Suspension de « La Nouvelle Tribune » par le Président de la Haac : L’euthanasie de la presse béninoise

La Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) a encore frappé. Cette fois-ci c’est le quotidien  »La Nouvelle Tribune » qui en a fait les frais. Pour gravissime qu’elle soit, cette nouvelle dindonnerie relève aujourd’hui au Bénin d’une banalité malheureuse et pathétique. La marque par excellence de cette trivialité dans la décision de la HAAC, c’est la désormais légende bananière qui l’a suivi. Cette légende qui veut que ce soit le président de cette institution qui s’est enfermé dans son bureau et a unilatéralement émis cet oukase. Triste constat pour une mise à mort dont la presse elle-même est largement responsable et ce, dans un environnement sociopolitique qui n’a de cesse de se déliter depuis plus d’une décennie.

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La presse béninoise a commis deux erreurs fondamentales. C’était au début de la présidence de Boni Yayi. La première a été de développer une curieuse notion en réponse aux velléités liberticides du régime du Changement. Dans leur volonté de museler la presse, Boni Yayi et ses chantres ont affirmé, à peine installés au pouvoir, qu’ils n’entendaient pas s’accommoder de cette liberté de ton de la presse caractéristique du régime Kérékou. Plutôt que de faire front à ce qui s’annonçait clairement comme la fin de l’âge d’or et d’opposer au nouveau chef de l’État son légendaire corporatisme, la presse béninoise a plié l’échine en développant la notion de   »brebis galeuse ». Et d’annoncer bravement qu’elle  »fera le ménage » en son sein.

Il faut dire que le régime Yayi a su s’y prendre pour obtenir avec une facilité déconcertante la reddition de la presse. Il a en effet usé de la stratégie de l’appât du gain au nom pudique de  »contrat ». Comme le définissaient à l’époque quelques responsables de la presse béninoise au travers d’explications confuses, il s’agissait d’une rémunération mensuelle des organes de presse écrite et audiovisuelle en échange, usons d’un euphémisme, d’une mise en exergue des politiques et réalisations du gouvernement. Ce qui était maladroitement présenté comme un contrat dont l’objet portait sur la communication exprimée au travers des publi-reportages, n’était en réalité qu’une redéfinition de la ligne éditoriale des médias partenaires. Ceux-ci étaient dorénavant invités à être des caisses de résonance du gouvernement.

Des contrats d’aliénation

Peu importe de savoir si c’est la consistance du magot qui valait pour la presse, dans mon pays, d’échanger sa liberté et son indépendance. L’essentiel à retenir ici c’est que cette manne tombait à pic pour une presse en mal de modèle économique pour son existence voire sa survie. Dès lors, point n’était besoin pour le glas de sonner ; la presse, chez nous, s’était chargée de faire disparaître les cloches. A peu de frais, Boni Yayi mettait en branle l’euthanasie de cette dernière qui n’a de cesse de se poursuivre avec de moins en moins l’argent comme consolateur. Il faut en effet dire que le président Patrice Talon, contrairement à l’homme d’affaires qu’il était, ne s’illustre pas par sa prodigalité. Les médias, semble-t-il, ne reçoivent de lui que ce qu’il faut pour ne pas mourir.

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C’est désormais une presse affamée, muselée et clochardisée qui fait face impuissante au glaive de l’arbitraire et de l’oppression. Qu’il semble désormais loin cette époque où les journalistes battaient le macadam pour protester contre de simples menaces verbales proférées par un haut responsable de la police à l’encontre d’un journaliste ! Le soutien de la corporation à la  »brebis galeuse » qu’est  »La Nouvelle Tribune » s’est traduit par une audience des responsables des associations de la presse au bourreau. On ne les accusera donc pas d’avoir croisé les bras. Et ce n’est pas le contexte général dans lequel s’inscrit cette répression qui l’aidera à sortir de l’ornière.

C’est en effet peu dire que d’affirmer que les principes et valeurs consacrées à la Conférence nationale se sont considérablement érodés. La volonté nationale de bâtir un État de droit et une nation prospère ont depuis longtemps cédé la place à l’affairisme et à un opportunisme de mauvais aloi. Plus aucun tenant d’une quelconque charge publique ne veut assumer ses responsabilités. Les acteurs du parlement, de la justice et de toutes les autres institutions publiques s’emploient à être des supplétifs du pouvoir public. La démission est collective. Et ce n’est pas les conseillers de la Haac qui diront le contraire, eux qui se complaisent à être infantilisés afin de ne pas assumer leur silence complice.

Une  presse affamée, muselée et clochardisée

Ce que devient chaque jour notre Bénin n’est pas sans rappeler cette société que décrit l’écrivait Mongo Béti, celle où quand « le peuple [est] tenu à l’écart des lumières du droit, le vice devient la norme, le tortueux la règle, l’arbitraire la vertu. »

Comment donc dans un environnement aussi décadent, ce « fou » de Vincent Foly peut-il espérer être l’exception ? Comment veut-il, lui le téméraire, s’entêter à vouloir tenir haut la flamme de la déontologie du journalisme au milieu de la tempête de la vénalité et de la couardise ? Pourquoi ne veut-il pas rentrer dans les rangs plutôt que de vouloir jouer au héraut de l’objectivité des faits ?

