L’économiste togolais Kako Nubukpo s’invite dans le débat sur la dette africaine qui défraie actuellement la chronique sur le continent.Qu’il vous souvienne que c’est le ministre béninois des finances qui a allumé la première mèche en avouant son hostilité à une annulation ou un moratoire sur la dette africaine, dans une tribune publiée dans le magazine Jeune Afrique. Romuald Wadagni s’est plutôt montré favorable aux Droits de Tirage Spéciaux (DTS)) du FMI pour aider l’Afrique à faire face à la crise sanitaire actuelle. Son homologue du Sénégal, acquis à la cause d’une annulation de la dette africaine passera également par une tribune pour essayer de démonter point par point les arguments avancés par l’argentier béninois.
Il décortique les raisonnements des deux ministres
Sans prendre parti, Kako Nubukpo estime que les deux ministres des finances semblent opter pour deux niveaux distincts de l’analyse économique : le ministre béninois est clairement dans une logique microéconomique plus précisément dans l’économie du risque, de l’incertain et dans la théorie des jeux répétés. « Son raisonnement consiste à dire qu’une suspension ou une annulation de la dette africaine provoquerait dans le jeu répété qui a cours entre débiteurs et créanciers, une perte de confiance de ces derniers, engendrant une dégradation de la réputation et de la crédibilité des premiers, dont le coût cumulé sur une longue période sera plus élevé que le gain immédiat » explique l’ancien de l’Oif. Quant au ministre sénégalais des finances Abdoulaye Daouda Diallo, son raisonnement est d’emblée basé sur une approche macroéconomique selon M Nubukpo.
De l’avis du togolais, cette approche plus étatique est ciblée sur la nécessité d’obtenir des marges de manœuvres budgétaires additionnelles pour faire face à la pandémie du Covid-19. De ce point de vue, il élargit l’espace d’appréhension de la crédibilité du débiteur en mobilisant l’Etat sénégalais qui aurait « un profil d’émetteur souverain de référence ». Dans la mesure où en théorie, l’État est le meilleur débiteur par excellence car doté d’une durée de vie infinie, le tour est joué. En s’inscrivant au fond dans la nouvelle macroéconomie keynésienne, il pourrait revendiquer l’incomplétude et l’imperfection des marchés financiers pour justifier sur le plan pratique un moratoire ou même une annulation de la dette africaine.
Le reproche du togolais à Tidjane Thiam
Après avoir décortiqué le raisonnement des deux ministres des finances, l’ex directeur de la francophonie économique et numérique au sein de l’OIF fait remarquer que les personnalités n’ont pas parlé des causes structurelles des dettes africaines « notamment l’étroitesse de la base productive et l’absence d’une souveraineté monétaire pouvant permettre la monétisation de la dette à l’instar de la pratique actuelle de tous les pays riches et émergents de la planète ». Il s’emportera ensuite contre Tidjane Thiam, l’ex PDG du Crédit Suisse pour ses propos peu courtois quand il répondait au ministre béninois des finances sur la chaîne de télévision TV5 Afrique .
En effet, le franco-sénégalais avait laissé entendre que « personne n’oblige un Etat à accepter un moratoire ou une annulation de sa dette ». Pour Kako Nubukpo, « on a connu des technocrates plus respectueux des ministres et des chefs d’Etats en exercice… ».
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