Bénin : La caporalisation des médias et la répression subtile des organes de presse

Après deux ans d’exercice du pouvoir Talon, la situation des médias n’est pas du tout reluisante au Bénin. C’est soit une certaine caporalisation des médias, soit une répression subtile des organes de presse. La promesse de campagne du candidat Talon de faire du journalisme une profession respectable s’est rapidement muée en canular. En dehors de quelques privilégiés, l’ensemble de la corporation s’accorde sur le fait que la pratique du journalisme sous Talon a connu un sérieux recul.

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Personne n’avait vu dans la suppression des contrats des organes de presse au début du mandat de la rupture, comme un projet masqué de caporalisation de la presse. Ce qui avait été dit à l’occasion, c’était que le nouveau gouvernement voulait voir clair dans les contrats qui avaient été signés entre les institutions et les services publics, avec les médias privés. Les planificateurs de cette rupture de contrat sans préavis, savaient pertinemment que ce sont ces contrats d’abonnement pour le cas de la presse écrite, qui permettaient à celle-ci de survivre.

Lorsque que les institutions et les services s’abonnaient pour 5 à 10 exemplaires par jour de parution, cela faisait des rentrées considérables à ces organes de presse. C’est ce qui leur permettait de supporter des charges salariales et les autres charges fixes et variables. Les stratèges ont donc décidé de couper brutalement cette ressource financière des organes de presse afin de les tenir avec le temps. C’est donc ainsi que la presse écrite privée a été clochardisée au point de la rendre malléable et manipulable.

Le contrat d’aliénation

Cette paupérisation planifiée de la presse écrite, a duré de juin 2016 à environ avril 2017, lorsque les mêmes stratèges ont décidé de relancer ces contrats. Seulement, ces contrats ne se signaient plus avec des institutions et les services publics directement, mais à travers une cellule centrale qui régente tout désormais. Sur la base de critères opaques, des chaînes de télévision, des stations de radio et des journaux, une vingtaine environ, ont été sélectionnés pour travailler désormais avec le régime. Des contrats d’un montant dérisoire et presque ridicule. Et comme si cela ne suffisait pas, un cahier de charge contraignant pour les organes de presse a été conçu.

Ce cahier de charge faisait de la cellule qui attribuait ces marchés, le véritable rédacteur en chef de ces organes de presse, imposant désormais la ligne éditoriale et le sens de traitement de l’information. Quelques organes de presse, mais alors très courageux et fiers de leur liberté, ont très tôt rompu ce contrat aliénateur. Préférant pour reprendre l’expression de Hamed Sékou Touré : « la liberté dans la misère que la richesse dans l’esclavage ».

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La caporalisation de la presse

D’autres organes par contre n’ont pas pu résister aux propositions malgré leur maigreur. Leurs responsables évoquaient le devoir incontournable de continuer à faire exister leurs organes. Cet aplatissement des médias devant le contrôle mussolinien de leur organe de presse, a eu comme conséquence l’avènement d’un journalisme atypique, jamais vécu au Bénin. C’est par exemple l’avènement des journaux aux titres de manchette identiques, dits siamois.

La déchéance du journalisme a atteint des niveaux tels que les journalistes étaient montés pour vilipender des confrères, voire d’autres organes de presse. Et les médias qui ne voulaient pas retrouver le bon sens en ralliant la ligne éditoriale commandée, sont devenus des ennemis d’Etat. Ils ont subi des redressements fiscaux faramineux, et des fermetures pour des prétextes fallacieux, etc.

La traque menée contre la chaîne de télévision Sikka Tv, en est une parfaite illustration. D’abord fermée arbitrairement, puis sortie du bouquet Canal+ horizon, et même des autres décodeurs locaux. Il fallait par tous les moyens réduire au silence cette chaîne de télévision, spécialisée dans des débats où les présentateurs admettent une certaine liberté de ton aux invités. Après Sikka Tv, c’est la radio sœur Soleil Fm, qui a payé le prix de sa ligne éditoriale libertaire. Pendant près de huit mois, cette station de radio pousse des cris pour annoncer le brouillage de son émetteur dans la zone de Cotonou, sans jamais se faire entendre.

Tout a été écrit, dit et entendu, mais rien n’a changé. Sauf qu’entre temps, les pirates manifestement très professionnels et dotés d’un matériel de dernière génération, changent de méthode de brouillage et libèrent de temps en temps la fréquence. C’est donc la caporalisation et la répression subtile de la presse, qui résument les deux ans de pouvoir du régime du nouveau départ

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