Les avocats de l’ancienne ministre de la Justice du Bénin, Réckya Madougou ont saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies. Dans cette note de saisine, ils ont présenté le dossier de leur cliente depuis son arrestation le 3 mars 2021 jusqu’à sa première audience. Les avocats ont présenté aussi les conditions de l’arrestation et de détention de la candidate recalée à la présidentielle d’avril dernier. Ils demandent à ce groupe de travail de prendre certaines initiatives en valeur de la détenue.
L’affaire Réckya Madougou est désormais portée à l’ONU. Les avocats de la détenue ont saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies. Ils souhaitent quatre actions de ce groupe de travail. Ils veulent que ce groupe adresse un appel urgent à l’Etat du Bénin concernant la situation de Réckya Madougou, qu’il déclare que l’arrestation et la détention de Réckya Madougou présentent un caractère arbitraire. Ils recommandent à l’ONU de demander à l’Etat du Bénin de procéder à sa libération immédiate. Pour finir, ils veulent que l’ONU demande à l’Etat du Bénin d’accorder à leur cliente des réparations appropriées.
Des conditions de l’arrestation
Dans leur argumentaire, les avocats font savoir que Reckya Madougou a été appréhendée par la police sans convocation préalable et sans aucune explication à la sortie d’un meeting politique organisé de concert avec Joël Aïvo, autre candidat écarté de l’élection présidentielle et finalement arrêté lui aussi après l’élection présidentielle. Reckya Madougou a ensuite été conduite sans aucune explication à la Brigade économique et financière où elle a passé la nuit. Elle a été présentée le 4 mars suivant vers 15h (heure locale) devant le Procureur spécial de la CRIET, qui lui a notifié que lui étaient reprochés des faits d’association de malfaiteurs et d’actes de terrorisme. Les avocats exposent les recours exercés et informent que ces recours n’ont pas prospéré. Il s’agit de l’appel fait de l’ordonnance de mise en détention du 5 mars 2021 et de la demande de mise en liberté provisoire, le 12 juillet 2021.
Détention arbitraire
Les avocats avancent que la détention de Réckya Madougou est arbitraire. Ils relèvent une absence de fondement légal. Reckya Madougou a été arrêtée en vertu d’un mandat d’amener décerné par le Procureur spécial de la CRIET le 1er mars 2021, alors qu’il n’en avait pas le pouvoir. Ce mandat, émis par une autorité incompétente, est donc illégal. Le pouvoir de décerner un mandat d’amener appartient en principe au juge d’instruction (article 132 du code de procédure pénale), et ce n’est que dans le cadre d’une procédure de flagrance que le procureur de la République peut décerner un tel mandat (articles 70 et 402 du code de procédure pénale). Or, il résulte des déclarations mêmes du Procureur spécial que Réckya Madougou avait été mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enquête ouverte le 26 février 2021. Dès lors, Réckya Madougou n’a aucunement été arrêtée en flagrant délit d’une infraction justifiant la compétence du procureur pour décerner un mandat d’amener visant l’article 70 du code de procédure pénale.
Détention provisoire illégale
Ils estiment que la détention provisoire de leur cliente n’est pas conforme aux conditions prévues par le droit béninois. Le code de procédure pénale dispose en effet que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle (art. 146) qui ne peut être ordonnée que si elle constitue l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression ou une subornation de témoins ou de victimes, soit une concertation frauduleuse entre inculpés, protéger l’inculpé, garantir son maintien à la disposition de la justice, mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ou mettre fin à un trouble exceptionnel et persistent à l’ordre public provoque par la gravite de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice causé (art. 149). Ils font remarquer qu’il est cependant apparu lors de l’audience du 5 mars 2021, et à la lecture des interrogatoires, que le colonel à la retraite Ibrahim Mama Touré a formellement déclaré n’avoir eu aucun échange direct ou indirect avec Réckya Madougou et qu’il n’avait aucun problème avec elle. « Dans ces conditions, et en dehors de tout autre élément, la Chambre de la détention et des libertés ne pouvait donc légalement ordonner le placement en détention de Réckya Madougou, qui s’avère arbitraire », soulignent les avocats.
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