La liberté de la presse : Une question de volonté politique

La liberté d’expression et de presse, fait partie des droits fondamentaux de l’homme. Ce droit est reconnu par tous les mécanismes juridiques et consigné dans l’historique déclaration universelle des droits de l’homme. Mais la jouissance de ce droit est souvent confrontée à plusieurs difficultés dans nombre de pays, surtout au sud du Sahara, dont le Bénin. Chaque pouvoir politique cherchant à contrôler voire museler la presse à son profit. Une situation qui empêche la presse de jouir de sa liberté.

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Après l’indépendance du Dahomey le 1er août 1960, les nouveaux dirigeants n’ont pas admis la presse privée sous leur régime, de peur que leurs détracteurs et opposants l’utilisent pour les déstabiliser. Seuls « Daho Expresse », un quotidien gouvernemental et Radio Dahomey, avaient droit de citer. Sous la révolution aussi, la liberté de presse était embrigadée.

Les journalistes avaient pour rôle de chanter les louanges du pouvoir révolutionnaire en place. Ils étaient devenus des journalistes militants à la solde d’une idéologie dont ils ne maitrisaient pas la vision. Ceux d’entre eux qui avaient voulu protester contre cette politique de gestion des médias, ont été l’objet de menaces et d’intimidations. Certains ont pris le chemin de l’exil. C’est le cas de Richard Aniambossou, de Jérôme Carlos, Soulé Issiaka, etc.

La politique était basée sur la pensée unique, et nul n’avait le droit de s’opposer à l’orientation idéologique. Entre-temps, « Daho Expresse » devenu « Ehuzu », ne comblait pas les attentes des lecteurs. Pendant cette période, le Parti communiste du Dahomey est né dans la clandestinité, avec son organe d’information dénommé « La Flamme ». C’est une presse écrite d’engagement politique qui combattait le régime révolutionnaire.

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Les numéros de ce journal circulaient sous le manteau, et les détenteurs surpris étaient systématiquement arrêtés, emprisonnés et considérés comme les ennemis du peuple. Mais par une forte pression de la population assoiffée de libertés, dont la liberté de presse, le Général Mathieu Kérékou par un décret présidentiel, autorisait en 1987 la création des journaux privés sur le territoire béninois. Le journal « La Gazette du golfe » est née, suivi d’autres organes de presse comme « Le Quotidien », « Tam-tam Expresse », « Le Forum de la Semaine », et « Je sais Tout ».

La liberté de presse sous le renouveau démocratique

A la Conférence des forces vives de la Nation de 1990, la question de la liberté de presse a été l’un des points importants discutés. Les délégués ont unanimement reconnu qu’il ne saurait y avoir une démocratie pluraliste sans une presse libre. Cette volonté des participants à cette historique rencontre, est aussi consacrée par la constitution du 11 décembre 1990. Depuis, plusieurs publications ont vu le jour et la démonopolisation des ondes intervenue en 1997, a engendré la création des radios et des télévisions privées au Bénin.

Pour éviter les dérapages dans la presse, les professionnels des médias ont mis en place l’Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias (Odem), le Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), et l’Union des professionnels des médias du Bénin (Upmb). Depuis le régime de Mathieu Kérékou, un fonds est mis en place par l’Etat pour accompagner les médias du secteur non public, dénommé Aide de l’Etat à la presse privée. En dehors de ce financement, l’Etat a des contrats avec des organes de presse. Mais ces conventions se transforment en des instruments de chantage et de musellement.

Un organe de presse qui ne magnifie pas les actions du gouvernement ou qui se livre à des analyses et commentaires non favorables aux autorités, est ainsi victime de la suspension abusive de ce contrat. Ces actes visent à asphyxier les organes de presse, et à les transformer en des outils de propagande ou des caisses de résonnance de l’Etat. L’autre mesure utilisée fréquemment par les autorités est la pression fiscale. Les médias au Bénin sont soumis au même régime fiscal appelés à réaliser les mêmes chiffres d’affaires pour faire face aux exigences des services des impôts que les épiceries, les quincailleries, les boulangeries, les entreprises de prestation de services ordinaires etc.

Les médias qui n’arrivent pas à supporter les pressions fiscales sont appelés à fermer les portes et à disparaitre de la scène. Les journalistes sont condamnés pour leurs écrits et leurs opinions, certains ont fait même la prison. La dépénalisation des délits de presse n’est pas une réalité au Bénin.

La liberté de presse sous la Rupture

Aujourd’hui, la liberté de presse existe au Bénin, mais sous conditions. Les autorités qui clament partout dans le monde même lors des rencontres internationales que la liberté de presse existe au Bénin mettent à mal ce droit des hommes des médias. Les organes de presse sont fermés pour des raisons non convaincantes. En novembre 2016, six (06) télévisions et une (01) radio ont été fermées sans préavis par la Haute autorité de l’Audiovisuel et de la communication (Haac) avant d’être autorisées à émettre à nouveau sur le territoire national.

Par contre, Sikka TV qui est aussi concernée par cette mesure n’est pas admise à émettre au Bénin jusqu’à ce jour. Soleil Fm, une station de radio privée de la place, est victime quotidiennement d’un piratage sans fin et aucune autorité du pays ne cherche encore à mettre un terme à ces agissements. Le rapport 2018 de Reporter Sans Frontières (Rsf), est un exemple du recul de la liberté de presse au Bénin. Dans ce classement, le Bénin passe de la 78e à la 84e place. Une régression qui démontre que la liberté de presse est en difficulté sous le régime de Talon.

Le harcèlement fiscal est aussi une méthode utilisée sous la Rupture, contre les médias, pour les contraindre à faire seulement la volonté du gouvernement. L’atmosphère médiatique n’est pas très reluisante, du fait de l’immixtion du politique dans les activités des journalistes, à un point tel qu’ils ne se sentent plus du tout libres dans leur métier.

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