Depuis janvier 2018, le gouvernement a suspendu la prise en charge des nouveaux malades d’insuffisance rénale chronique non agents permanents de l’État à l’unité de dialyse du Centre national hospitalier universitaire ( Cnhu) de Cotonou. Faute de moyens financiers, ces insuffisants rénaux meurent un à un comme dans un poulailler atteint par la grippe aviaire. En cause, une réforme mercantile du gouvernement de laisser les dépenses de prise en charge des dialysés sur le dos de l’hôpital.
Michel est enseignant de Français dans un collège de la place. Il souffre d’insuffisance rénale depuis près d’un an. Non pris en charge par l’État béninois, il a tiré la sonnette d’alarme sur une radio internationale pour supplier le gouvernement de son pays à lui venir à l’aide. « Je gagne combien pour supporter plus de 200000 de francs CFA par semaine ? Nous demandons au chef de l’État de nous venir en aide… », criait-il sur les médias. Pour défaut de moyens financiers, son cri de cœur n’a pas été entendu. Aujourd’hui, Michel ne vit plus comme d’autres qui étaient dans la même situation que lui. Selon les informations recoupées, plus de 200 dialysés sont déjà passés de vie à trépas.
Tous les jours, le nombre de décès dans le rang des dialysés, notamment les nouveaux cas non pris en charge, augmente à un rythme exponentiel au Centre national hospitalier universitaire de Cotonou. Serges Gbaguidi, secrétaire général de l’Association dialyse vie du Bénin, rencontré au Cnhu, a indiqué que la situation est incontrôlable chez les dialysés. « Depuis un certain temps, il n’y a plus de prise en charge pour les indigents, c’est-à-dire les non fonctionnaires depuis janvier 2018. Ils sont laissés à eux-mêmes, malgré le coût onéreux de l’opération de dialyse…. », a-t-il déclaré, avant de souligner que les indigents ne peuvent pas résister à la maladie sans être pris en charge par l’État qui évoque des problèmes de trésorerie pour justifier son acte.
« Nous avons droit à deux ou trois traitements par semaine. Au début, les nouveaux indigents suivent les soins. Par finir, leurs moyens s’amenuisent et ils disparaissent. On ne les voit plus. C’est de cette manière que nous comptons des morts dans nos rangs surtout les nouveaux dialysés non pris en charge. Selon nos chiffres, il y a plus de 200 morts dans nos rangs…. », a révélé Serges Gbaguidi. Poursuivant ses explications, il a souligné que les autorités sanitaires ont justifié leur décision par la nécessité d’opérer des réformes dans le milieu de la dialyse. « Selon leurs dires, c’est qu’il y a des réformes qu’on veut mettre en œuvre pour repartir de nouveau. Chaque fois qu’on leur écrit, ils évoquent des réformes. On ne saurait vraiment dire ce qu’ils sont en train de mijoter. Nous avons tout fait. Nous sommes allés jusqu’à leur proposer de faire au moins une dialyse par semaine à ces malades, le temps pour l’État de réfléchir sur les moyens à mettre en place pour contrôler la dialyse. Jusque-là, nous sommes sans solutions. Nous sommes livrés à nous-mêmes…. », a déploré Serges Gbaguidi.
Face à cette hécatombe et au coût très élevé de la dialyse, ce dernier implore la clémence du chef de l’État pour sauver ces vies en détresse. « La dialyse est onéreuse. D’abord, ce sont les médicaments, la radiographie et après la dialyse proprement dite. On vous branche au générateur et vous achetez les kits. Ce n’est pas facile. On dépense plus de 70000 francs par opération. Il en faut deux ou trois par semaine. Plus de 200000 francs par semaine. Or, au début, le malade gaspille assez d’argent avant d’être programmé pour la première dialyse. Nous supplions le chef de l’État pour qu’il jette un regard compatissant et affectif sur ces malades qui meurent chaque jour, pour défaut de prise en charge. L’heure est grave au Cnhu à la dialyse…. », a lancé Serges Gbaguidi.