Voilà autant de questions qui soulignent la profondeur de la tragédie que nous vivons actuellement au Bénin et que symbolise avec éclat la décision de la Haac. Il serait intéressant de connaître le dénouement de cette affaire. Car l’objectif non affiché ici est d’obtenir la soumission du récalcitrant Vincent Foly. Le seul recours que pouvait être la justice à malheureusement servi un précédent dissuasif pour les victimes de la Haac. Il ne faut en effet pas oublier que la chambre administrative de la Cour suprême a mis cinq ans pour rendre une décision provisoire au sujet de la suspension du quotidien  »Le Béninois Libéré » et de la radiation du métier de journaliste des sieurs Aboubakar Takou et Eric Tchiakpè. La décision au fond se fait encore attendre.

Alors quelle solution ? Que chaque acteur se réapproprie le rôle et la fonction qui sont les siens dans la société et les exerce sans faux-semblants. L’intelligence collective doit prévaloir. C’est à ce prix qu’on pourra espérer remonter à la surface après avoir touché le fond.

N.B. Le surtitre et les intertitres sont de la rédaction

Richard Boni Ouorou (Contribution)

Politologue

Montréal-Canada

6 réponses

  1. Avatar de Napoléon1
    Napoléon1

     
    @ GbetoMagnon,
     
    oui, je valide et je suis d’accord qu’il faut se focaliser sur comment combattre cette politique de la ruse et de la rage qui veut plier tout le monde . Mais comment le faire ? Avez-vous une idée.? Car voilà plus de deux ans maintenant que cette politique ne cesse de prospérer au détriment des libertés publiques et de la justice sociale sans qu’il y ait une action spectaculaire voire une opération de grande envergure  de la part des forces vives pour mettre fin à tout cela. Si d’ici peu rien ne se fait, la boucle sera bouclée et les populations n’auront plus les yeux que pour pleurer.
     
    Une telle situation, est-elle digne d’un peuple intelligent parmi lequel on compte des hommes et des femmes raisonnables animés de bon sens et conscients de ceux qu’ils doivent à la patrie commune?
     

    1. Avatar de papa
      papa

      @Tchité tu ferais mieux de rester assis avec ta propagande à la con.

      1. Avatar de Tchité
        Tchité

        Voila’ que papa, petit papa se dit lui-meme etre con.

  2. Avatar de GbetoMagnon
    GbetoMagnon

    Moi, je propose qu’on fasse économie du sempiternel haro sur le béninois une fois de plus. Il a bon dos le béninois, il est responsable de tout.

    L’heure est à se focaliser pour la combattre, sur l’interdiction de parution d’un journal, le gel des avoirs de son propriétaire pour le faire plier comme tous les contre-pouvoirs institutionnels sociaux (syndicats) et sociétaux (presse)

  3. Avatar de Napoléon1
    Napoléon1

     
    Je dis que le mal est plus profond que cela.
     
    Quand on sait que le béninois de l’intérieur se sert de son intelligence pour tourner dos à la vertu pour nager dans un fonds trouble et obscurentiste, s’y ajoute le fait que le pays est essentiellement analphabet (les ne sachant ni lire, ni écrire la langue francaise, la langue de la promotion sociale), quelle existence pouvait être celle d’une presse écrite. Quel créateur de la presse pourra vivre de sa création sous cette condition.
     
    Ainsi donc, l’environnement dans lequel s’exerce la presse au Bénin, ne favorise-t-il pas asseez déjà la faim, le muselage et la clochardisation?
     
    Mais que font les acteurs de la presse eux-mêmes pour changer la donne.? On peut penser à des projets d’analphabétisation des masses portés et réalisés par des organes de presse, on peut imaginer des écoles des arts et métiers fondés par des acteurs de la presse de mêmes des cours du soir et des universités populaires organisés et dispensés par des hommes et des femmes du métier de la presse.
     
    Car plus la masse des lettrés se multiplie dans le pays, plus les entreprises de la presse s’épanouiront, se supporteront et pourront jouir de leur independance sans devoir lorgner le magot du prince.
     
    Mais rien ne se fait dans ce sens.  A voir tout cela de près on a l’impression que les africains en général et les béninois en particulier ont développé depuis les independances un certain mimétisme, une capacité à singer la culture occidentale mais sans être capable de faire preuve d’ingéniosité et de savoir pour changer la condition de leur peuple et construire une société, où il fait bon vivre.
     
    Pire, nous avons hérigé en Afrique le roubladisme, la malhonnêteté et l’usage du faux comme règle de conduite. C’est pourquoi je dis qu’avec ces générations qui ont conduit l’Afrique à la faillite, plus rien à espérer. Il faudra les ***** tous.
     

    « « `peut assainir la société
    béninoise et insuffler du sang neuf pour la renaissance d’une mentalité propice à la créativité, au travail bien fait, à l’honnêteté, la sincérité et à la confiance mutuelle, qui sont les vrais facteurs de liberté, d’independance et du devéloppement.
     

     

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