Niger : Le diagnostic de Moussa Idrissa pour un retour de l’ordre démocratique

Le Niger depuis un certain temps est au cœur de l’actualité marquante sur le continent ces derniers mois. Chef de fil de l’opposition condamné et contraint à  l’exil, arrestations de journalistes, d’opposants ou encore d’acteurs de la société civile. Tous les ingrédients sont réunis pour soupçonner une violation des principes démocratiques.

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MOUSSA IDRISSA, porte-parole mondial de la diaspora du MODEN FA LOUMANA AFRICA, principal parti de l’opposition, s’est confié sans langue de bois et dans un style détaché  à  la Nouvelle Tribune.

La Nouvelle Tribune : 2018 évolue au Niger au rythme de la mobilisation de la société civile et de l’opposition contre la loi de finances 2018, que reprochez-vous concrètement à cette loi?

MOUSSA IDRISSA – Cette loi de finances 2018 est à combattre parce qu’elle comporte toute une batterie de mesures à caractère fiscal et administratif susceptibles d’affecter sérieusement la situation, déjà difficile, des ménages nigériens. En effet, le gouvernement nigérien envisage, à travers ce projet de loi de finances, d’accentuer la pression fiscale sur les couches défavorisées de la population, tout en accordant des cadeaux fiscaux inacceptables à certaines catégories de contribuables, notamment les compagnies de téléphonie et les promoteurs indépendants du secteur des hydrocarbures ».

Parmi ces dernières, on peut citer entres autres la création d’une taxe d’habitation dont devront désormais s’acquitter toutes les personnes disposant d’un compteur relié au réseau d’électricité ou d’un système autonome d’énergie électrique, qu’elles soient propriétaires des maisons, simples locataires ou de personnes y habitant à titre gratuit. Il y a aussi le rehaussement du taux de l’impôt synthétique (IS) de 2 à 5% pour les activités commerciales et de 3 à 7% pour les prestations de service. De même, les organisations de la société civile s’insurgent contre l’extension de l’assiette de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) secteur du transport routier des marchandises et des voyageurs, la réévaluation du prix de base de cession des terrains relevant du domaine privé de l’État ainsi que l’institution de l’apposition d’un droit de timbre de 200F sur tout document légalisé sous peine de nullité.

Quels sont les propositions du MODEN FA LUMANA pour améliorer le quotidien des nigériens qui selon-vous est difficile?

M.I : Les questions de la protection des libertés publiques et de l’indépendance de la justice, la révision des contrats miniers et des PPP, le renforcement du pouvoir d’achat des ménages ainsi que l’amélioration des conditions de vie de la population, notamment un meilleur accès aux services sociaux de base. Si tout ceci est pris en compte, nous pensons que le peuple se sentirait mieux.

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Mais à l’appel du pouvoir, des milliers de personnes sont aussi sorti témoigner leur soutien au régime?

M.I : Il s’agit de montrer à l’opposition politique que le Président Issoufou Mahamadou, n’est pas seul. Sa majorité est toujours intacte. Notre démocratie en sortirait grandie si chacun joue sa partition, sans amalgames, dans un esprit de fair-play et de cohésion nationale. Malheureusement, quand l’opposition et la société civile veulent marcher, on les en empêche.

Où est l’égalité ? Nous dénonçons cette pratique de deux poids deux mesures. Pour nous, la mauvaise gouvernance du président et son gouvernement doit être dénoncée.

Nous sommes à l’aune de la commémoration de l’an 2 de l’élection de Mahamadou Issoufou pour son second mandat, quel bilan faites-vous au Moden FA Loumana?

M.I : Nous notons avec regret, qu’on n’a pas avancé. Dans la balance, ce qu’il a pu réalisé ne fait pas le poids par rapport à ce que le pays a perdu : sa paix sociale, sa démocratie apaisée, sa cohésion nationale et la santé relative de son économie.

Quel bonheur les Nigériens tireront de leur pays quand ils ont appris à se détester, quand depuis de longs mois, le régime s’active à cultiver la haine dans les cœurs de ses enfants ?  Le Niger ne s’est jamais aussi mal porté politiquement, socialement et économiquement. D’ailleurs, il se trouve que ce régime a plus misé sur des infrastructures dont la conception ne se repose généralement sur aucune pertinence sinon que d’exiger des milliards colossaux pour leur réalisation afin d’en tirer des dessous de table qui ont permis à la camarilla rose de s’enrichir et de faire naître en son sein une nouvelle classe bourgeoise qui ne peut que ressentir de la honte à relire les préceptes du socialisme qui lui servaient de boussole. Il se trouve que le bilan de la mise en œuvre des 3N selon le président est des plus réussis, ce projet aurait permis de stabiliser les populations qui n’iraient plus à l’exode ? Comment peut-on croire à cette assertion quand on sait qu’aujourd’hui encore et comme hier que le pays importe du riz, du maïs et du mil ? Est-ce les Nigériens de la diaspora qui les produisent pour nourrir les Nigériens du pays ? Non ! Les 3N, jusqu’à preuve du contraire n’ont encore rien changé de significatif dans la vie des Nigériens.

L’opposition qui avait pu unir ses forces derrière votre leader Hama Hamadou, s’est considérablement affaiblie, a quoi cela est dû selon-vous?

