En veilleuse depuis sa création en mars dernier, l’Union social Libéral(Usl) qui affutait ses armes pour les législatives de mars 2019 pourrait voir son avenir politique hypothéqué pour les années à venir.A l’instar de son président d’honneur et leader charismatique Sébastien Ajavon condamné à vingt ans de prison ferme, l’Usl risque d’entrer dans une zone de turbulence. Seulement, il n’est pas exclu que le parti réalise aussi un bon score si sa participation-encore hypothétique- pour les prochaines élections était effective. Ceci, au regard des données irrationnelles dont la politique béninoise raffole. Analyse.
Le jeudi 18 octobre, à la suite du verdict du procès des 18 kg de cocaïne qui condamnait Sébastien Ajavon et ses co-accusés à 6 millions d’amende, 20 ans de prison ferme assorti d’un mandat d’arrêt international, beaucoup d’observateurs de spécialistes du système judiciaire béninois avaient affirmé que « la nuit est tombée sur la justice béninoise ». Ils répétaient ainsi les propos tenus par un certain Joseph Djogbénou le mardi 28 décembre 2009 alors qu’il défendait les causes de Simon Pierre Adovèlandé accusé de concussion dans le dossier du Groupe Bethsaleel Bulding.
Ce jour là, aux environs de 20h, devant un tribunal provisoirement déplacé aux encablures du carrefour Maro-militaire, sous les jets de pierre des partisans et amis de Simon Pierre Adovèlandé venus nombreux au tribunal le soutenir, l’avocat avait pu proclamer la tombée de la nuit sur la justice après que tous ses moyens aient été battus en brèche par la Cour aux termes d’un procès hâtif. Près de neuf ans après, même si les deux procès n’ont pas eu le même déroulé, les deux principaux condamnés présentent de grande similitude. Simon Pierre Adovèlandé, alors coordonnateur du Programme du Bénin pour le Millenium chalenge account(Mca) se préparait pour l’élection présidentielle de 2011 face à un certain Boni Yayi en quête d’un second mandat. Avec sa casquette de coordonnateur d’un programme qui allait injecter près de 200 milliards de Fcfa en cinq ans, il était devenu si populaire dans les villes et hameaux du pays et passait pour un challenger sérieux du chef de l’Etat.
Sébastien Ajavon se trouve aujourd’hui presque dans la même posture. Venu 3è de la dernière élection présidentielle avec un score de 23% qui tutoie presque celui de Patrice Talon 2è au premier tour, il bénéficie d’un capital d’estime qui croit au jour le jour au regard des œuvres sociales de sa fondation éponyme, de l’engouement autour de son nouveau parti Usl et de son ancrage religieux avec le clergé catholique. Ce statut de candidat sérieux a-t-il été la cause de cette condamnation ? Une chose est sûre, il n’a guère bénéficié d’un procès équitable. Le droit à la défense n’a pas été respecté. Ses avocats ont été empêchés de plaider. Et la Criet s’est usurpée la compétence de la juridiction d’appel aux mépris des principes fondamentaux du droit et de la constitution.
Une compromission à vie ?
Si l’on s’en tient à la qualité d’homme politique de l’accusé, il y a bien des raisons de croire que cette condamnation compromet définitivement sa carrière politique. Aujourd’hui âgé de 53 ans, la mise en exécution de cette décision de justice le condamne à faire les bagnes jusqu’à 73 ans, âge où il ne peut plus être candidat à une élection présidentielle au Bénin. En effet, selon l’article 44 de la constitution du 11 décembre 1990, nul ne peut être candidat à une élection présidentielle au Bénin s’il n’est âgé de 40 à 70 ans. Les 20 ans ont-ils été donnés exprès ? Difficile de la croire. Mais il est prématuré de dire que la sentence est consommée. Il y a en perspectives de grandes batailles juridiques.
