Le débat sur les performances économiques du Bénin sous la gouvernance Talon est lancé par l’ancien premier ministre Lionel Zinsou. Dans sa sortie médiatique ce samedi 5 septembre 2020, le candidat malheureux à la présidentielle de 2016 a fait l’éloge de l’économie béninoise, qui selon lui, progresse ces cinq dernières années. «Je pense que c’est une économie qui progresse, qui progresse d’ailleurs très régulièrement depuis une quinzaine d’année », a apprécié l’économiste. Il trouve que «dans l’agriculture, le Bénin vient de faire une démonstration que personne n’attendait vraiment ».
Et pour Lionel Zinsou, «comme l’agriculture est le premier client, le premier fournisseur de tous les autres secteurs, ça a des effets d’entraînement qui ont d’ailleurs compensé en taux de croissance la fermeture nigériane des frontières ». Son analyse de l’économie béninoise a fait réagir bon nombre de Béninois. Constant Sinzogan relève que «ce n’est pas le coton la locomotive de l’économie béninoise, mais c’est bien les importations et le commerce ». Selon Maître Fatou Ousman, «c’est aussi pathétique que révoltant ». Pour sa part, Le politologue et consultant international, Richard Boni Ouorou conclut son analyse par ceci-ci «les Béninois qui ont rejeté la candidature de Lionel ont certainement vu loin ». Lisez l’intégralité des réactions de ces trois Béninois.
Réaction de Constant Sinzogan
«Zinsou, dites-vous ? Quand on est président d’une banque d’affaires et qu’on a déposé auprès d’un gouvernement une demande de licence d’implantation dans un pays, on est enclin à lécher les bottes à ce gouvernement. Il faut tout à fait inscrire les déclarations de Lionel Zinsou ce matin (ce samedi 5 septembre 2020, NDLR) dans cette logique opportuniste et intéressante. Pas plus. La Southernbridge bank a besoin de s’implanter au Bénin et s’impatiente de faire le pied de grue depuis lors. Son PDG, Zinsou se met alors à faire l’âne pour avoir du foin. C’est une posture humaine et presque normale pour quelqu’un qui a été fabusien, strausskhanien, juppéiste, sarkhoziste, hollandiste, et macroniste, passant d’une chapelle à l’autre sans état-d ‘âme, sans inconfort et sans regret. Passer du yayisme au talonnisme ne serait pour lui qu’une perle rajoutée à son long chapelet de transhumant impénitent. Il n’aura donc pas forcé sa nature.
Abordons le fond de la déclaration en elle-même. En filigrane, il déclare que le coton se porte bien et en conséquence l’économie béninoise se porte bien puisque l’économie béninoise est essentiellement nourrie par l’agriculture et le coton notamment. D’abord le raisonnement syllogiste est admis en philosophie mais en philosophie seulement. Il ne l’est pas en économie. Puisque en économie, il y a les effets et les contre-effets qui interfèrent entre le processus de production et le processus de sa transformation dans le cas d’espèce, on parlera du processus de la cession du coton brut. Et l’illustration en est qu’actuellement il y a des contre-effets dans la filière puisque les cours du coton sont en chute libre et les stocks sont en montagne dans les pays demandeurs. La production peut donc doubler si le prix a chuté de moitié par exemple, l’économie n’en sera que timidement impactée, d’où les limites du syllogisme en économie qui est un domaine porteur de plusieurs impondérables et d’agents capricieux.
Néanmoins, reprenons à notre compte son syllogisme pour en juger que dans le cas béninois, et contrairement à l’idée que le régime essaie de répandre comme une traînée de poudre, ce n’est pas le coton la locomotive de l’économie béninoise, mais c’est bien les importations et le commerce. Un seul chiffre pour s’en convaincre, au moment où les recettes à l’importation rapportent 310 milliards dans les caisses de l’État, les recettes à l’exportation, elles, ne rapportent que 9 milliards. La différence est abyssale et résume toute une hypocrisie de pensée qui met en pôle position le coton dans la hiérarchie des secteurs économiques. On va peut-être rétorquer que même si le coton ne contribue pas substantiellement aux recettes de l’Etat, néanmoins, il impacte vigoureusement le pouvoir d’achat et pèse lourdement dans la consommation en nourrissant des centaines de milliers de producteurs. Ceci serait vrai si les producteurs ne sont en réalité que des espèces de métayers aux mains de seigneurs du coton à qui tout l’argent retourne dans un jeu de passe-passe où ce sont encore eux qui vendent les intrants agricoles, le 1er poste de dépense de ces producteurs.
