Enseignement supérieur au Bénin : Comment des fonctionnaires ont coulé des EPES ?

Lors du lancement du Programme d’Actions du Gouvernement dès sa prise de fonction, le Chef de l’Etat avait dit en substance qu’après l’installation du Conseil National de l’Education (CNE), qu’il ne saurait plus que faire de ses ministres. Il croyait certainement si bien dire en lançant cette boutade, tellement il était convaincu du rôle cardinal voire suprématiste qu’il entendait faire jouer au CNE, nouvelle version telle qu’il l’avait imaginée. Mais comme le dit la Bible « les projets naissent dans le cœur des hommes, mais la réponse vient de la bouche de Dieu ».

Malheureusement, certains de ses ministres avaient leurs agendas personnels et tenaient certainement à marquer d’une pierre blanche leur passage à la tête du pan de l’éducation nationale à eux confié, au point de  confondre vitesse et précipitation dans la conduite de leurs réformes. C’était ce qui s’était passé au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS) entre octobre  2016 et juillet 2019.

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Ayant noté un ensemble de dysfonctionnements dans le management académique de certains établissements privés d’enseignement supérieur (EPES), en lieu et place des prises de sanctions imputables aux mis en cause identifiés, comme la justice recommande généralement, le MESRS avait préféré entre octobre 2016 et juillet 2019 entreprendre des réformes dans ce volet du sous- secteur privé de l’enseignement supérieur en ignorant royalement le suivi scrupuleux des règles de la démarche du changement comme cela se pratique sous d’autres cieux.

Cette réforme ainsi projetée prétendait :

  1. Assurer l’assainissement et l’autonomisation in fine des EPES en les soumettant à l’obtention des agréments et des homologations pour qu’ils délivrent eux-mêmes leurs diplômes ;
  2. Instituer pour une période transitoire de 3 ans (2016-2019) l’organisation des examens nationaux de Licences et de Masters exclusivement réservés aux étudiants des EPES afin de s’assurer du bon niveau des apprenants de ces institutions, le temps qu’après les homologations les EPES délivrent eux-mêmes leurs diplômes reconnus par l’Etat béninois.

Ce qui pendant plus de 38 mois, à travers les tintamarres des medias toutes chapelles confondues, sous la férule et la bannière de l’autorité publique apparaissait comme un assainissement, une opération mains propres destinée à améliorer les niveaux des diplômés des EPES, était en réalité une grande et  grave supercherie ayant non seulement obéré inutilement les finances publiques, mais mieux avait mis à genoux plusieurs établissements privés d’enseignement supérieur du Bénin.

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En fait, l’opération de charme destinée à attirer l’attention de la plus haute autorité du pays sur un chef d’œuvre dans l’enseignement supérieur, qui lui ferait vite oublier l’efficacité voulue pour son CNE nouvelle version, s’était très rapidement transformée en un vaste programme de prévarication et de rançonnement systématique des grandes écoles et universités privées, savamment et méthodiquement concoctée par un quarteron de fonctionnaires supposés être de grands patriotes aux titres universitaires ronflants mais malheureusement toxiques et corrompus jusqu’à la moelle épinière.  

Quels textes régulièrement appliqués par l’Etat béninois régissaient le fonctionnement des EPES avant l’entame desdites réformes ?

De 2001 à 2016, soit pendant quinze (14) ans, les EPES fonctionnaient grâce à l’application de plusieurs textes légaux dont particulièrement les décrets ci-après :

  • Décret N° 2001-161 du 3 mai 2001 fixant les conditions générales de création, d’ouverture d’extension, de transfert, de fonctionnement et de fermeture d’un établissement privé d’enseignement scolaire, universitaire, parascolaire, para universitaire ;
  • le décret n°2010-272 du 11 Juin 2010 portant adoption du système  Licence-Master-Doctorat (LMD) dans l’Enseignement Supérieur en République du Bénin ;
  • – le décret 2010-297 du 11 juin 2010 fixant les conditions de reconnaissance des diplômés délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national, qui a institué la co-signature avec l’Etat, des diplômes délivrés par les EPES.

Comment ces fonctionnaires vont-ils mettre en place leur stratégie de prévarication de l’Etat et de rançonnement des EPES ?

  • Avec la complicité de comparses du sous-secteur dont la protection et les avantages étaient précieusement garantis, sous le fallacieux prétexte de les assainir, de les rendre autonomes en accordant des subventions aux plus méritants d’entre eux, ces prétentieux sachants de la gouvernance de l’enseignement supérieur avaient comme une baguette magique, déclaré tous les EPES illégaux en mettant fin à la Co-signature de leurs diplômes avec l’Etat, en ternissant les images de certains d’entre eux et en exigeant d’eux des agréments et l’homologation de l’Etat, concepts aux contours flous et à géométries variables.

