A moins de deux jours de l’ouverture de la campagne électorale et à 17 jours du premier tour de l’élection présidentielle au Bénin, l’administrateur du programme de gouvernance politique de OSIWA, Mathias Hounkpè s’est prononcé, ce jeudi 25 mars 2021 sur RFI, sur le processus électoral en cours. Il a réagi sur l’absence de l’opposition à cette élection, sur les raisons qui confortent la crainte de certains de voir une nouvelle modification de la constitution béninoise pour un troisième mandat.
«Oui, je suis de ceux qui pensent que ces élections sont vraiment comme du Talon contre Talon », a lancé le politologue Mathias Hounkpè, l’invité de RFI ce jeudi 25 mars 2021. Il justifie sa position par le fait que « l’un des critères de validation des candidatures à la présidentielle au Bénin, c’est le fait d’être sponsorisé par au moins 16 parrains ». Et «les parrains dans la quasi-totalité sont détenus par deux partis politiques soutenant le chef de l’Etat ». Pour lui, cela veut dire que ces deux autres duos que sont Alassane Soumanou-Paul Hounkpè et Corentin Kohoué-Iréné Agossa «n’ont été candidats que parce que les partis politiques qui soutiennent le chef de l’Etat l’ont voulu ». Car, il estime qu’« on ne peut pas, de façon rationnelle, allez soutenir des candidats qu’on considère comme crédibles et ayant véritablement des chances de gagner les élections contre soi-même ». Il poursuit en affirmant «pour moi, ces élections ne sont pas ouvertes et ne sont pas inclusives ». Il pense que l’absence de l’opposition pour cette élection crée beaucoup de tension sur le terrain. La preuve, «même s’il est vrai qu’habituellement on déploie les forces de sécurité pour la sécurisation de tous nos processus électoraux, cette fois-ci, tout le monde voit qu’il y a comme le souci de prévenir des tensions ».
Faut-il craindre les violences de 2019 ?
Il est difficile pour Mathias Hounkpè de dire qu’on a les mêmes risques de violences que ceux qu’on a connu lors des législatives de 2019. Mais ce qui est sûr, «il y a beaucoup de forces qui menacent de commencer des manifestations même à partir du 6 avril ». Car, selon lui, il y a une autre question qui est source de tensions politiques au Bénin aujourd’hui. «C’est le fait qu’on a dû rallonger la durée du mandat du président de la République de 47 jours », relève-t-il. A l’en croire, certains pensent qu’à partir du 6 avril, le chef de l’Etat «ne devrait plus être président de la République et qu’ils vont commencer des manifestations ».
De la crainte d’une nouvelle modification de la constitution
Concernant la crainte de certains membres de l’opposition de voir Patrice Talon modifié à nouveau la constitution pour sauter l’article 42 qui est issue de la réforme de 2019 et qui précise qu’«en aucun cas nul ne peut, de sa vie exercer plus de deux mandats de président de la République », le politologue pense que cette crainte peut se justifier par deux raisons. La première raison, c’est que Patrice Talon en venant avait promis à plusieurs occasions de faire un mandat unique. Mais, après, «il est revenu dire qu’il veut faire un deuxième mandat ». Pour Mathias Hounkpè, «cela veut dire que par rapport au souci de faire le troisième mandat ou non, sa parole seule ne peut plus suffir ». La deuxième raison, étant donné qu’il contrôle 100 % des députés au parlement, le politologue ne voit pas qui pourra arrêter Patrice Talon «s’il décide demain de modifier encore la constitution comme certains de ses pairs ont commencé par faire dans la sous-région pour enlever l’article 42 ».
Sur la tendance observée actuellement dans les pays africains et qui fait que l’opposition est écartée des élections, il pense que «nous sommes en train de payer le prix de quelques avancées qu’on a eus en matière de gestion des élections ». Mathias Hounkpè relève qu’il est de plus en plus difficile de tricher le jour des élections dans les pays africains. Donc, «ce que nous observons de plus en plus dans nos pays maintenant, c’est que les présidents assurent, avant les élections, que les candidats crédibles sont éliminés, que les listes électorales sont manipulées, que les commissions électorales sont contrôlées, que le juge du contentieux électoral est contrôlé. Et donc, en amont, on crée les conditions pour garantir les chances de victoires ».
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