Ce dimanche 20 Avril 2018, le président Talon a accordé une interview en guise de bilan à la chaine française de télévision TV5. En 45 minutes, Monsieur Talon a offert aux béninois une fenêtre sur les convictions qui guident son action à la tête de l’état et le bilan qu’on peut en faire après deux ans.
Les politologues et les économistes se pencheront sur les affirmations du président quand des données chiffrées crédibles (taux de croissance et déficits publics) seront disponibles pour l’année 2017.
Nous voulons ici discuter brièvement de la vision et de la morale que le président propose à notre peuple et notamment à sa jeunesse, avant de souligner l’extrême arrogance d’un président qui se croit investi de la tâche d’ »éduquer « le peuple béninois, en le réprimant avant que cela ne soit nécessaire.
On se souvient que le président américain John F Kennedy s’adressant à son peuple disait ( nous paraphrasons) « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez plutôt ce que vous pouvez faire pour lui » .
Cet appel signifie concrètement que le président invite les citoyens à dépasser leur personne et leur intérêts personnels et avoir à l’esprit le bien commun. A contrario, l’image que le président Talon renvoie aux citoyens béninois, à la jeunesse, c’est la recherche effrénée de biens matériels pour leur besoins propres comme ressort de l’action publique. Citons le président Talon: »les hommes sont presque tous à la recherche de bien être personnel »… « les hommes pensent que les fonctions (politiques sous- entendu) doivent permettre de satisfaire leurs besoins ».
Absence de repères moraux
On le voit, le président qui affirmait n’être guidé que par ses propres intérêts n’a pas de repères moraux à proposer à son peuple et sa jeunesse. Parlant de ses motivations, on aurait de la peine à y trouver le souci du bien public, la volonté de servir la population, notamment les moins nantis.
On se souvient de la campagne « Nouvelle Conscience », ou Mr. Koupaki a mené une campagne sur le déficit moral au Bénin et la nécessité d’ »un réarmement moral ». On serait à la peine de trouver dans le discours présidentiel –et encore moins dans son action- une quelconque tentative de fonder l’action publique sur une base morale. Le président qui se dit catholique –et nous rappelle par trois fois en ajustant sa cravate qu’il est à l’abri du besoin -serait bien inspiré de méditer cet extrait de la lettre de Saint Paul à Timothée (1Tm 6 :10) »L’amour de l’argent est en effet à la racine de tous les maux… » ou encore (1 Tm 6 :17-18) »Aux riches de ce monde, ordonne de ne pas être orgueilleux et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines…Ordonne –leur de faire le bien, d’être riches en belles œuvres…).
A écouter le président, le bien public, la patrie, ne l’intéressent que très peu. Son seul souci est la reconnaissance (pour des actions qu’on a du mal à discerner). Avant même d’être élu, Mr Talon souhaitait être comparé à Mandela au terme de son mandat. Cette obsession qui sera une constante de la campagne du candidat Talon se retrouve encore deux ans après quand celui nous assène « je fais des choses difficiles (ne pas nommer ses partisans professeur d’histoire comme DG port…) et j’entends (sic) qu’on en reconnaisse la pertinence.« On en rirait s’il ne s’agissait pas de notre pays dont le président semble souffrir d’un besoin pathologiquement élevé de reconnaissance. Ce besoin de reconnaissance, cette insécurité psychologique s’accompagne d’un mépris de la population et de certitudes fondées sur de demi-vérités ou des contre vérités !
Mépris et contre vérités
Interrogé sur les déguerpissements sauvages qui détruisent l’économie informelle, le président s’improvise professeur d’économie en nous disant doctement que ni l’offre, ni la demande ne sont affectées. Comme si la bouillie de mais, les gâteaux et beignets, qu’on ne trouve plus sur les trottoirs étaient offerts sur le parvis de la présidence.Selon les économistes, l’offre diffère de la production en ce que l’offre se réfère à des produits mis en vente. En détruisant les infrastructures de vente, bien sûr que l’on réduit l’offre (indépendamment du fait que la production qui ne peut être écoulée est ajustée à la baisse). Poussant son arrogance et son mépris du peuple plus loin, Mr Talon suggère que le commerce soit fait dans les lucarnes des maisons privées ! Mr Talon qui ne semble rien connaitre des réalités de notre pays, s’imagine-t-il que tous les vendeurs, tous les commerçants sont propriétaires de maisons dans les zones où ils exercent leur commerce.
Continuant dans ses déclarations à l’emporte-pièce, dignes d’un monopoliste qui n’a jamais eu à chercher des clients dans un environnement concurrentiel, nous assène que le commerçant ne doit pas aller à la chasse au client là où il se trouve. Si le bénéficiaire de monopoles obtenus de façon trouble n’a pas besoin de « courir derrière les clients », les commerçants opérant dans un environnement hautement concurrentiel comme l’est l’économie informelle chez nous, doivent aller à la chasse au client, souvent là où il se trouve, le plus près de là où il vit, ce qui peut expliquer l’installation dans les quartiers au lieu des galeries marchandes modernes–qui n’existent d’ailleurs pas. Pour finir, le président se déclare investi du rôle d’éduquer le peuple. Selon lui les déguerpissements–dont il reconnait avoir ordonné l’exécution avant qu’ils ne soient nécessaires, vu les friches existantes dans Cotonou- étaient une manière d’ »éduquer » le peuple. On croit rêver en entendant le président tenir des propos aussi méprisants, caractéristiques d’une ignorance crasseuse du rôle d’un gouvernement et rapports gouvernants – gouvernés. On a beau parcourir la constitution, on ne voit nulle part la mention d’un rôle d’éducateur du peuple assigné au gouvernement ou à son président. Mais Mr Talon, qui se croit au-dessus de tout et de tous se croit investi du rôle d’éduquer les ignares, les indisciplinés, les incompétents de Béninois !
Rarement on aura vu dans notre pays, un président aussi éloigné de son peuple, aussi éloigné de ses préoccupations, mégalomane aussi assuré de ses certitudes sans fondements, qui décide sans consultation, ni égard pour le bien commun, des politiques ou on prétend faire le bonheur du peuple envers et contre lui. Tout espoir n’est pas perdu, car comme le dit le dicton « On peut tromper le peuple une partie du temps, tout le peuple une partie du temps mais jamais tout le peuple tout le temps ». Ces propos insultants qui sont devenus une constante du discours présidentiel sur les ondes françaises, à Paris ou Cotonou, ont le mérite de rappeler aux Béninois ce que la personne à qui ils ont confié leurs destinées pense d’eux et a en projet pour eux. Les mots ont un sens et une valeur et la parole présidentielle ne peut être traitée comme les commérages au maquis du quartier
Jean F. Houessou
Consultant
Atlanta, Usa
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