 Le fonctionnement d’une direction des services de l’Etat exigeant la maitrise de certains circuits et rouages administratifs, pour avoir déjà passé plusieurs années dans le MESRS à différents postes, ils étaient allés ressusciter le décret 2008-818 du 31 décembre 2008, portant ouverture, agrément et homologation des établissements privés d’enseignement supérieur. Il s’agit d’un décret jamais connu des EPES parce que jamais mis en application depuis sa sortie en 2008.

 C’est ce décret mis de côté pendant 6-8 années, qui était réchauffé pour jeter l’opprobre sur les EPES, les fragiliser et enfin les abattre en les déclarant illégaux pour enfin fermer un grand nombre d’entre eux en 2019, parce qu’ils n’auraient pas respecté les dispositions dudit décret. C’était comme si les prises des arrêtés d’applications des décrets relevaient de la compétence des promoteurs d’EPES.

L’obtention de l’Agrément

Pour démarrer le processus d’agrément, le ministère de l’enseignement supérieur avait  eu recours à l’Arrêté n°350/MESRS/CAB/DC/SGM/DGES/DEPES/SA du 31 juillet 2014 portant modalité d’application du décret n°2008-818 du 31 décembre 2008 fixant les conditions générales de création et les régimes de fonctionnement des établissements privés de l’Enseignement Supérieur.

Toutefois, la décision d’agrément s’était vite installée dans une zone de non droit, un véritable parcours de combattant pratiquement laissée à l’appréciation d’un seul individu, deus ex machina du système, et en fonction de la qualité de ses rapports privés avec les promoteurs d’EPES.  On a assisté à la mise en place de critères farfelus dont l’application varie d’un EPES à l’autre et d’un promoteur d’EPES à un autre. C’est ainsi qu’après moult péripéties avec souvent l’emploi de consultants identifiés par le même agent public en fonction et grassement payés par les EPES, 35 EPES auraient été agréés entre 2018 et 2019 sans qu’aucun arrêté ou décret ait matérialisé ce statut à eux conféré, mis à part la création d’une  plateforme whatsApp à eux spécialement réservée et principalement gérée par un tyran, peu importe la vie et l’avenir des 32 000 étudiants inscrits dans ces EPES. Evidemment habitué à mal se comporter en toute impunité dans les universités publiques où le mandarinat est source d’immunité éternelle et un parachute protecteur à vie, il semble qu’on peut faire tout ce que l’on veut avec les EPES sans être inquiété parce que la République est la chasse gardée des fonctionnaires.

A la date du 28 mai 2020 où dans tous les pays civilisés les grandes écoles privées sont sollicitées par des étudiants et parents pour la rentrée 2020-2021, au Bénin, aucun EPES du reste informellement agréé, n’a reçu son homologation et aucun des EPES anciens bénéficiaires de la co-signature ne peut délivrer de diplôme du système LMD. Voilà le résultat de l’assainissement et de l’autonomisation vendus à coût de milliards au trésor public béninois entre 2016 à 2019.

L’institution des examens nationaux de Licence et de Master

Pour obliger les EPES désormais déclarés illégaux à se soumettre à tous les matraquages ainsi qu’à l’omerta, les fonctionnaires du MESRS avaient foulé au pied les dispositions du décret n°2010-272 du 11 Juin 2010 portant adoption du Licence Master Doctorat (LMD) dans l’Enseignement Supérieur en République du Bénin, lequel LMD est fondé sur le système de Contrôle Continu des Connaissances assorti de stages réguliers en entreprise sans examens nationaux. Et pour terminer, ils ont battu en brèche voire violé les dispositions du décret 2010-297 du 11 juin 2010 fixant  les conditions de reconnaissance des diplômés délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national.

La parade trouvée pour cette forfaiture fut la prise du décret 2017-194 du 29 mars 2017  instituant de 2016 à 2019, les examens nationaux de Licence et de Master exclusivement réservés aux apprenants des EPES.

