C’est le constat qui se dégage du déroulement de la campagne électorale jamais vécue au Cameroun. Les candidats de l’opposition ont réussi le pari de redonner aux citoyens le goût de la politique. Ces Camerounais qui depuis plus de deux décennies manifestaient une désaffection de la chose politique. Au vu de la forte mobilisation observée lors des meeting des candidats de l’opposition, on est fondé de penser que le vote de ce dimanche pourrait donner lieu à l’élection d’un nouveau Président de la république au Cameroun. Depuis l’avènement de la démocratie au Cameroun en décembre 1990, jamais une campagne électorale de la présidentielle n’avait connu une telle effervescence.
La dernière présidentielle mémorable au Cameroun à été celle de 1992 au cours de laquelle Ni John Fru Ndiki était arrivé second officiellement avec 33% des suffrages et Paul Biya qui avait été déclaré vainqueur avait obtenu 36%. Des thèses continuent d’affirmer jusqu’à ce jour là victoire de John Fru Ndi à cette élection.
Et depuis cette unique percée de l’opposition à une élection présidentielle, le Rdpc, parti du chef de L’Etat Paul Biya fait des scores soviétiques à toutes les élections. C’est que les électeurs observant les alliances que les principales formations politiques: Union des populations du Cameroun, Upc, Union pour la démocratie et le progrès, Undp, et d’autres partis politiques nouaient avec le Rassemblement démocratique du peuple Camerounais, Rdpc parti au pouvoir, sont arrivés à la conclusion que remporter des élections au Cameroun relève du miracle. D’où le découragement observé depuis, matérialisé par un faible taux d’inscription sur les listes électorales. Il a fallu attendre 26 ans après soit cette présidentielle de 2018 pour voir les Camerounais reprendre le goût de la politique.
Un jeune candidat
A l’origine de cette reconversion surprenante des électeurs des hommes nouveaux comme candidats face à Paul Biya. D’abord Cabral Libii Li Ngue Ngue, jeune de 38 ans, fin orateur, journaliste, par ailleurs enseignant assistant à l’université de Yaoundé 2. En dehors de ses analyses sur le régime Biya fondé sur des chiffres et des faits, c’est surtout son programme alternatif qui accroche. Il a la particularité d’avoir été candidat à zéro franc en termes de fonds propres. Sa caution de 30 millions à la présidentielle autant que son budget de campagne qu’il a fixé à 200 millions Fcfa ont été rassemblés par ses militants et sympathisants. Et même pour son investiture, c’est le Pr Prospère Nkou Mvondo, professeur des universités qui a proposé son parti: le parti Univers qui est devenu le temps de la campagne électorale le parti politique le plus populaire au Cameroun.
Cabral Libii en termes de campagne a connu un succès éclatant sur le terrain: accueil et hystérie collective des militants et sympathisants. Il a presque sillonné tout le territoire national. L’affluence observée lors de son meeting de lancement de la campagne à Douala le 23 septembre 2018, a fait dire à certains que c’est peut être le 3ème chef de l’Etat du Cameroun en devenir. Mais l’affluence de son meeting de Douala estimé à 10.000 personnes semble avoir été battu à Kribi, Dschang, Garoua, Ngoaoundéré et surtout hier samedi à Yaoundé où se déroulait le meeting de clôture de sa campagne électorale. Si pour certains Cabral Libii est juste le candidat des jeunes et n’aura pas aussi les suffrages des adultes, d’autres estiment par contre qu’il a convaincu autant les jeunes que les moins jeunes. Mais en face, il y a un autre challenger Pr Maurice Kamto, professeur des universités, ancien ministre délégué à la justice de 2007 à 2014 et président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun.
Un ancien proche de Biya
Comme Cabral Libii il se présente pour sa première fois. Sa campagne électorale a aussi drainé des foules sur l’ ensemble du territoire. Certains citoyens lui font le reproche d’avoir appartenu au régime Biya pendant sept ans au moment où la justice se mettait pratiquement aux ordres. Mais il compte malgré tout parmi les candidats qui peuvent inquiéter le candidat Biya. Étant donné qu’il a reçu le ralliement d’un candidat Me Akere Muna qui a désisté à son profit.
Un homme d’affaire
Enfin dans l’opposition, il y a Josua Osih, député, vice-président du Social démocratique Font (Sdf) et homme d’affaires. Ni John Fru Ndi a accepté de lui passer le témoin comme candidat du parti. Sa campagne a aussi connu de l’affluence mais les critiques estiment qu’il hérite d’un Sdf qui a presque fait le deuil de sa popularité et de sa capacité de mobilisation. Malgré tout, il fait parti des candidats qui pourront influencer le dénouement de cette élection.
Biya, otage des faucons selon un ancien proche
Pour le candidat sortant Paul Biya, tout porte à croire que lui-même veut se reposer. Mais son ancien conseiller technique aux affaires économiques, Christian Penda Ekoka qui a démissionné à l’approche des élections pour rejoindre le candidat Maurice Kamto, dit de lui qu’il est otage des faucons qui profitent de lui et qui refusent qu’à 85 ans, il aille se reposer. Paul Biya est par ailleurs victime des dissensions internes au sein de sa formation politique, Rdpc où on a observé pendant la campagne de sérieuses empoignades entre les cadres du parti. Il y a même aussi eu des actes pendant la campagne du Rdpc qui faisaient penser à du sabotage interne. Le fiasco du meeting de Maroua a certainement été la cause de l’annulation des autres déplacements du candidat du Rdpc.
Plus encore, l’extrême-nord la région la plus peuplée du Cameroun a aussi selon les statistiques d Elecam, le taux le plus élevé du nombres d inscrits sur les listes électorales (plus d’un million deux cents mille). considéré par ailleurs comme vivier électoral du Rdpc, cette région s’est manifestement émancipée. Lors du meeting du chef de l’Etat à Maroua, on pouvait lire sur des pancartes des populations venues l’écouter: « nous ne sommes pas les moutons« . Autant d’indicateurs qui font penser que la fin de règne du Rdpc est arrivée. Même sans coalition de l’opposition, il est possible au vu de la mobilisation observée et l’engouement à retirer leurs cartes d électeurs que le vote de ce jour, sauf extraordinaire, pourrait aboutir à l’avènement de la troisième république au Cameroun.
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