En tant qu’Africain, je sais que la relation au sexe (féminin ou masculin) est très erosée (eros) et sensualisée (sensuel). Elle demeure sans certaines barrières, sans retenue, sans répressions juridiques. Et le tout dans un système de tabou et d’omerta verrouillé à double tours. C’est ainsi, tout bien pesé, au Congo, au Cameroun, au Mali, au Togo, au Nigéria, en Côte d’Ivoire et au Bénin. Tous les maillons de la société béninoise sont concernés, la plupart des hommes, ainsi que les femmes, sont concernés par le déséquilibre des genres à des degrés différents.
L’anthropologie de la polygamie, la fécondité des maternités, la prééminence de l’homme sur la femme, l’insuffisance matérielle des femmes, les désavantages des femmes et les faiblesses humaines en la matière nourrissent fortement les abus et les crimes (le harcèlement, les attouchements etc). En Afrique noire, partant du paysan, de l’artisan, de l’ouvrier, du planton, de l’agent, du cadre moyen, de l’enseignant, du haut cadre, du religieux, du militaire, du policier, du magistrat, du chef d’entreprise, des acteurs politiques, des députés, des maires, des ministres, jusqu’au président de la République, personne n’est à l’abri. Très peu d’hommes sont innocents et défendables, à chacun de faire son examen de conscience et de se convertir. Dans bien des cas, certaines femmes peuvent harceler des hommes.
Imaginons tout ce qui se passe dans les villages, dans les maisons, dans les banlieues, dans les services, dans les entreprises, dans les bureaux, dans les ministères et les différents cabinets de responsables politiques. Légion sont ces filles et ces femmes qui ne peuvent rien dire, qui ne peuvent même pas porter plainte lorsqu’elles sont victimes d’abus. Ce n’est pas courant dans nos pratiques béninoises de porter plainte pour le harcèlement ou les attouchements ou la pédophilie. Les plaintes de viols sont certainement plus fréquentes. Notre société est encore très compacte à l’image des grappes de fruits du palmier à huile et nous n’avons pas une mentalité libre et légaliste comme dans les sociétés occidentales. Dans une société occidentale, on ne tient pas compte de la fragilité ou de la réputation de la plaignante. Seul le fait dénoncé compte : elle a dit non et le délinquant a continué. Et donc la « drague insistante » en face du refus d’une femme est un harcèlement. Toujours dans ces sociétés, la prostituée, protégée par la loi, peut porter plainte pour harcèlement, pour viol. Pour aller plus loin, dans un rapport lorsque la femme dit à un homme de se protéger et il insiste pour passer à l’acte sans le faire, il pose clairement un acte de viol. C’est la même qualification lorsque le partenaire refuse de se protéger au milieu de la relation à la grande frustration de sa partenaire du moment.
Par contre, dans la société béninoise, nous sommes loin de ces rigueurs juridiques en matière de crimes commis contre les femmes, ce qui fait de ce pays, sans exagérer, un « paradis ». Il faut le dire, il y a, au Bénin, beaucoup de drames qui doivent retenir l’attention du pouvoir judiciaire et législatif. Faisons les statistiques des filles mères et des femmes célibataires avec enfants, puis de tous les géniteurs qui abandonnent leurs enfants et les laissent pousser comme l’herbe. Quelle irresponsabilité, quel crime ! Il devrait y avoir une loi pour condamner les géniteurs irresponsables et fuyards qui ne contrôlent pas leur libido. Plusieurs détenus sont issus de ce fossé de sexualité non maitrisée. Personne ne naît avec la continence, la maitrise de soi, la retenue et le respect de l’autre adviennent avec l’éducation reçue en famille, doublée surtout de l’exemplarité des parents. L’exemple des parents, leur accompagnement et la commodité de vie des enfants et des adolescents constituent des atouts éducationnels pour les futurs adultes. Plus tard, il leur faudra des convictions personnelles et des principes pratiques de vie dans leur milieu social et professionnel. Il est vrai que, sans être péremptoire, le milieu socioprofessionnel béninois est moralement pourri depuis trop longtemps au dire des uns et des autres, et cette pourriture est entretenue par les pesanteurs sociologiques, le monde judiciaire et la sphère politique. A mon sens, la fin de l’impunité au Bénin n’est pas pour aujourd’hui. Je propose quelques moyens d’alerte discrète pour amorcer un travail de purification.
- Créer une direction nationale de répression des abus sexuels à la Police républicaine pour traquer les délinquants sur toute l’étendue du territoire national. Un service avec un personnel compétent, bien formé et avec les moyens requis.
- Créer un numéro vert pour recevoir de façon anonyme des plaintes (donner le lieu, préciser les faits et le nom du vicieux). Les enquêtes seront menées avec les poursuites judiciaires afférentes.
- Créer une liste rouge de délinquants au plan national, cela permettra de les surveiller et de disqualifier les cadres vicieux à l’occasion des nominations et pour quoi pas des différentes élections.
- Créer des cellules dans tous les ministères pour sensibiliser les hommes et accompagner les femmes.
- Assainir le monde éducatif de tous les ordres : l’équilibre doit devenir un critère essentiel d’habilitation au métier d’enseignant.
Ces différentes mesures vont constituer un bon point départ dans la lutte contre ces crimes et le changement du regard porté sur les femmes au Bénin. La femme n’est pas une manette de jeu, elle n’est pas un objet.
Sèvi HOUDJITON
Sociologue
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