Il s’en est allé, notre Akinwumi ISOLA, cet homme qui a osé, cet homme qui a fait de la promotion des langues nationales africaines, sa raison de vivre.Il s’est éteint, ce grand universitaire Nigérian, d’une génération assez proche de celle d’un Wole SOYINKA, formé dans le même moule que ce dernier, qui pouvait s’exprimer en anglais avec la même aisance que lui, et qui était en outre titulaire d’une licence de français, mais qui pourtant, a délibérément choisi le yoruba, sa langue maternelle, comme moyen d’expression de sa pensée.
Il s’en est allé, ce magicien du verbe, cet alchimiste des mots, qui a su exploiter toutes les ressources d’une langue yoruba dont il maîtrisait toutes les subtilités et dont il s’était approprié le meilleur de l’héritage de la tradition et de la littérature orale.
Il nous a quittés, cet écrivain exceptionnel, qui a su explorer avec tant de bonheur tant de facettes de la production littéraire, et à qui nous devons, aussi bien des pièces de théâtre que des romans, des contes, des poèmes et un récit autobiographique.
Il s’est endormi pour toujours, celui-là qui mettait lui-même en scène ses propres pièces de théâtre, qui acceptait d’en être un des principaux acteurs et qui se résolut, comme un Sembène OUSMANE, à adapter, pour l’écran, en étroite collaboration avec le professionnel du cinéma qu’était Tundé KELANI, certaines de ses œuvres .
Il s’en est allé, ce critique littéraire, spécialiste des productions littéraires en langues africaines, qui, promu Professeur titulaire de chaire de littérature et de culture yoruba, et invité à délivrer sa leçon inaugurale, estima qu’il était de son devoir de la prononcer en yoruba, et face à la ferme opposition des autorités de l’Université pour qui la tradition imposait l’anglais, préféra tout simplement renoncer à se prêter à ce rituel.
Il n’est plus des nôtres, cet intellectuel polyvalent, qui s’est aussi illustré en traduisant en yoruba deux des œuvres de Wole SOYINKA.
Toute cette vie entièrement consacrée à la promotion du yoruba, n’est pas demeurée sans effet. Et l’on pourrait à juste titre soutenir que l’actuel essor de l’industrie cinématographique en langue yoruba, c’est à Akinwumi ISOLA qu’on le doit. On pourrait de même affirmer que c’est la lame de fond déclenchée par l’activité militante d’Akinwumi ISOLA qui a convaincu le Parlement de l’Etat de Lagos, Etat pas peu fier de ses dix-huit millions d’habitants, de rendre obligatoire l’enseignement du yoruba dans toutes les écoles et collèges, et d’en faire une de ses langues de travail.
Il s’en est allé, celui que ses camarades et amis avaient surnommé « honest man » ou si vous préférez « honnêteté faite homme ».
Akinwumi ISOLA nous a quittés, sans nous quitter totalement, puisqu’il nous a légué, à nous, et aux générations à venir, un certain nombre d’œuvres impérissables, dont une a déjà été traduite en français , et au moins trois autres l’ont été en anglais . Akinwumi ISOLA a combattu le bon combat, puis s’en est allé. Puisse-t-il reposer en paix
Laisser un commentaire