Les premières tentatives du président Talon sur le chantier de la révision de la constitution du Bénin ont échoué. Le projet revient cette fois-ci caché dans un dialogue politique. Mais l’intention est claire et bien perçue à travers la suite que le chef de l’Etat est en train de donner à son dialogue. Son parlement annonce déjà les couleurs.
Nul doute. Le dialogue politique initié par le président Talon les 10, 11 et 12 octobre 2019 va aboutir à la révision de la loi fondamentale du Bénin, à moins que le chef de l’Etat décide de ranger certaines recommandations de cette rencontre. Il s’agit de l’institution des élections générales par l’organisation en une même année des communales, des législatives et de la présidentielle –recommandation 3- et de l’introduction des dispositions discriminatoires dans le droit positif béninois favorisant une meilleure représentation du peuple par les femmes et du réajustement des sièges dans les circonscriptions électorales –recommandation 4-.
Le comité dit d’experts qu’il a choisis l’a précisé dans son rapport sur les mesures techniques de mise en œuvre desdites recommandations et l’a rappelé à la cérémonie de transmission du document vendredi 25 octobre dernier. «Au terme de ses travaux, il est apparu aux yeux du Comité d’experts que la mise en œuvre des mesures proposées nécessite la révision de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment en ses articles 26, 42, 50 et 80 », lit-on.
La vraie fausse aversion de Talon à la révision de la constitution
A la remise du rapport, le chef de l’Etat a fait croire qu’il ne veut plus vraiment de la révision de la constitution et qu’il aurait espéré « une habileté juridique qui nous éviterait une retouche » de cette loi pour la mise en œuvre des recommandations du dialogue. « J’ai désormais une certaine aversion pour cette question », avait-il déclaré. Au fond, est-ce vraiment d’une « aversion » il s’agit ? N’est-ce pas plutôt un changement de stratégie sur la question quand on le suit et à voir aussi la manière dont son comité d’experts à traiter ce point dans son rapport ?
Déjà, après avoir exprimé cette ‘’vive répugnance’’ sur la révision, le président de la République fait savoir qu’il voudrait que techniquement il lui soit dit que des moyens ont été trouvés pour préserver un acquis, celui de la limitation des mandats et de rassurer le peuple béninois que la modification ne va pas donner lieu à des interprétations dans le sens d’une nouvelle constitution et République. Dans ce cas, il serait partant pour ces moyens.
Leçon sue pour le comité d’experts
C’est justement les deux points sur lesquels le comité d’experts a fait deux recommandations spéciales. «En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels de sa vie» et « la présente modification constitutionnelle ne donne pas lieu à une nouvelle Constitution ni à une nouvelle République ». Le comité n’est pas allé au-delà, comme s’il fallait juste répondre à ces supposées inquiétudes du patron et lui donner la latitude de modification d’articles de la constitution.
En effet, rappelons-le, sur toutes les autres lois pour lesquelles une modification était nécessaire dans le but de prendre en compte les recommandations du dialogue, ce comité a proposé un nouveau texte, mais il n’a pas observé cette méthodologie quant à la révision de la constitution. On dira qu’il n’y a pas un spécialiste constitutionnel dans le comité. N’est-ce pas à dessin, toujours pour dissimuler l’idée de la révision.
Visiblement, ils – ces experts- étaient déjà dans le secret de l’élu de la République qui n’avoue plus publiquement son intention de toucher à la constitution et ne met pas un projet de texte sur table dans ce sens parce qu’il s’était heurté à la désapprobation du peuple béninois qui a la vraie aversion sur la question.
La stratégie de la souris
Il y a désormais un camouflage du projet de révision de la constitution. Il faut l’avouer, la nouvelle stratégie semble bien trouvée puisque que le président s’est donné les moyens d’un parlement constitué à 100% de ses députés en place depuis mai 2019. Il pourra trouver cette « habileté juridique » de faire passer son rêve constitutionnel par cette Assemblée.
D’ailleurs, à l’instant où nous mettons sous presse, nous apprenons que dix députés de cette assemblée demandent l’étude de la loi modificative de la constitution du 11 décembre 1990 en procédure d’urgence. Avant, le président de cette assemblée, Louis Vlavonou, avait déjà affirmé à la présidence de la République, sa disponibilité pour un traitement prompte des mesures du comité d’experts.
C’est bien cela la finalité du fameux dialogue politique. Sinon, que viennent chercher les questions comme la représentation des femmes – déjà agité dans l’ancien projet de révision- et l’alignement des élections dans un dialogue initié après une crise sociopolitique -tachetée de sang des Béninois- liée aux législatives d’avril 2019 et dont les sources n’ont rien à avoir avec ces points. Est-ce vraiment la crise que le président a voulu régler en initiant ce dialogue ou en profiter pour réaliser un rêve ? La question ne devrait plus se poser. La réponse est bien une évidence.
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