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(ENQUETE) Utilisation des pesticides dans la production du coton : De graves menaces pour les producteurs

A l’instar des médicaments pour l’organisme humain, les pesticides permettent d‘obtenir de bon rendement de la production cotonnière, mais leur usage accru met en péril la santé des hommes et constituent une sérieuse menace pour l’environnement. Dans plusieurs communes productrices les conséquences de l’utilisation de ces pesticides sur l’environnement et sur les hommes sont légion. 

« En 2016, dans un village de l’arrondissement de Bagou, à Gogounou, il y a trois membres d’une famille qui ont rendu l’âme, après avoir consommé la pâte de maïs dont la farine a été conservée dans un emballage de pesticides », rapporte S. Bio, membre d’une Coopérative villageoise des producteurs de coton de la commune de Gogounou. Au même moment, informe Worou Jean, un agent du Carder à la retraite, Banikoara voit ses terres en proie à une dégradation avancée et son cheptel, en train de se décimer progressivement. Telles sont les conséquences désastreuses de l’utilisation abusive et non maîtrisée des pesticides dans les communes où, la production du coton se fait à grande échelle. 

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Producteur de coton dans l’arrondissement de Sori, commune de Gogounou, Gounou Abdoulaye, reconnaît que l’utilisation des pesticides a une action néfaste sur la santé humaine et l’environnement. Selon lui, c’est le souci de réaliser de grandes emblavures qui fait qu’ils leur font recourt. Il fait constater que les sols qui se dégradent après 4 ans de culture, le sont 2 ans un peu plus tôt et deviennent même sablonneux, avec les pesticides. « De nombreuses parcelles cultivables connaissent cette dégradation accélérée dans la commune de Gogounou », a-t-il précisé. Par ailleurs, du fait de ces pesticides également, de nombreuses espèces animales et certaines plantes, s’ils n’ont pas déjà disparu, ne sont plus à l’abri. « Il  y a assez de plantes qu’on ne retrouve plus, de même que certaines espèces animales à cause des pesticides. Juste après la récolte du coton, on constate que les bêtes qui viennent brouter dans les champs, finissent par contracter la diarrhée. Après leur abattage, on remarque que leurs poumons sont infectés », informe-t-il tout en faisant remarquer que des maux de tête, le rhume et la fièvre sont ressentis par les producteurs après la pulvérisation des pesticides dans les champs. 

Les pesticides provisoirement autorisés au Bénin

Mohamed Nasser Baco, professeur titulaire du Cames, Agro-sociologie, Sociologie de l’Environnement et directeur du Laboratoire Société-Environnement (LaSEn) à l’Université de Parakou a confié qu’il existe une liste de pesticides homologués ou autorisés provisoirement au Bénin. Mais il nuance pour faire observer que des études ont révélé que seulement 29 % des herbicides et 33 % des insecticides utilisés par les producteurs dans la culture du coton au Bénin sont homologués ou autorisés provisoirement au Bénin. Pour les herbicides autorisés, il s’agit de Glycel ; Kalach EXTRA 70 ; Garyl ; CAlifor G, tandis que pour les insecticides, il y a Ema ; Kinikini ; Nurelle ; Thunder ; Tihan selon CNAC Janvier 2012. Ainsi donc, chaque année des milliers de litres de pesticides sont stockés, puis pulvérisés par les producteurs, sans un minimum de précautions pour éviter les risques de contamination. A cela s’ajoute, le fait que les doses de pesticides utilisées par hectare augmentent au fur et à mesure que les champs sont proches des points d’eau. La gestion et l’utilisation très peu rigoureuses des pesticides constituent une menace pour la biodiversité, les écosystèmes naturels et la santé des producteurs et des consommateurs, a précisé la même source. 

