Après le message à la nation du président béninois Patrice Talon, un de ses opposants, Léonce Houngbadji a décidé de réagir. Lire ci-dessous sa déclaration. Quand on préside une République inquiète, «parler aux Béninois» est un exercice à hauts risques. Il ne fallait pas attendre monts et merveilles de l’intervention télévisée du chef de l’État. Fidèle à sa manière, il n’a pas dit un mot plus haut que l’autre, et il a expliqué en substance qu’une politique qui ne marche pas peut, qui sait, marcher un jour. Nul ne s’attendait à des annonces fracassantes. Mais beaucoup espéraient plus qu’un souffle, un vent de colère ou de révolte face à la crise, au chômage, au désarroi des plus démunis, à la violation des Droits de l’Homme… Et, au bout de quelques heures, dans son message à la Nation et au cours de l’entretien qu’il a accordé à certains médias locaux, il n’y eut ni l’un ni l’autre.
Deux traits ont pourtant marqué cette intervention télévisée fade, presque banale. Le Président s’est contenté de délivrer son chapelet de « réformes », qui n’apportent que misère et tristesse à son peuple. Comme s’il était sourd aux mécontentements de l’opinion ou ignorant de sa dégringolade dans les sondages, il n’a jamais cherché à donner les vraies raisons du marasme, de la croissance à l’agonie et surtout du recul démocratique de notre pays.
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Faute d’expliquer les vraies causes du mal qui ronge le Bénin (il en est le premier responsable et l’a confessé à Cotonou et à Paris), Patrice Talon a plutôt accentué le fossé d’incompréhension avec les Béninois et leurs dirigeants. Les rares téléspectateurs qui ont suivi son message à la Nation et son entretien ne caressaient pas d’illusions en l’écoutant. Mais l’exercice de pédagogie soigneusement préparé a tourné à vide. L’avalanche des mesures hasardeuses prises depuis plus de deux ans par le gouvernement a conduit à plus de chômage, de pauvreté, de misère, de difficultés, de destruction des institutions de la République et de désarticulation de la fonction publique.
Les Béninois auront entendu cela : le président reste sourd à la colère noire qui parcourt le pays. La chronique des fermetures d’entreprises et des vagues de licenciements est quotidienne. Le pouvoir d’achat a diminué. La perspective de vivre plus mal demain qu’aujourd’hui se précise. Les Béninois n’attendaient pas du chef de l’État des lendemains qui chantent, vu ses « réformes » socialement inefficaces et économiquement désastreuses, mais un peu moins d’injustice, un peu plus de solidarité, plus de distance à l’égard des milieux d’affaires, redonner espoir aux chômeurs, aux investisseurs et aux contribuables.
Les Béninois veulent du travail, des soins de santé de qualité, des écoles, de l’eau potable, de l’énergie électrique, des routes, du pouvoir d’achat et un État démocratique plus efficace et moins coûteux, qui respecte les Droits de l’Homme. Le président, depuis plus de deux ans, continue de penser à lui-même d’abord.
La prestation du président, mardi soir, n’a donc guère suscité l’enthousiasme. Aurait pu mieux faire? Les Béninois restent sur leur faim. Il s’est agi d’un verbiage convenu qui ne cassait pas trois pattes à un canard, peu convaincant. Même ton, mêmes thèmes et trop de demi-mesures. (…) Il n’a pas tiré toutes les conséquences de la situation présente.
Le président de la République est à bout de souffle. Il n’a rien dit sur les Droits de l’Homme, la démocratie en agonie, le chômage des jeunes, la précarité chez les femmes, le sort des commerçantes dont les commerces ont été détruits. Je l’ai entendu dire dans son message à la Nation que notre pays n’est plus le même, qu’il est en pleine transformation. J’espère qu’il ne parlait pas du Bénin. De quelles réalisations de son gouvernement parle-t-il ? Où sont-elles ? Dans quels secteurs d’activités ? Dans quelles localités du pays ? Qui en sont les bénéficiaires ? Où sont les chantiers ouverts dans tout le pays dont il parlait ? Le peuple ne voit rien en dehors des maquettes.
C’est sur la question de la révision de la Constitution que j’ai observé le mensonge d’Etat. Le chef de l’Etat dit qu’une grande partie de l’opinion approuve la proposition de loi et regrette le vote du 5 juillet dernier. Là aussi, je pense sincèrement qu’il parlait de l’opinion publique nationale d’un autre pays. Pas du Bénin. C’est un secret de polichinelle que tous les Béninois y compris ses propres partisans sont contre la réforme constitutionnelle et l’attendaient de pied ferme au référendum. En réalité, c’est ce qui justifie réellement sa décision de ne pas organiser le référendum et non son souci de ne pas gaspiller les fonds publics pour un référendum alors que les priorités du peuple sont ailleurs. Faire des économies à l’Etat est son dernier souci. Le président Talon a tout simplement peur des élections. Il sait qu’il est vomi par le peuple qui est pressé d’aller aux urnes pour le sanctionner.
Le chef de l’Etat rassure qu’au bout du sacrifice en cours, le Bénin sera rayonnant. Depuis plus de deux ans, le peuple se sacrifie et chaque fois il lui demande la patience. La vie est chère aujourd’hui. Le peuple est frappé par des impôts, taxes, redressements fiscaux au quotidien. Il est sans emploi, sans avenir. L’eau potable pour tous, l’énergie pour tous et la santé adéquate pour tous ne sont pas garanties. Pendant ce temps, les princes au pouvoir s’accaparent de tout, gagnent des salaires politiques choquants et privent le peuple du minimum social commun.
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