L’Association béninoise de droit constitutionnel (ABDC) présidée par le professeur Joël Aîvo organise un colloque international de deux jours sur les 30 ans de la conférence nationale des forces vivres du Bénin de février 1990. La cérémonie d’ouverture dudit colloque a été faite ce vendredi 28 février 2020 à l’hôtel Golden Tulip de Cotonou.
«La conférence nationale des forces vives: 30 ans après». C’est autour de ce thème que l’Association béninoise de droit constitutionnel (ABDC) a convié des membres des institutions de la République, des praticiens de droit d’ici et d’ailleurs, des parlementaires, des acteurs de la société civile, des acteurs de la conférence nationale de février 1990, des membres des juridictions constitutionnelles de pays étrangers et des experts étrangers et des membres d’organisations internationales.
Cet aéropage est invité à faire l’état des lieux des acquis démocratiques et à donner des bases nouvelles pour un meilleur essor démocratique. Et l’ABDC a choix le 28 février, date de la clôture de la conférence nationale d’il y a 30 ans, pour offrir cet outil d’évaluation du constitutionnalisme au Bénin et en Afrique en général. Le président de l’ABDC, Joël Aïvo a rappelé, lors de la cérémonie d’ouverture que le 28 février 1990, dans la matinée, les 493 délégués et au-delà d’eux, le peuple béninois ignorait quel sort le président Mathieu Kérékou réserverait aux conclusions de la Conférence nationale, «tant elles étaient pour la plupart courageuses, frondeuses voire, à bien des égards, radicales».
Car, la Conférence nationale avait décidé de remettre en cause le mandat des institutions en place. La 3ème Législature de l’Assemblée nationale révolutionnaire, installée le 31 juillet 1989, a été dissoute. Elle a remis en cause la légitimité du président Kérékou et l’a obligé à aller reconquérir le pouvoir suivant les lois de la démocratie.
Un contexte particulier
Selon le professeur, cette conférence n’a pas fait que traiter l’urgence. Certes, «elle a inventé un Etat conjoncturel, des institutions circonstancielles et trouvé des réponses d’urgence à la crise politique». Mais la Conférence a surtout posé les bases du Renouveau démocratique. A le croire, le Bénin «tient de la Conférence nationale la table des lois de la démocratie». Joël Aïvo estime que par les temps qui courent, «il faut avoir le courage d’assumer ses convictions démocratiques et de rappeler avec force que le principal héritage de la conférence nationale, c’est la démocratie».
Or, le colloque s’ouvre dans un contexte où certains notent un train de mesures et un vent de réformes visant à mettre de l’ordre dans la démocratie béninoise et d’autres constatent une démolition méthodique du modèle béninois et un détricotage des acquis de la Conférence. A l’évidence, il n’échappe à personne que «nous célébrons cet anniversaire au moment où le pays s’interroge sur son avenir politique et ses perspectives démocratiques». Et le professeur pense qu’au-delà de l’avis des experts et de la conviction intime des spécialistes, «les Béninois sont préoccupés par l’état de santé de leur démocratie. Ils assistent désabusés au déclassement de la Conférence nationale».
Le défi
Pour Joël Aïvo, l’œuvre humaine est précaire et la conquête de la démocratie une quête continue. Il soutient qu’en 30 ans, le Bénin a cru en son modèle et «nous avions la certitude, moi y compris, que nous avons enfin réussi à ériger des institutions capables de résister à toutes les intempéries, aux chocs et électrochocs de la vie politique». En 30 ans, «nous avons adopté une Constitution, doté le pays des lois essentielles, nous avons conçu les institutions et mis en place progressivement un système électoral consensuel qui nous a donné 4 Présidents de la République, 3 grandes alternances, 7 législatures, 3 élections municipales et communales, tout ça sans contestation préjudiciable à la stabilité du pays, à la paix et à l’unité nationale».
Mais, il fait noter une chose majeure à laquelle le Bénin a manqué d’accorder du prix. «En revanche, ce que nous avons manqué de faire ces 30 dernières années, c’est d’investir dans la formation, dans l’éducation, dans le civisme des hommes et des femmes appelés à prendre en charge cette démocratie», relève le président de l’ABDC. Il estime qu’en 30 ans «nous ne nous sommes pas suffisamment préoccupés des valeurs devant gouverner les citoyens appelés à appliquer ces lois et à animer ces institutions démocratiques». C’est, à son avis, ce que le Bénin n’a pas réussi à faire et qui expose sa démocratie aux turbulences.
Alors, «former et préparer les gouvernants de demain reste donc le principal défi des années à venir». Ce colloque qui prend fin demain samedi 29 février est riche de plusieurs communications dont celle inaugurale, «Que sont devenues les démocraties africaines 30 après?» a été présenté par Francis Akindès, professeur titulaire de Sociologie à l’Université Alasane Ouattara de Bouaké (Côte-d’Ivoire). Pierre Osho, ancien ministre d’Etat et ancien directeur de cabinet de Kérékou et Paulin Hountondji, professeur de Philosophie et ancien ministre de l’Education nationale ont fait des témoignages sur les assises de février 1990.
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