Les impacts négatifs des pesticides

Le professeur Mohamed Nasser Baco estime qu’il y a de risques liés à la manipulation des pesticides pour le producteur. La santé des utilisateurs semble aussi menacée du fait que la majorité des producteurs néglige la protection comme l’ont révélé Nicourt et Girault (2009). « En réalité, ces produits inhalés, même à des doses inférieures à celles qui sont employées en agriculture, tueraient en grande proportion les cellules placentaires humaines après 18 heures, pour le cas de glyphosate (Richard et al., 2005). L’exposition des acteurs aux pesticides pourrait susciter la manifestation de certaines maladies qui étaient récessives chez l’utilisateur. « C’est ainsi que le risque de développer la maladie de Parkinson est multiplié par 1,9 quand on est exposé aux pesticides chimiques », a-t-il précisé.

Les pesticides agissent négativement sur le sol, l’eau et l’air a également reconnu Mohamed Nasser Baco. D’abord, les pesticides conditionnent la persistance et la dispersion des sols vers d’autres compartiments de l’environnement. Le stockage des pesticides dans le sol entraine la pollution des eaux souterraines si ces derniers sont persistants et quelque peu mobiles, même la position centrale du sol lui permet d’éliminer, de diminuer ou de retarder l’impact des pesticides sur les différentes cibles. Ensuite, pour l’agrosociologue,la contamination initiale des eaux par les pesticides se produit à l’échelle des parcelles agricoles suite à l’épandage des substances phytosanitaires. « L’eau peut entraîner la dispersion des pesticides dans le milieu par lavage des feuilles, ruissellement et lixiviation. Le ruissellement contribue à la pollution des eaux de surface tandis que la lixiviation contribue surtout à celle des eaux profondes », a-t-il poursuivi. Enfin, «les pesticides entrent en contact avec l’atmosphère durant leur application par les phénomènes de volatilisation, de photolyse avec l’oxyde d’hydrogène atmosphérique et par l’effet du vent. Le terme de « volatilisation » comprend tous les processus physico-chimiques de transfert des composés du sol ou des plantes vers l’atmosphère », a expliqué Professeur Mohamed Nasser Baco. C’est l’une des principales causes de fuites de pesticides hors de la zone cible, notamment quand les traitements visent la surface du sol ou celle des végétaux, a-t-il précisé, indiquant que le transfert des pesticides dans l’air varie de 25 à 75% selon plusieurs facteurs telles que la nature du produit, les modes d’utilisation, la nature des sols et la climatologie. Ce qui entraine comme conséquence pour l’atmosphère la pollution des écosystèmes terrestre et aquatique. 

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Lafia Abdel Aziz, Superviseur ProSol (Projet de protection et de réhabilitation des sols dégradés pour améliorer la sécurité alimentaire) intervenant dans la commune de Gogounou pour le compte de SERABE ONG, a déclaré que « les pesticides en tant que produits ou substances utilisés comme intrants pour lutter contre les êtres vivants, animaux ou végétaux qui sont nuisibles à la santé du sol, des plantes ou de l’environnement polluent l’environnement et modifient la nature du sol, s’ils sont utilisés de façon incontrôlée et c’est le cas dans la commune de Gogounou avec la perte d’équilibre du sol au niveau de ces minéraux, ce qui induit un effet négatif sur le développement des cultures ». 

Sur le plan sanitaire, il a indiqué que « les pesticides sont à l’origine de plusieurs pathologies telles que le cancer, des malformations du fœtus chez les femmes enceintes ». Le spécialiste de la protection du sol fait savoir que l’eau de ruissellement draine souvent les déchets vers les rivières en plus de ce que les bidons et cartons de pesticides sont nettoyés dans les rivières, or l’eau des rivières ainsi polluée est utilisée comme eau de boisson et pour d’autres besoins par les populations. Cette eau est la cause de nombreuses maladies, parfois avec de graves complications. Il dénonce par ailleurs, la mauvaise gestion des emballages des pesticides par les producteurs qui ne mesurent toujours pas les dangers auxquels, ils s’exposent. « La biodiversité fait les frais de l’utilisation des pesticides. En témoigne la disparition de certains êtres vivants comme les papillons, les abeilles qui sont importants pour l’écosystème et qui collaborent avec les plants qui sont devenus très rares actuellement à Gogounou et dans toutes les autres communes productrices de coton. Ce qui impacte négativement sur la productivité des exploitations agricoles », relève Lafia Abdel Aziz. 

