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(ENQUETE) Sécurisation de l’état-civil à Bohicon : Population et administration complices de la lenteur

Image d'illustration : DR

Au Bénin, l’état-civil laisse à désirer. A l’instar de plusieurs communes, Bohicon n’offre pas un meilleur exemple. La lenteur administrative ajoutée à la négligence des populations n’offrent pas un meilleur service d’état civil. Pourtant, la loi encadre le secteur et réprime les contrevenants à certaines de ses dispositions.   

Modeste, conducteur de taxi-moto réside à Lissèzoun dans le 6ème arrondissement de la commune de Bohicon a manqué de déclarer son fils à sa naissance. A la présentation de ce dernier à l’examen du certificat d’études primaire,il lui a fallu recourir à un jugement supplétif par la tenue d’une audience au tribunal d’Abomey pour défaut d’acte de naissance. Il en garde un triste souvenir, fait-il savoir. A l’instar de ce trentenaire, beaucoup manquent à ce devoir républicain celui d’offrir à chaque nouveau-né, la première pièce d’état-civil qu’est l’acte de naissance carl’acte d’état civil constitue un droit inaliénable de la personne humaine.

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Or, le Bénin distingue essentiellement trois sortes d’actes d’état-civil à savoir : l’acte de naissance, l’acte de mariage et l’acte de décès. Souvent des pratiques douteuses s’observent dans la délivrance de ces actes qui mettent à mal leur sécurisation. Beaucoup de faits d’état-civil passent imperceptibles à l’agent d’état-civil et sont souvent dus à l’analphabétisme des populations et le manque de moyens pour faire face aux frais d’hôpitaux. Sur la qualité du traitement des actes, le chef service état-civil des affaires sociales de la mairie de Bohicon, Constant Agbo fait savoir que le vrai problème a trait à l’absence de prénoms des enfants dès la naissance à la maternité.

« La lenteur administrative est souvent due à une pénurie de registre qui sert à transcrire les fiches de naissance qui doivent être paraphées par le tribunal avant leur utilisation. Ce qui prend un peu de temps où parfois c’est du côté de la mairie où les commandes ne sont pas faites dans les règles de l’art. Face à ces difficultés, les usagers des services d’état-civil perdent non seulement en termes de moyens financiers mais aussi en temps », nous a confié Constant Agbo.

Le rôle des centres de santé…

Dans les centres de santé, l’absence de prénom sur les fiches de naissance ralentit les travaux. Pour Hermine Adjatan épouse Fandohan, sage-femme responsable de la maternité de Bohicon 2, « normalement juste après l’accouchement le parent doit donner un prénom à son enfant et la sage-femme doit l’enregistrer sur la fiche de naissance mais il s’est fait que les parents viennent accoucher sans donner le prénom et nous attendons au plus deux semaines et nous convoyons ces fiches vers l’arrondissement ». Même réaction avec Chimène Zodéhougan, sage-femme au centre de santé de Kpassagon, qui nous a confié qu’il leur est difficile de transcrire les fiches de naissance sans pouvoir mettre les prénoms des enfants. « Malgré que des rendez-vous soient donnés aux femmes pour qu’elles viennent avec ces prénoms le jour de vaccination, elles oublient. Cependant,  Au cours de la transcription, nous mettons les numéros de téléphones des parents sur les fiches de naissance pour qu’une fois à l’arrondissement, les secrétaires d’arrondissement puissent mettre sur la plateforme RapidPro», a-t-elle indiqué.

La thérapie « RapidPro »…

RapidPro est une plateforme d’enregistrement systématique des naissances. Le mode de fonctionnement consiste à ce que par un simple message gratuit envoyé au numéro 132, un parent peut déclarer la naissance de son enfant mais aussi recevoir un message pour aller retirer l’acte de naissance de son enfant.

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Les efforts de Gnidjazoun…

Un peu plus loin, les choses semblent bien se dérouler dans l’arrondissement de Gnidjazoun à Bohicon où Eusèbe Nonwazoubou, est le chef de l’arrondissement. Ici, les agents au service d’état-civil sont formés et savent les risques liés à un mauvais traitement, a réagi le secrétaire administratif à notre arrivée.  « Les choses se font de manière décentralisée pour que les actes d’état-civil soient dans de bonnes mains. Au niveau de mon arrondissement dès lorsque la fiche de naissance arrive et que la secrétaire chargée de la transcription finit son travail, je la signe et le jour-là même, le parent peut passer retirer le volet n°1. Il y a une étroite collaboration entre l’arrondissement et le centre de santé pour que sur une période de deux semaines, les parents puissent venir chercher les actes », a rassuré Eusèbe Nonwazoubou, chef du conseil d’arrondissement de Gnidjazoun.