 Or, qui dit organisation des examens, source d’importants revenus pour des fonctionnaires, dit naturellement mobilisation d’importantes sommes d’argent du trésor public en indemnités, frais de missions, per diem pour séminaires ateliers d’harmonisation des curricula et des filières, préparation des épreuves, réalisation des examens, surveillances, correction, secrétariat, jurys etc…Les fonctionnaires du MESRS, spécialistes et chantres des examens,  se préoccupaient peu de la professionnalisation et de l’employabilité des diplômés. Il leur faut des examens, rien que des examens parce la non rentabilité du Brevet de Technicien Supérieur (BTS) sauvagement dissous par les mêmes hiérarques en 2017, constituait d’importants manques à gagner à l’alimentation des services des examens et concours et tous ceux invités à la généreuse table de cette éternelle mangeoire publique. 

Nonobstant les résultats élogieux obtenus pendant ces trois années par les étudiants de ces EPES, soit plus de 50% en moyenne, non inquiétée et attristée par le marasme financier et l’état comateux et humiliant dans lequel se trouvaient la plupart des EPES, pour continuer de gaspiller les ressources publiques en entretenant les fonctionnaires, l’autorité ministérielle initiatrice de la reforme souhaitait déjà en juin-juillet 2019 la reconduction desdits examens nationaux.

Les résultats des 3 années de reformes des EPES au MESRS d’octobre 2016 à juillet 2019

La légendaire navigation à vue, les intempestives improvisations, le flou artistique et juridique et surtout l’emprise de la prédation sur toute vertu sans oublier le terrorisme psychologique et autres manipulations auxquels étaient soumis des promoteurs d’EPES dans la conduite des réformes, avaient produit les résultats ci-après le 18 mai 2020 :

  • L’absence d’actes juridiques justifiant  les agréments et les homologations délivrés aux EPES pour leur permettre de se développer, de communiquer et de recruter des étudiants pour la prochaine rentrée;
  • La désertion des EPES par les jeunes bacheliers au profit des grandes écoles et universités publiques à cause de la mécompréhension  des examens nationaux par les parents et les étudiants. Ils préfèrent les universités publiques afin d’obtenir leurs diplômes immédiatement sans passer par la participation à un examen national discriminatoire ;
  • La souillure et la désacralisation des grandes écoles et universités privées ;
  • Le non-recrutement des apprenants des EPES dans la fonction publique ;
  • L’utilisation des examens nationaux comme moyen de concurrence déloyale par certains établissements publics à filières payantes qui, ont profitant de  la  participation de leurs enseignants des universités publiques aux sessions du Conseil Consultatif National de l’Enseignement Supérieur, s’informent  des filières porteuses offertes par les EPES, les dupliquent dans les grandes écoles et universités publiques.
  • le licenciement massif des employés avec une méfiance des apprenants et de leurs parents vis-à-vis des EPES ;
  •  Une paupérisation sans précédent s’est installée dans le sous-secteur de  l’enseignement supérieur privé.

Conclusion

L’impression qui se dégage de cette inédite et rocambolesque situation digne d’un film hollywoodien est qu’entre octobre 2016 et juillet 2019, plusieurs acteurs du MESRS, avec une arrogance inégalée doublée d’un narcissisme abyssal, ont trahi la confiance de la première autorité du pays en se servant d’une soit disant réforme des EPES qui jadis constituaient le sanctuaire de l’emploi dans le Secteur Privé, pour finalement  monter tout un puissant et vaste réseau de corruption sans atteindre aucun des objectifs annoncés.

 Cette démarche n’est pas loin de la construction d’un éléphant blanc dans l’enseignement supérieur.

Avec de tels méfaits et crimes grandement économiques commis dans l’impunité totale, comment anoblir l’éducation et construire l’avenir des futures générations avec le maintien en fonction de tels agents de l’Etat, prêts à souiller en permanence leurs toges d’enseignants titulaires des universités publiques parce que dépourvus de toute vertu, au moment où l’Etat, rationnalisant les dépenses publiques,  recherche ardemment des  investisseurs privés en éducation ?

Comment  le fabuleux Sèmè City précédé par une excellente réputation pourrait-il devenir contagieux et nourrir de sa sève vivifiante les autres pôles d’excellence et du Savoir du Bénin si de tels agents continuent d’anéantir le Secteur Privé de l’enseignement supérieur?

Attendons peut-être les promesses de la période post Covid 19 pour avoir les réponses porteuses des lendemains qui chantent. !

14 réponses

  1. Avatar de gombo
    gombo

    Tout ce que ces guignols et pieds nickeles touchent s’effondre…
    Des incapables qui declinent le mot reforme a toutes les sauces comme un talisman magique !