Le professeur Mohamed Nasser Baco reconnait également la dangerosité des pesticides chimiques pour les organismes non-cibles du cotonnier. Notamment de la biodiversité des sols agricoles telle que les espèces pollinisatrices, les auxiliaires biologiques, les organismes du sol, ainsi que les mammifères, la flore sauvage et commensale et les animaux domestiques. Les effets indirects des traitements phytosanitaires sont ressentis notamment sur les oiseaux, les organismes aquatiques, les abeilles, les organismes auxiliaires.Des études comme celles de Mahaut et al. (2001), ont montré que l’emploi massif de pesticides conduit généralement à la diminution des effectifs d’insectes.

Les zones les plus touchées

L’ampleur des impacts de l’utilisation des pesticides n’est pas la même au niveau des communes productrices. « En se basant sur les superficies et les productions cotonnières par communes, les trois premières communes les plus touchées par les impacts des pesticides sont Banikoara, Kérou et Kalalé », a déclaré Mohamed Nasser Baco. 

Tableau 1: Place du département Alibori en production cotonnière (en tonne) ces 8 dernières années

2000-20012001-20022002-20032003-20042004-20052005-20062006-20072007-2008
Bénin33626841 403334028332446426251190481240415268627
Alibori-Borgou189576255135226040240207307252146358159971193540
Pourcentages56,3861,4267,6772,2572,0876,8466,5472,05

Source : AIC, 2008

Les affections ressenties par les producteurs 

Gounou Abdoulaye  reconnait que les producteurs ne se protègent pas pendant l’utilisation des pesticides. Ce qui les expose aux différentes affections. Le même constat a été fait par Lafia Abdel Aziz qui a indiqué que la grande majorité des producteurs reconnaissent avoir ressenti  des irritations cutanées, la toux, des céphalées, des nausées, des affections oculaires, et même des vertiges lorsque le producteur reçoit une dose importante du produit entraînée par le vent, au niveau du visage. 

Les recommandations

L’État doit initier des programmes de sensibilisation à l’endroit des producteurs, par rapport à une gestion plus rigoureuse des pesticides. « Faire la promotion des traitements phytosanitaire, c’est pour pouvoir ramener ces êtres vivants que nous pensons inutiles à première vue, alors qu’ils ont un rôle à jouer dans l’écosystème. Ils sont à la base des fluctuations de nos plants. Nous avons alors un grand intérêt à sauvegarder ces êtres vivants afin d’avoir un bon rendement. Il faut encourager les traitements bios, c’est-à-dire phytosanitaires afin de conserver l’écosystème. Au regard des dégâts des pesticides sur l’homme et l’environnement, les producteurs doivent recourir à la culture, selon les bonnes pratiques comme par exemple l’utilisation de l’engrais vert, les traitements phytosanitaires pour avoir des produits très sains pour notre santé », conseille le spécialiste de la protection et de la restauration des sols. 

Max Codjo, Partenariat LNT / OSIWA

2 réponses

  1. Avatar de OLLA OUMAR
    OLLA OUMAR

    Lidiotducoin , ton post ironique est bien apprécié ; j’adore

  2. Avatar de Lidiotducoin
    Lidiotducoin

    Ce n’est pas grave…. Tant que cela permet à notre bien-aimé Président qui adore faire fortune avec tout ce qui est BLANC de s’enrichir à outrance….
    Sa vocation actuelle est d’être un jour Le Plus Riche du Cimetière… Mais malheureusement il sera le plus démuni de l’au-delà

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