Libéré et mis sous contrôle judiciaire depuis le 27 avril dernier par le juge des libertés et de la détention Ahehehinnou, le député Atao Mohamed Hinnouho n’est toujours pas sorti d’affaires. Une grave maladie l’a cloué au lit au Cnhu, avant qu’un mandat de dépôt ne vienne faire de lui un prisonnier. Cette décision du procureur n’a hélas pas livré tous ses secrets.
Demain mardi 08 Mai, un procès inédit se tiendra au tribunal de première instance de Cotonou. Pour la première fois depuis le vote de la constitution du 11 décembre 1990, un député encore en exercice sera dans le box des accusés. Il s’agit du député Atao Mohamed Hinnouho, poursuivi dans l’affaire dite des « faux médicaments », qui défraie la chronique depuis des mois. Malade et grabataire au Cnhu, il pourrait se faire représenter au prétoire par ses avocats.
Selon des sources proches du dossier, le député comparaît dans une nouvelle procédure de flagrant délit, enclenchée contre lui par le procureur de la république. On se rappelle très bien que dans son ordonnance de refus d’arrestation, le juge Ahéhéhinnou avait abouti à la conclusion que le député Hinnouho ne peut être arrêté, parce qu’il n’existe pas de preuves matérielles pouvant amener à une flagrance, et qu’en outre il est toujours couvert par l’immunité parlementaire ès qualité de député. Il croyait être ainsi à l’abri de la persécution judiciaire, mais le procureur en aurait décidé autrement.
Ce dernier aurait, selon les mêmes sources, décerné un mandat de dépôt contre lui, mandat mis en exécution en dépit de son état de santé, et pour lequel des agents de la garde pénitentiaire sont envoyés au Cnhu, jusque dans sa chambre d’hospitalisation.
Un mandat entouré de mystères
Si l’on sait qu’un mandat de dépôt est émis contre le député Hinnouho, il est difficile de savoir pourquoi celui-ci a été délivré, en dépit de l’existence de l’ordonnance du juge Ahéhéhinnou, de l’absence de l’autorisation du parlement et de la levée de son immunité. Selon les sources proches des avocats du dossier, le mandat est émis par d’autres affaires dans lesquelles des accusations pèsent sur la personne du député. On susurre à bon droit sur des infractions relevées le jour où la police républicaine est allée perquisitionner chez lui, à Akpakpa Xwlacomè.
On parle d’incitation des populations à une rébellion contre les agents de police, de violence et voie de fait sur agents de police, et d’une autre affaire de fraude douanière. Faits pour lesquels, selon le procureur, des flagrants délits ont été relevés. Or, ces arguments paraissent trop légers aux yeux de maints juristes. Le Code de procédure pénale en vigueur actuellement au Bénin, parle en ses articles 47 et suivants des éléments constitutifs d’un flagrant délit.
L’article 47 stipule que : « Est qualifié de crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant, lorsque dans un temps voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit. Cependant, peut être également soumise à la procédure du flagrant délit, toute infraction correctionnelle, passible d’une peine d’emprisonnement, qui à la suite d’une enquête, ne paraît pas devoir faire l’objet d’une instruction préalable, en raison de l’existence de charges suffisantes ».
Ce dernier alinéa semble être l’alibi trouvé par le ministère public pour délivrer ce mandat d’arrêt contre Atao. Si tel est le cas, on se pose assez de questions sur sa décision. Pourquoi ces différents dossiers ne sont pas agités dès le début de la procédure. Dans ces différents cas, quel juge a constaté le flagrant délit pour qu’on requière un mandat de dépôt contre l’honorable Hinnouho. Et lorsque la réponse de chacune de ces interrogations serait positive, on ne finira jamais de s’interroger sur l’importance et l’utilité de l’immunité parlementaire, qui est une faveur constitutionnelle.
Comment comprendre et expliquer qu’un député qui jouit encore de son immunité parlementaire, puisse être condamné et mis sous mandat de dépôt aussi facilement ? Ceci est un précédent grave pour le Bénin, qui vient ainsi d’ouvrir une grande boîte de pandore et risque d’être classé dans la catégorie peu glorieuse des démocraties bananières, qui ont pion sur rue sur le continent.
On se posera ces différentes questions en attendant demain pour être situé définitivement sur cette affaire de mandat de dépôt, aussi mystérieux que les mobiles de sa délivrance. Si le juge Azo décide demain de suivre la décision du parquet et de mettre ce député en prison, notre pays s’en sortira affaibli à jamais
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