(Les acteurs politiques maliens face à leurs responsabilités)
Déjà presque un mois que les militaires maliens, pour la plupart de hauts gradés de l’armée, ont perpétré leur putsch contre l’ineffable président IBK. Et c’est toujours le flou qui règne quant à la vision qu’ils ont de l’avenir de leur pays. D’un sommet de la Cedeao à l’autre, la situation du pays meurtri par plus de dix ans de guerre asymétrique contre les djihadistes reste toujours instable . Les militaires maliens semblent ‘’tiraillés’’ entre l’enclume que constituent les forces les plus radicales de l’opposition et le marteau du syndicat des chefs d’Etats de la Cedeao sous la houlette de Ouattara et de Alpha Condé
Le dernier sommet de la Cedeao curieusement très active depuis le coup de force des militaires maliens vient de s’achever à Accra avec la participation du chef de la junte, le très mystérieux colonel Assimi Goïta, 37 ans seulement. Et l’on ne semble pas toujours évoluer vers une solution même provisoire de sortie de crise. Le sommet de la Cedeao d’Accra a, dit-on , rejeté le calendrier proposé par le chef des putschistes de Bamako, au travers de la charte de la transition retenue au forceps après les assises houleuses censées régler le cadre de la transition vers un régime civil démocratique. Les chefs d’Etat exigent une période de transition d’au plus un an dirigée obligatoirement par des civils. Les militaires, aux dires des dirigeants de la Cedeao devraient se cantonner tout au plus dans les rôles mineurs ou retourner dans leurs casernes.
Pression inhabituellement forte de la Cedeao
Cette intransigeance de la Cedeao est inhabituelle. Qu’on se souvienne qu’à la prise de pouvoir dix ans plus tôt du petit capitaine Sanogo, l’organisation sous régionale avait été plus conciliante avec ce dernier .Avant de propulser au pouvoir le très débonnaire Dioncounda Traoré alors président de l’Assemblée nationale de l’époque , la Cedeao a en effet laissé le capitaine interprète anglais /français de l’armée malienne s’octroyer des avantages dus aux chefs d’état, se faire bombarder général, avant de fermer les yeux sur les meurtres perpétrés contre les bérets rouges ennemis intimes des auteurs du coup de force contre ATT’’ tous bérets verts’’ , à l’époque. Deux raisons expliquent cette intransigeance de la Cedeao . D’abord l’apparente absence de vision claire de ce que les putschistes voulaient faire du pouvoir qu’ils ont ramassé par terre, pour ainsi dire et surtout la peur des dirigeants au pouvoir dans la sous-région ouest africaine, Ouattara et Condé en tête, de l’effet domino que provoquerait l’exemple malien. En effet, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le putsch des militaires maliens a surpris ces derniers confrontés aux manifestations dans leur pays respectif contre leur volonté affichée de briguer un troisième mandat présidentiel jugé anticonstitutionnel.
A y voir de près , les sanctions contre les dirigeants maliens auteurs du putsch sont essentiellement l’œuvre des pays de l’Uemoa, qui ont une monnaie commune avec le Mali, épaulés en cela par le président de la commission Kassi Brou d’origne Ivoirienne qui a remplacé au pied levé feu Marcel de Souza jugé moins malléable. Les militaires maliens peu préparés à ce que serait l’après coup d’Eta semblent complètement déboussolés par les conséquences des sanctions .D’où la valse hésitation dont ils font preuve avec les allées et retours incessants du médiateur de la Cedeao ,l’ex Président nigérian Goodluck Jonathan qui semble avoir trouvé une occasion de redorer son blason après son passage plutôt mitigé à la tête du Nigéria. Or, les militaires maliens ont la chance d’avoir à leur côté le mouvement M5 qui a mené le combat contre IBk et qui recèle en son sein des leaders prêts à en finir avec le système de prédation de nos pays hérité des conférences nationales .Un système qui permet vaille que vaille des alternances au pouvoir mais qui ne débouche sur aucune alternative pour les populations de nos pays qui se sont appauvries au fil des années.
Les intérêts du peuple souverain du Mali ignorés
La déculottée subie par le chef de la junte à Accra devrait ouvrir les yeux aux putschistes et particulièrement aux dirigeants de la contestation malienne. C’est à eux de comprendre les vraies motivations du syndicat des chefs d’Etat de la Cedeao et mettre en avant les intérêts supérieurs de leur pays, le Mali .Les sanctions de l’organisation sous régionale sont le fait essentiellement des présidents Ouattara et Condé qui ont réussi à obtenir l’adhésion mitigée des présidents nigériens et sénégalais et la neutralité bienveillante des pays anglophones. La position radicale du nouveau président de la petite Guinée Bissau et de son homologue du Burkina qui auraient plaidé tous les deux en faveur des putschistes maliens n’a pas réussi à infléchir la position des partisans de la ligne dure contre les putschistes maliens.
Or le choix de la Cedeao pour une transition d’un an sans aucune garantie en faveur d’une gouvernance alternative risque de déboucher sur les mêmes problèmes qui ont fait tant de mal au Mali. Les atermoiements des putschistes maliens qui n’ont pas su ni voulu s’appuyer sur les forces d’opposition qui ont mené la fronde contre le Régime d’IBK expliquent l’enlisement actuel de la situation malienne. Ils ont encore le temps après ce fiasco d’Accra de reprendre langue avec ces dernières .Car, quand on a dans son pays un Imam aussi lucide et aussi modéré que Mahmoud Dicko qui a affiché plus d’une fois son désintérêt pour l’exercice du pouvoir et sa détermination à travailler pour les intérêts des seules populations démunies ,on prend le temps de s’asseoir à une table pour discuter avec lui et de taper du poing sur la table contre les ingérences extérieures visant à rétablir le statu quo ante. Pour une solution consensuelle favorable aux seuls intérêts du peuple malien.
Le Mali, le nouveau laboratoire de la démocratie en Afrique
On peut s’interroger à juste titre sur les motivations des putschistes maliens. Qui sont-ils en réalité et que veulent ils et qui les a poussés à perpétrer ce faux vrai coup d’Etat que la constitution malienne a jugé de crime imprescriptible ? Autant de questions que l’histoire se chargera d’élucider demain, tant il est vrai qu’il n’y a rien de caché sous le soleil. Cependant, la tâche qui incombe aux leaders maliens de toutes tendances aujourd’hui est historique .Si on s’en tient aux déclarations de Shogel Maiga , un des leaders de la contestation regroupés au sein du M5, le Mali était avant la chute de IBK à la veille de la victoire d’un mouvement insurrectionnel favorable à la destitution de ce dernier.
On sentait dans leurs déclarations et dans les mouvements de contestation qu’ils organisaient, la détermination d’en finir avec la gouvernance chaotique et désastreuse des gouvernements issus des conférences nationales dans leur pays. Mieux que les insurgés burkinabés de 2014 , les manifestants maliens semblaient favorables à ce nouvel ordre qui allait changer la gouvernance dans la partie francophone de notre sous-région. Les militaires semblent avoir mis un coup d’arrêt à cet élan. Il appartient aujourd’hui aux leaders du M5 et à d’autres de prouver leur légitimité en organisant la remobilisation générale des populations pour l’avènement de ce nouvel ordre qui effraie les leaders de la sous-région et leurs alliés extérieurs. Cela aurait l’avantage de mettre les putschistes au pied du mur. Et de mettre fin aux ingérences intempestives de la Cedeao dans leurs affaires.
Laisser un commentaire