M.I : En politique, il faut savoir où se trouvent vos intérêts. Au Moden FA Loumana, c’est le peuple notre intérêt. Le bien-être de tous. Nous étions avec les autres parce que l’intérêt de tous tournait autour du développement. Le sectarisme, les riches du moment ; ce n’est pas le Modem FA Loumana ça. Oui, nous sommes fragilisés au regard des amis d’hier. Mais avec le peuple, nous sommes toujours en phase et plus que par la passé. Donc, nous laissons chacun à sa conscience et le maître du temps, nous jugera à l’aune de nos engagements envers le peuple nigérien.

Vous avez aujourd’hui la dent dure contre le régime de Mahamadou Issoufou, qu’est-ce que vous lui reprochez concrètement ?

M.I : Sa gouvernance, sa méthode. C’est tout. Un socialisme exclusif n’apporte rien au développement. La chasse aux sorcières, la traque des opposants, l’étouffement des mouvements d’humeur. Le régime est tout sauf démocratique et c’est ce que nous lui reprochons.

Mais beaucoup estiment aujourd’hui que vous êtes des alliés d’hier. Qu’est ce qui a véritablement changé entre la période où vous étiez soutien du régime et aujourd’hui?

M.I : Comme je vous l’ai dit un peu plus haut, c’est la conception du développement, le mode de gouvernance, le sectarisme érigé en mode de gouvernance. En effet, pour conquérir le pouvoir, les gens sont prêts pour des conceptions inimaginables. Des loups vêtus de peaux d’agneaux, il y en a plein. Hélas ! Nous ne regrettons pas cette cohabitation. Mais c’est du passé et il serait utile d’oublier cette triste histoire politique de pays.

Plusieurs membres de la société civile sont emprisonnés, vous parlez d’arrestation arbitraire, le régime Issoufou estime qu’ils sont tombés sous le coup de la loi. Vous confirmez ou infirmez ?

M.I : Nous n’allons pas nous appesantir sur des cas spécifiques. Rien qu’à voir le sort de notre leader, vous réalisez vous-même, ce qui se passe dans le pays. Des acteurs de la société civile, des étudiants, des politiciens qui ne parlent pas le même langage, bref… tout va mal. Mais au Modem FA Lumana, Les militants de Niamey, de Tilaberi, de Zinder, bref de toutes les régions sont engagés, vraiment, ils sont déterminés à mener la lutte vaille que vaille. Nous allons reconquérir l’espace qui était le nôtre ; faire de la place pour le retour gagnant de notre leader.

Dans un état de droit, la prescription des règles qu’on s’est soit même donnés n’est-elle pas liberté? Ne dit-on pas aussi que votre liberté s’arrête là où commence celle des autres ? Vous avez vu comment s’est soldé le procès dans lequel notre frère et leader Hama Amadou est poursuivi ? Une manœuvre pour l’empêcher politiquement de renverser la donne, de donner espoir au peuple Nigérien ! Mais rassurez-vous, Hama reste le leader politique incontesté du Niger et personne ne peut lui denier ce droit. Il reviendra bientôt et vous constaterez par vous-même.

Vous appelez vos militants à observer ‘’le pays mort’’ le 2 avril date anniversaire de l’élection de Mahamadou Issoufou, pensez-vous que cette stratégie produira des résultats ?

M.I : Attendez ce lundi pour constater vous-même. Ceci traduira la force politique de notre formation politique. Le peuple nigérien traverse une exaspération médiatiquement voilée. Vous devez avoir honte, quand les autorités étaient obligées d’aller protester à tripoli contre le renvoi des Nigériens, alors que l’un des axes prioritaires des 3 N est la lutte contre l’exode, contre l’émigration. Nous avons honte à, leur place et ce 02 Avril, le peuple va le leur dire de la manière la plus expressive possible.

Dans cette condition, le Moden FA LUMANA Africa participera-t-il à la présidentielle de 2021 ?

M.I : A condition que tout ce que nous reprochons au code électoral soit corrigé ; que l’égalité des chances soit. Vous me diriez que c’est la rengaine des oppositions  en Afrique. Mais à la dernière présidentielle, vous avez vu se confirmer nos doutes et dénonciations. Tout ce que nous disons, c’est le respect des règles. Et là-dessus, nous n’allons pas fatiguer d’interpeller nos autorités. Si les règles sont respectées, les urnes montreraient facilement qui est le leader naturel du pays!

Vous dénoncez une cabale du régime contre les membres de votre parti, est-ce une situation dont vous êtes vous-mêmes victime ?  

M.I : Tous les opposants au régime de Issoufou Mahamadou sont poursuivis qui plus est, un membre de Modem FA Lumana. Donc, pour répondre à votre question, je vous dirai oui, je suis victime d’un acharnement du régime contre ma personne. Des informations ont récemment circulées, de source digne de foi, comme quoi on planifiait de nous arrêter alors que nous sommes porte-parole mondial du MODEN FA LOUMANA AFRICA. Mais c’est peine perdue. La méthode, nous la connaissons et rien aujourd’hui ne nous ébranle outre mesure. Nous irons à la conquête du pourvoir et rivaliserons avec les même chances. Eux, ils ont et utiliseront les moyens colossaux de l’Etat. Qu’ils ouvrent la compétition et on jugera le parti du peuple.

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