Face à la rareté des activités politiques – dont certains vivaient – les jeunes de Pobè s’occupent autrement. Beaucoup parmi eux ont jeté leur dévolu sur les jeux de hasard à la loterie et le petit commerce vers le géant de l’est. Ita-Pobè est un quartier de la commune de Pobè qui s’anime tous les jours. Déjà aux environs de 10 heures du matin, il est aisé de constater la déambulation de quelques jeunes préoccupés par la recherche de la pitance du jour.
C’est une scène quotidienne qui s’observe à Ita- Pobè avec la mobilisation des jeunes sur cette place publique. « …j’attends un frère chauffeur qui viendra me prendre avec son véhicule pour le Nigeria. Il m’a promis de me trouver du travail au Nigeria aujourd’hui pour des travaux champêtres. Lui, il est un habitué du Nigéria et je l’attends il viendra… », explique Toundé un jeune d’une vingtaine d’années rencontré à Ita- Pobè qui serait un apprenti mécanicien qui a abandonné son job pour se lancer dans cette aventure du Nigéria à cause de la pécune. Ce qui est surprenant dans les propos de Toundé c’est qu’il fait partie de cette couche juvénile qui court derrière le gain facile.
Puisque ce jeune affirme même que, autrefois à quelques semaines de l’élection présidentielle au Bénin, normalement c’est la période de vache à lait pour les jeunes. « Au temps du président Boni Yayi nous travaillons et nous gagnons beaucoup d’argent avec les hommes politiques. Maintenant sous l’ère du président Talon plus rien ne va. Les hommes politiques n’ont plus besoin de nous. Voilà que les fêtes de fin d’année approchent », nous confie le jeune Toundé. A l’approche d’une camionnette de couleur cendre, le jeune Toundé nous abandonne et saute dans le véhicule qui n’a même pas pris le soin de marquer un arrêt. Le voilà parti comme d’autres jeunes assis dans le même véhicule pour des aventures sans lendemain.
Un autre jeune debout devant la mosquée centrale de Ita- Pobè, qui se fait passer pour un chauffeur est un fin connaisseur du réseau du Nigéria. Il serait même un facilitateur. Approché, Nourou n’a pas voulu répondre à nos préoccupations. Quand il a su qu’il est en face des journalistes, il a eu la langue déliée et il s’est confié à nous. Dans ses propos, Nourou a expliqué que beaucoup de jeunes vont au Nigeria pour des travaux champêtres, pour constituer la main d’œuvre dans les champs de cacao, de palmiers à huile au Nigeria. Ils sollicitent aussi la main d’œuvre pour la plantation de tomates, de piments, de maïs.
« La plupart du temps, ils font deux cantines par jour et à la fin de l’année, les jeunes sont rémunérés. Ils gagnent environ 350.000 FCFA voire 400.000 FCFA ou bien ils reviennent à Pobè avec une moto bajaj… », déclare Nourou qui annonce que ce n’est pas seulement les jeunes hommes qui vont au Nigéria mais que les jeunes filles y vont également pour les travaux de maison appelés « vidomègon ».
Adjégunlè, un quartier qui mobilise les jeunes pour le Loto
Outre les activités commerciales orientées vers le Nigeria, les jeunes de Pobè, à défaut de mener des activités politiques en cette veille de l’élection présidentielle, avec des hommes politiques (parce que les activités politiques sont rares sur le terrain), les jeunes s’adonnent plus au jeu de Loto. Ils sont des dizaines à envahir quotidiennement le quartier Adjégunlè à Pobè pour faire des mises, à partir même déjà de 100Fcfa . Un tour effectué dans ce quartier dans la soirée permet de constater que les jeunes sont en animation. « Je vous jure avec ce jeu de Loto, les gens gagnent ici à Adjegunlè ici jusqu’à 125.000 Fcfa, voire 250.000 FCFA et parfois 500.000 FCFA. Des fois comme c’est une grosse somme les gens vont même à Porto-Novo pour aller retirer. Vous voyez que c’est mille fois mieux que les tracasseries de la politique… », croit savoir un responsable d’agence de Loto du quartier.
Il sera appuyé dans son témoignage par un jeune étudiant Dieudonné Hounton : « moi je suis intéressé par le jeu Paris foot et je fais mes mises. La dernière fois que j’ai misé c’est la semaine dernière. J’ai misé 100 FCFA et parmi les numéros choisis j’ai gagné 5000 Fcfa c’est ce qui m’a réjoui. Aussi ce sont des jeux qui vous attirent et parfois vous regrettez. Mais par moments j’y vais quand même…dans le plateau les gens gagnent correctement ». Un autre jeune Mathieu Olorinto donne ses appréciations entre faire la politique qui devient rare dans le plateau et se consacrer au Loto « je m’intéresse au Loto parce que ça me fait gagner de l’argent. Même si je ne gagne pas j’ai des amis avec qui je paris et ils gagnent. Les gens apprécient trop à Pobè ici, surtout là où il y a des kiosques de jeu de Loto. C’est un jeu de hasard mais quand la chance te sourit un jour tu es heureux ».
Il faut préciser que tous les jeunes de Pobè ne sont pas accrocs de jeu de Loto. D’autres jeunes de cette localité préfèrent s’occuper d’autres activités, même si ces activités ne leur procurent pas assez de revenus. C’est le cas de Sossès Adekambi, artiste musicien de Gospel qui nous affirme « …moi je n’ai jamais joué au jeu de la loterie nationale comme le font certains jeunes de Pobè. Ça ne m’intéresse pas ce jeu dit de Loto… », précise ce dernier qui ajoute que la plupart des jeunes aujourd’hui préfère le gain facile. Selon les propos du jeune artiste, les jeunes ne sont plus manipulés par les hommes politiques de Pobè puisque, eux-mêmes ne trouvent plus de facilité sous le régime de Talon. Alors que reste t-il à faire ? Chercher des opportunités plus aisées d’où ce qui se voit dans la ville de Pobè avec des jeunes qui se ruent vers le jeu de Loto.
Une dizaine de sites de jeux de Loto accueille les jeunes de Pobè
Plusieurs kiosques destinés à accueillir les jeux de Loto pullulent à Pobè et dans ses environs. En effet une dizaine de kiosques de Loto est répartie sur le territoire de Pobè. On en dénombre six à l’intérieur de la ville. Il s’agit notamment du kiosque du quartier Adjégunlè qui serait le plus animé dans la ville. Des dizaines de jeunes y affluent. Le kiosque du quartier château accueille aussi beaucoup de jeunes qui viennent faire des paris. Il y a également le kiosque de Oké-ola, celui du centre de Pobè, celui en face du Carder-Pobè. Outre ces kiosques qui accueillent les jeunes parieurs de Loto, un tour effectué à Ikpinlè et à Adja-Ouèrè nous a permis de constater une affluence de jeunes dans certains kiosques de Loto, même si la mobilisation n’est pas à la hauteur celle constatée dans la ville de Pobè. Mathieu Farina, un jeune de Ikpinlè n’entend pas relâcher cette opportunité que lui offre la loterie nationale. C’est une opportunité plus avantageuse même que les activités de sous traitance politique.
Paulin Dossouvi, Partenariat Osiwa-Lnt
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