D’abord celle de l’extradition de l’intéressé exilé à Paris et celle de la Cour suprême si, comme il se susurre ça et là, il a la possibilité d’exercer un pourvoi en cassation contre la décision de la Criet. Il ne faut pas exclure, les sentences des juridictions internationales comme celle de la Cour africaine des droits de l’homme d’Arusha(Tanzanie) et toutes les autres. A tout cela peuvent s’ajouter les pressions qui pourraient venir de l’international pour amener les deux hommes à se réconcilier. On est donc loin de voir Sébastien Ajavon croupir en prison pour vingt ans. Mais si les choses n’évoluent pas, il ne pourra plus être candidat à une élection au Bénin au regard des dispositions du nouveau Code électoral. Quant à l’Usl son parti, la fortune est différente.
L’Usl à la rescousse !
Dès l’annonce de la sentence de la Criet jeudi 18 octobre dernier, une peur bleue s’est emparée des partisans de l’Usl dispersés dans toutes les régions du Bénin. Très tôt, les responsables du parti ont réagi à travers un communiqué pour rassurer leurs militants de la présence effective du parti aux prochaines élections législatives. Car, le parti est différent d’Ajavon qui n’en est que le président d’honneur. Devant cela le parti doit surmonter une autre difficulté, celle du récépissé d’enregistrement qui tarde à sortir depuis mars dernier où le parti est créé. A ce niveau, nous souffle un responsable de l’Usl « notre parti a été créé au temps de l’ancienne charte des partis. La loi prévoit qu’au bout de deux mois après l’attestation de dépôt, en l’absence de toute réponse du ministère de l’intérieur, le parti existe d’office ».
Reste l’organisation et la participation d’une élection surtout en l’absence de son leader. Il s’agit là d’un gros challenge pour l’Usl qui n’avait jamais participé à une élection par le passé et qui devrait ainsi tester sa machine de mobilisation encore très vierge, surtout que le bureau politique du parti est composé majoritairement de néophytes, les hommes politiques ayant contribué à l’exploit des 23 % à la présidentielle ayant presque tous abandonnés le navire Asg. Une grosse aubaine s’offre à l’Usl. Le parti pourrait bien surfer sur l’acharnement contre son président d’honneur. Si les leaders du parti arrivent à tenir un discours qui accroche les masses, le parti peut faire un bon score et gagner même des sièges dans les zones où il n’avait pas percé lors de la dernière présidentielle. Car, beaucoup de citoyens ne comprennent pas encore les raisons qui poussent Patrice Talon à s’acharner autant contre un homme qui l’a aidé à prendre le pouvoir.
Dans un pays comme le nôtre où l’ingratitude est très mal vue et sanctionnée, l’acharnement contre Ajavon peut bien être monnayé en gain politique pour son parti. Séfou Fagbohoun a bénéficié de ça lors des législatives de 2007 alors qu’il était en exil. Le chef de l’Etat Patrice Talon n’a pu gagner la présidentielle de 2016 sans surfer sur cette fibre de l’acharnement contre sa personne. Mais le plus grand atout de l’Usl c’est bien la déception des populations par rapport à la politique du gouvernement actuel qui donne l’impression de ne pas se préoccuper de leurs situations. Cette situation pourrait les amener à faire un vote sanction.
Dans l’Ouémé où Sébastien Ajavon avait fait un bon score lors de la présidentielle, l’Usl peut rééditer le même exploit surtout que le Prd, parti qui règne en maître sur ce département et qui pouvait lui damer les pions s’est rangé maladroitement du côté du pouvoir compromettant ses chances. Dans le Mono-Couffo, département d’origine de Sébastien Ajavon l’Usl fera sûrement un bon score. Idem pour le Littoral et une bonne partie de l’Atlantique. Dans le Plateau et le Zou, l’Usl peut aussi s’en sortir avec des sièges. La condamnation de Sébastien Ajavon, contrairement à ce que beaucoup ont pu penser risque d’être très bénéfique pour son parti lors des prochaines élections législatives et ceci peut influencer favorablement le court de ses démêlées judiciaires.
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