Selon nos informations, un conseil d’arrondissement élargi aux conseillers communaux a eu lieu récemment où il a été suffisamment rappelé la nécessité de sensibiliser la population pour une sortie massive dans le cadre de retrait des actes de naissances  de 2020 avant le 31 décembre 2020, délai au-delà duquel, les registres seront transmis à la mairie. « Le gap est comblé par la mairie grâce à qui nous avons des stagiaires qui assurent la transcription des fiches », se réjouit Eusèbe Nonwazoubou.

Nous avons rencontré dame Adjouavi mardi 24 novembre dernier dans les locaux de l’arrondissement de Saclo. L’acte de naissance de son deuxième enfant, né il y a deux mois est truffé d’erreurs. « C’est la faute aux agents », déplore-t-elle dans un vacarme assourdissant. Elle devra faire recours au tribunal d’Abomey qui pourra l’aider à corriger l’acte erroné.

Les dispositions légales…

De nos investigations, il ressort que les parents disposent de 21 jours après la naissance, pour le retrait du volet n°1 de leurs enfants. En ce qui concerne les éventuelles corrections à apporter, c’est le tribunal territorialement compétent qui arbitre en cas d’erreur dûment constatée.

Fini la lenteur administrative…

« Dans notre zone, il y avait des chefs d’arrondissements qui ont omis de signer des registres. Or, la loi n’autorise pas les CA en fonction à signer ces actes. Le maire a demandé à ce qu’un recensement de ces cas soit fait. Les dossiers ont été envoyés au tribunal pour qu’une ordonnance soit délivrée au maire pour la signature de ces actes. Les juges vont descendre sur le terrain et faire l’audience foraine, ce qui pourra prendre assez de temps », a réagi Amadou Avogbé, agent  de la section état civil à la mairie de Bohicon. La lenteur principale, c’est le paraphe des registres. C’était dû au manque de personnel dans les tribunaux. Dans les arrondissements, les registres paraphés et codés sont désormais disponibles.

Sécurisation de l’état-civil…

L’état central a pris à bras le corps la sécurisation de l’état civil dans la commune de Bohicon. Dans les 10 arrondissements de la ville carrefour, l’état-civil est  centralisé à la mairie. Des agents avaient été envoyés pour archiver toutes les données, gage d’une sécurité relative. En cas d’erreur, on vérifie l’écriture de l’agent de l’état-civil. L’Union Européenne à travers le projet de dynamisation des services communaux pour le développement économique inclusif a financé quelques travaux pour faciliter l’accès facile au service d’état-civil dans la commune de Bohicon. Pour Emmanuel Assimada, chef du projet, des équipements informatiques ont été acquis  pour équiper les arrondissements de Bohicon, sans oublier le guichet unique de la commune ainsi que des armoires métalliques pour bien classer et sécuriser les registres de naissance. Des rampes d’accès pour les personnes à motricité réduite pour leur faciliter la tâche ont été aussi construites.

Nécessité de réformer l’état-civil…

Face à ces lacunes relevées au niveau du système de l’état-civil et qui sont bien connues des autorités centrales, de profondes réformes pourraient être envisagées dont entre autre l’instauration d’une stratégie à motiver les populations sur l’état-civil et la formation du personnel d’encadrement et d’exécution.

Le maire de Bohicon Rufino d’Almeida a initié en septembre dernier, la semaine de l’état civil. Une initiative qui vise à rendre les différents actes de l’état civil aux ayants droits. La journée porte-ouverte a permis aux populations d’entrer en possession des différents actes de l’état civil qui sont restés sans signature un peu plus de 10 ans par le passé dans les tiroirs de la mairie. Par ailleurs, le Bénin dispose d’une loi portant autorisation d’enregistrement à titre dérogatoire à l’état civil.

Jacob Anani, Partenariat Nouvelle Tribune/OSIWA

Une réponse

  1. Avatar de The Atlantean
    The Atlantean

    Là où le vent de la corruption souffle , tout s’arrête de fonctionner à point battant pour les citoyens , tout marche au ralenti, et c’est bien ce qui qui se passe à Bohicon. Les élus et non élus sont tous complices. Sale boulot!

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