Et pour finir, si tant est que certains s’enthousiasment à brandir le propos de Zinsou comme une vérité de grande valeur, ils doivent aussi avoir le même crédit et la même considération pour son propos dans le passé dépeignant le Président Talon comme un « affairiste » qui a grugé son pays sans vergogne et traînant une ribambelle de dossiers devant les juridictions nationales. Les deux propos sont à prendre ensemble, ou à laisser ensemble. C’est à prendre ou à laisser, ensemble ».
Constant Sinzogan
Réaction de Maître Fatiou Ousman
« Bénin Les 50 nuances de Lionel!
Le jadis premier des ministres du Bénin et candidat malheureux à la présidentielle de 2016 a fait une sortie sur la santé de l’agriculture et de l’économie béninoises, saluant les performances et le travail des dirigeants actuels. La rupturosphère, qui est actuellement à bout de souffle, s’est évidemment emparée de ce coup de main inespéré pour se glorifier et vanter la gestion actuelle. Depuis ce matin, les réseaux sociaux bruissent de cette propagande en attendant une probable communication officielle gouvernementale, tant il est vrai que la décence a déserté le Forum. N’étant pas économiste, je me garderais bien d’aller chercher LZ (Lionel Zinsou, NDLR) sur ce terrain, l’excellent Constant Sinzogan ayant fait une critique calibrée, équilibrée et documentée de son intervention. Permettez-moi juste de nuancer un peu l’enthousiasme de la rupturosphère. L’économiste et banquier d’affaires se contente de saluer les statistiques et les chiffres économiques sans s’intéresser à la réalité socio-économique nationale.
Nous savons tous, à commencer par le préposé parlementaire Gbadamassi, que la richesse produite par la sueur des Béninois n’enrichit ni le pays ni les citoyens qui « ont faim » mais seraient heureux. Il est un secret de polichinelle que le coton et les autres secteurs agricoles cités sont « trustés » depuis bientôt 5 ans par quelques individus et leurs proches. C’est une situation de quasi-monopole qui est dénoncée depuis plusieurs années et qu’il faudra casser afin d’enclencher la redistribution de ces revenus aux béninois. Tant que les performances économiques n’impacteront pas le Quotidien des béninois, tout cela ne sera que statistiques et chiffres. De plus, au risque de décevoir les troupes rupturiennes en mal de soutien politique, LZ n’est plus un acteur politique depuis sa défaite en 2016 à la suite de laquelle il s’est volontairement mis en marge du débat politique au Bénin.
L’homme n’a d’ailleurs jamais été dans une logique d’opposition politique depuis les lendemains de la présidentielle de 2016. Qu’il vous souvienne qu’il se proposait même de se mettre à la disposition de Patrice Talon, si ce dernier le souhaitait (interview de 2017). Ce n’est donc pas un soutien nouveau ni Politique. LZ est manifestement enfermé dans une bulle crypto-personnelle située dans une autre dimension dont lui seul détient les codes. Il faut être particulièrement déconnecté de la réalité des béninois pour jouer à l’analyste objectif face à un régime qui saigne l’économie nationale et qui, à titre personnel, vous a broyé et humilié. C’est une erreur d’appréciation voire une faute politique… Mais il n’est pas politique. Cette prise de position ne devrait pas étonner. Il y en aura d’autres car le régime béninois ira chercher les soutiens d’ailleurs. Il ratissera large et prendra tout. Par ces alliances objectives et complicités passives, certains personnages de rang international apportent leur caution morale aux fossoyeurs de la république. C’est aussi pathétique que révoltant. C’est au peuple de prendre toute sa place dans la reconquête de son pays ».
#Bringbackmydemocracy
#Laluttecontinue
Fatiou Ousman.
Réaction de Richard Boni Ouorou
«Selon l’ancien premier ministre et banquier Lionel Zinsou, l’économie béninoise se porte bien parce que le secteur du coton fait de la croissance. Cette analyse est d’autant plus limitée, qu’elle considère que lorsqu’un secteur est en croissance, cette croissance produit des effets sur l’ensemble de l’économie. Cette affirmation sans nuance est porteuse de confusion et c’est peut-être ce que recherche son auteur. La croissance béninoise je le dis et le redirai, est sectorielle, non inclusive et est porteuse d’une grande pollution et d’une déstabilisation planifiée du pays. Mieux, elle n’a pas produit de l’emploi et la dette continue d’abattre une telle pression fiscale sur la tête des populations, que ça réduit la consommation et par conséquent réduit la somme des transactions. Je ne vois pas comment une économie peut-elle être prospère alors que les populations ne consomment pas ? Les Béninois qui ont rejeté la candidature de Lionel ont certainement vu loin. Dites à Lionel, qu’on peut être optimiste avec nuance.
Portez-vous bien ! »
Richard Boni Ouorou
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