Difficultés financières du Cnhu
Pourquoi le gouvernement béninois opte pour le renflouement de la caisse du Cnhu au niveau de la dialyse, alors que la Constitution stipule que la vie humaine est sacrée et inviolable ? Voilà une question que le commun des mortels se pose au regard de la mort en cascade chez les dialysés. Pour plus d’informations, le chef de l’unité de dialyse du Centre national hospitalier universitaire de Cotonou, le professeur Jacques Vigan, rencontré dans son bureau, a reconnu que la situation chez les dialysés est criarde. « Je fais régulièrement le point aux autorités hiérarchiques. Nous avons des difficultés financières pour supporter la prise en charge de la dialyse. Les kits que nous utilisons viennent d’Allemagne. Il faut de l’argent pour faire la commande… », a-t-il fait observer. Il a même brandi une décision de l’ancien régime qui n’indique pas clairement que la prise en charge de la dialyse même aux anciens malades est reconductible, chaque année. Pour palier cette crise sanitaire, Jacques Vigan propose aux uns et aux autres la prise d’une loi pour protéger les insuffisants rénaux au Bénin.
Pour sa part, Alexandre Sossou, directeur général du Cnhu de Cotonou, a regretté la crise chez les dialysés. Pour lui, la prise en charge de la dialyse décidée par les gouvernants coûte chère à la trésorerie de son hôpital. Selon ses révélations, l’État béninois a contracté des dettes qu’il n’a pas encore soldées envers le Cnhu qui a besoin d’argent pour faire face à la dialyse. « Au titre du premier semestre de l’année 2019, il y a près de 600 millions à payer par le ministère de la Santé au Cnhu pour le compte de la dialyse. C’est seulement 300 millions que nous avons reçu. Le second de l’année 2019, rien. Cette année, on nous doit plus d’un milliard pour le compte de la dialyse….. », a fait observer Alexandre Sossou. Pour les autorités, le Cnhu a assez de problèmes d’argent pour continuer la gratuité de la dialyse.
Vers l’aggravation de la situation
Les dialysés pris en charge par l’État pourraient eux aussi commencer par payer 20% des frais de leurs soins dans les mois à venir. Comment ? Le ministre de la Santé, en conseil des ministres, le 30 septembre dernier, a présenté un compte rendu de la gestion des évacuations sanitaires au Bénin vers l’extérieur entre 2018 et 2020. Selon le gouvernement, il en ressort que, grâce aux réformes effectuées et à l’implication de la cellule des voyages officiels, le point des montants engagés est de 15.138.460.445 francs CFA en 2015 dont 9.193.274.958 de francs CFA à 5.084.000.000 de francs CFA pour la période 2018-2020, de frais de transport compris. Prenant acte de ce compte rendu, le gouvernement a instruit le ministre de la Santé d’appliquer aux évacuations, le mécanisme de ticket modérateur de 20% actuellement appliqué dans le cadre de la prise en charge au niveau national pour les ayants-droit de l’État.
Par ce mécanisme, le conseil des ministres a souligné que tout bénéficiaire d’évaluation sanitaire dans les formations sanitaires nationales ou étrangères, bénéficiera d’une prise en charge par l’État, de 80% des frais à leur charge vers les hôpitaux d’accueil. Craignant la dégradation de leurs conditions de vie, le président de l’Association dialyse vie du Bénin, Edmond Amoussou, a adressé un recours gracieux au ministre de la Santé, le 19 novembre 2020. « Vu qu’aucun patient nanti qu’il soit ne peut prendre en charge la dialyse, car elle est trop onéreuse et que devant cette pathologie, tous les Béninois sont indigents, nous implorons votre indulgence afin qu’à l’élaboration des actes d’application de ladite décision, la dialyse soit exemptée…. », a-t-il écrit dans sa lettre avec espoir que leur cri de cœur soit entendu pour sauver des vies à l’unité de dialyse du Cnhu de Cotonou.
Partenariat LNT/OSIWA, Novembre 2020, Constantin Agbota
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