Très attendue dans les années à venir, comme l’institution capitale pour la survie démocratique du Bénin, la prochaine Cour constitutionnelle risque de ne pas combler les attentes.Si l’on ne doute guère de la compétence professionnelle de ces sept prochains « sages », leurs profils, leurs proximités politiques avec le pouvoir et leur grande familiarité avec le chef de l’Etat -pour certains-, constituent des faiblesses majeures, qui risquent de plomber l’indépendance et l’efficacité de cette institution.
Jadis discrète et muette, la Cour constitutionnelle a vu toutes les attentions braquées sur elle depuis les dernières péripéties qu’elle a connues. Une démission d’un membre jamais élucidée, une rébellion insidieuse contre l’institution et ses décisions, de la part du gouvernement, et une campagne médiatique qui vise à la discréditer, ont réussi à donner plus d’intérêt à l’institution aux yeux de l’opinion. Dans un tel contexte rendu délétère par un passé récent si agité, la désignation des membres de la prochaine Cour devient un évènement politique, qui intéressent plus que les politiques, les juristes et les journalistes.
Depuis le début de la semaine, on a noté un grand intérêt autour de ce renouvellement. Les premiers membres désignés sont ceux du bureau de l’Assemblée nationale. Avec grande surprise, on a noté la désignation des magistrats Razacki Amouda, Moustapha Fassassi, de l’avocat Joseph Djogbénou, ministre de la justice, et de Rigobert Azon désigné en qualité de « personnalité ». A ceux-ci se sont ajoutés les trois autres choisis par le chef de l’Etat. Il s’agit du magistrat Sylvain Nouwatin, de la juriste Cécile de Dravo Zinzindohoué, et de André Katari, ingénieur agronome. A la lecture, cette liste de sept sages ravive les sempiternels soupçons sur l’indépendance de ses membres, et l’impartialité de cette Cour. En la comparant avec les anciennes cours, cette prochaine cour présente déjà quelques faiblesses.
Absence d’un « constitutionnaliste »
La première faiblesse de cette liste, c’est qu’elle ne comporte pas de juriste spécialiste du droit constitutionnel. Pour la première fois depuis 1993, il n’y aura pas au sein de la Cour un spécialiste ou quelqu’un qui maîtrise les méandres de la matière, qui constitue le fondement de ses décisions. Contrairement à ce qui se distille çà et là, Joseph Djogbénou est agrégé de droit privé. Même s’il a de par le passé, et à cause de son activisme politique, opiné sur les préoccupations constitutionnelles, il n’est pas un spécialiste de la matière.
Encore moins Cécile de Dravo Zinzindohoué. La commissaire priseur membre de la prochaine Cour, bien qu’elle soit titulaire d’un doctorat en droit public, n’est pas une spécialiste du droit constitutionnel, qui est une branche du droit public. Son parcours et ses travaux de scientifique le prouvent à suffisance. Il s’agit là d’une faiblesse, car l’éclairage d’un spécialiste pointu et avisé manquera à l’analyse de cette Cour, quand elle sera amenée à prendre certaines décisions. La première mandature de la Cour avait pour constitutionnaliste Maurice Ahanhanzo Glèlè, un des géniteurs de la constitution du 11 décembre 1990. Pendant la 2e et 3e mandature, Conceptia Ouinsou qui en fut la présidente était un professeur agrégé de droit constitutionnel. Les cours « Dossou » et « Holo » ont eu comme constitutionnaliste le professeur de droit constitutionnel Théodore Holo, qui est jusque là le président de cette Cour. C’est donc pour la première fois que la Cour ne regorgera pas en son sein, d’un spécialiste de la matière principale qui fonde son existence. Il s’agit d’une grosse faiblesse.
Retraités, unissons-nous
A l’exception de Joseph Djogbénou, tous les autres membres ou presque –Razacki Amouda prend sa retraite cette année-, tous les autres membres de la prochaine cour sont des « retraités ». Aucun texte ne l’interdit, et la retraite prise comme une période de sagesse pourrait être un atout pour ces membres, qui ne sont plus liés à des institutions ou à l’Etat, qui pourraient influencer leurs opinions. Mais faire partie d’une Cour comme celle-là, demandera une certaine audace, un certain cran qu’il faut avoir pour résister aux avatars et intrigues politiques et prendre des décisions parfois contre les intérêts des hommes au pouvoir, sans avoir peur des représailles. Et là-dessus, l’audace, la témérité ne sont pas forcément l’apanage des vieillards, d’habitude plus conciliants.
Sur certaines décisions à venir, il faudra montrer cette audace pour sauver la démocratie. Enfin, il manquera à beaucoup parmi eux cette fraîcheur intellectuelle pour analyser, se souvenir, comparer, anticiper. Joseph Djogbénou pourra bien en profiter pour faire passer ces opinions et désirs, en supplantant ces collègues dans les débats qui se mèneront à l’interne. Et c’est là un grand danger qui fait dire à certains que « la prochaine cour constitutionnelle est faite pour Djogbénou ». À voir les dernières options prises par le gouvernement, au mépris des règles de droit et défendues par Djogbénou, il y a lieu de craindre la blancheur des cheveux de ces « sages ».
Une cour au visage politique
L’autre faiblesse de cette cour, c’est la proximité de ses membres d’avec les hommes politiques ou le chef de l’Etat. Le premier dont le statut inquiète, c’est bien Joseph Djogbénou, actuel ministre de la justice. En 1998, Conceptia Ouinsou fut éphémère ministre de l’enseignement supérieur avant d’atterrir à la Cour, mais elle au moins était apolitique et ne s’était jamais affichée avec un parti politique.
Le cas Djogbénou a ceci d’agaçant, que l’intéressé est non seulement président d’honneur d’un parti politique de la majorité présidentielle, mais aussi un lieutenant très proche du président de la république, qu’il sert parfois avec trop de zèle, en multipliant ses propos attentatoires à l’état de droit. Qu’un tel personnage se retrouve du jour à diriger l’institution qui sera amenée à arrêter le chef de l’Etat dans ses velléités autocratiques, ou le condamner, ne rassure personne. Il y a ensuite les deux personnalités.
A la place de « personnalité de grande réputation professionnelle » tel que stipulé par l’article 115 de la Cour constitutionnelle, le chef de l’Etat et l’Assemblée nationale ont désigné par remerciement. En effet, Rigobert Azon et André Katari sont des amis personnels du chef de l’Etat. Le premier est l’un de ses soutiens politiques d’Abomey, et un de ses plus proches collaborateurs. On l’a vu tout récemment aux côtés du chef de l’Etat, au cours d’un voyage au Niger. André Katari est aussi un ami personnel du président de la république, qu’il a servi dans les projets de coton.
Les autres membres proviennent des chapelles politiques. Sylvain Nouwatin reconnu proche du président du Psd Bruno Amoussou, est aussi un ami de Joseph Djogbénou, avec qui il a beaucoup travaillé. Razacki Amouda est proche de l’alliance Abt de Bio Tchané, et a réussi à être maire de sa commune de Ouassa Péhounco, grâce à ce parti. Moustapha Fassassi, bien que peu connu au Prd, est un ami du président Houngbédji. Quant à Cécile de Dravo Zinzindohoué, son appartenance à l’aile rebelle de la Rb dirigée par son mari n’est plus cachée. Toutes ces faiblesses augmentent les soupçons de « Cour sous ordre », qui planent. Soupçons que l’élection de Joseph Djogbénou comme président, augmentera certainement
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