instructions de son avocat -Me Parthelin, expert en tromperie-. Le juge également cherchant solution à l’épidémie qui ravageait ses mille moutons, n’a eu que le bêlement de la part du berger. Guillaume lui, est devenu le roi des cons, sans tissu ni mouton.

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Qui sème le bien en récolte pour lui

Comme l’indique le chant d’entame du premier acte de la pièce, La Farce de Maître Pathelin indique bien comment les manœuvres de chacun le rattrapent bien. Mais plus encore, il est question des pièges de la langue, belle qu’elle soit. Manipulant à sa manière les mots, chacun dans cette pièce a pu tromper son prochain, comme dans la vie réelle où avec les mots, des amis se trompent facilement. Les Béninois eux, parleront de ruse.

Cette représentation vient à un moment propice au Bénin, comme si c’était fait exprès. Il s’agit pourtant d’un projet sur lequel Simone Audemars travaillait depuis 2012. La restitution de la première phase de création à Cotonou a eu lieu en février 2016, au siège du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb). Déjà en ce temps, l’équipe a promis revenir en mars 2018, présenter le produit final. Et voilà qui coïncide avec un contexte béninois, où « la ruse » est désormais très présente dans le vocabulaire et les pratiques.

Le message ici est surtout destiné aux enfants, pour les avertir de la manipulation possible à travers les mots. Car, si les adultes sont désormais comme du bois sec impossible à redresser, les enfants eux sont encore à une étape ouverte à l’éducation, pour la pratique de l’éthique et de la morale. La maxime « Qui sème le bien en récolte pour soi », leur est donc destinée. Ils sont aussi invités à comprendre les langues et à être vigilants face aux beaux parleurs et au mauvais usage des mots. Aussi, la programmation au Bénin est-elle beaucoup plus tournée vers le jeune public et les établissements scolaires.

Un important matériel de théâtre cédé à l’Eitb

Le projet de réadaptation et de mise en scène de ‘’La Farce de Maître Pathelin’’, initié par Simone Audemars, laisse un acquis très important à l’Ecole internationale de théâtre du Bénin (Eitb). Tout l’arsenal de scène mobile exporté au Bénin par la Suisse via ce projet, rentre désormais dans le patrimoine de l’Eitb. Mais au-delà de ce temple du savoir théâtral et artistique en général que dirige Alougbine Dine, c’est tout le secteur des arts et de la culture béninois qui en sort gagnant.

«Avec cela, nous allons parcourir les écoles et collèges», se réjouit Alougbine Dine, qui s’est déjà battu pour avoir un gradin mobile de 500 places pour l’Ecole.

Ce parcours dans les établissements scolaires dont il parle a deux buts à l’en croire. D’une part, cela permettra aux artistes de jouer partout dans de bonnes conditions de scène. D’autre part, «les enfants vont s’habituer au théâtre», informe le promoteur de l’Eitb.

C’est une énorme contribution pour la vie artistique au Bénin, surtout dans un contexte où l’éducation artistique en milieu scolaire est en berne dans ce pays, avec des impacts négatifs sur la promotion des arts et de la culture et la formation de la relève, pas seulement en créateurs d’œuvres de l’esprit mais aussi de cadres passionnés des arts qui pourront dans les administrations ou dans les instances de décision, défendre la culture de leur pays.

A la fin de la représentation de ‘’La Farce de Maître Pathelin’’ mardi 27 mars dernier, le directeur de l’Eitb n’a pas manqué de remercier la Suisse à travers la personne de Simone Audemars, pour ce don de grande envergur

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