    Si la commercialisation de l’education devenue un business rentable dans un pays ou le taux d’alphabetisation est inferieur a 50% peut choquer, il est beaucoup plus choquant de voir les centres de formation publics ( ENAM et autres) facturer 300 mille a 1 million aux jeunes souhaitant poursuivre des Master…
    La segregation par l’argent est a l’oeuvre dans nos universite publiques et le pire est que la qualite de l’enseignement n’y est pas meilleur que dans les pires boites a BTS qui debitaient des diplomes a flots continus…
    L’education au Benin n’a pas besoin d’une armee de bureaucrates corrompus et incompetents, d’une enieme reforme, ou d’une commission aux objectifs flous.
    Elle a besoin d’abord et avant tout de financements publics de la maternelle au superieurs, de maitres competents integres, bien payes, et traites avec respect et dignite, toutes chose que les cancres au pouvoir ne peuvent assurer…

  2. Avatar de @@@@
    @@@@

    Honte à tous ces cadre si toutes les allégations portées contre eux s’avéraient une réalité.

  3. Avatar de CHOCO bèlè
    CHOCO bèlè

    Foo na souba , ok en dendi
    T’as pas compris, je te félicitais, contrairement à (@ @) le petit bougnoul

    1. Avatar de (@_@)
      (@_@)

      Hé ! Enfant de « John Doe » ! Toi aussi ! tu n’es pas obligé de montrer en public que tu es fils de « parti sans laisser d’adresse ». Ta maman a commis des erreurs de jeunesse, qu’elle a assez payé à élever un gars qui comprennent rien et qui font croire qu’elle a été négligente dans ses efforts pour l’élever.
      \\\\ ///
      (@_@)

      1. Avatar de (@_@)
        (@_@)

        « qui comprend… qui fait croire »

  4. Avatar de connardvirus
    connardvirus

    (@_@)
    Oui je peux comprendre que le sujet EPES soit un sujet très sensible en ce moment. Et pour cause?
    Ces petits marquis ont obligé par exemple Capo Chichi et son institut Cerco à trouver refuge au Nigéria pour le grand bonheur des nigérians quant on sait que cet institut au Bénin était reconnu pour former des informaticiens de qualité pour la région.
    Tant que la béninoiserie sera en oeuvre, j’ai bien peur que  »des lendemains ne chanteront pas ».

    1. Avatar de CHOCO bèlè
      CHOCO bèlè

      Et pourtant tu fais partie de ces Comte, Marquis et princes
      Le Marquis du HAUT KARAGBA

  5. Avatar de connardvirus
    connardvirus

    CHOCO bèlè
    Tu es con ou quoi ?
    J’essayais d’abonder dans le sens de cet article avec mes mots et tu viens m’agonir d’injures.
    Tu veux que je l’écrive en Fon ou en Dendi ?

    1. Avatar de (@_@)
      (@_@)

      Hum… c’est à mon tour de t’appeler au constat froid de la situation. Preuve s’il en est que l’école a du boulot au Bénin. Parce que le « choco je ne sais pas quoi… » n’est pas le seul auquel le sens du post – pourtant pro-régime – a échappé.
      Sur le sujet de l’école, il faudrait un consensus national pour en faire un sujet prioritaire et stratégique : même dans la partie de la population qui a eu la chance d’aller à l’école, la plupart ne bitte rien à ce qu’elle lit.
      \\\\ ///
      (@_@)

  6. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    « attirer l’attention……un chef d’œuvre » Là dessus, il n’y a pas d’autre mot à part « comment vautrer une réforme en 10 leçons ».
    Je pense que les fonctionnaires des ministères concernés et enseignants convaincus de pédophilie, vols, corruption, tricherie, etc… Devraient être systématiquement incarcérés, et n’alléger leur peine qu’en échange de cours d’alphabétisation donnés dans les prisons. Au moins, avec les « FATMA » là bas, ils joueraient à se faire des câlins et aideraient à leur réinsertion.
    \\\\ ///
    (@_@)

  7. Avatar de connardvirus
    connardvirus

    Non! essayez d’écrire un article de ce genre et vous m’en donnerez des nouvelles.
    J’ai mieux compris à travers cette tribune le comportement plus que douteux de certains fonctionnaires vis-à-vis des EPES.

    1. Avatar de CHOCO bèlè
      CHOCO bèlè

      un vrai peit conard qui comprend enfin ce dont souffrenr nos etablissement

  8. Avatar de GBAGBADE
    GBAGBADE

    Vous avez dit GBOGBANOU …

  9. Avatar de Joeleplombier
    Joeleplombier

    Allez-y comprendre quelque chose de ce charabia.
    Un désert de compétence disait l’autre.
    Toute cette page pour ça ??
    Quel gâchis littéraire et intellectuel
    Je passais
    Le Plombier

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