La guerre en Ukraine a-t-elle des répercussions sur la situation sécuritaire au Mali ? On pourrait bien le croire. Depuis l’annonce du départ des forces françaises des opérations Barkane et Takuba, et l’entrée en jeu du groupe de mercenaires russes Wagner, le pays avait connu une relative accalmie. Les opérations conjointes entre les Forces armées maliennes (FAMA) et les Russes avaient permis d’avoir quelques succès. Mais, ces dernières semaines, les attaques djihadistes se sont multipliées faisant plusieurs morts et des blessés. Ainsi, le lundi 7 mars dernier, la base de N’tahaka, un verrou stratégique situé au nord du pays tenu par les Forces armées maliennes (FAMA) a été prise d’assaut par des djihadistes. L’état-major malien a annoncé avoir perdu seulement « deux soldats et éliminé neuf assaillants ».
Selon le rapport de l’organisme de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, « au moins 107 civils dont des commerçants, des chefs de villages et des enfants avaient été tués dans le centre et le Sud-Ouest du Mali depuis décembre. 71 personnes ont été exécutées sommairement par l’armée et 36 par des djihadistes ». Ces incidents s’ajoutent à la terrible attaque de la base de Mandoro à la frontière Burkinabè qui a eu lieu le vendredi 4 mars. Le bilan officiel fait état de 27 soldats tués. C’est la plus lourde perte de l’armée malienne depuis l’annonce du départ des forces françaises des opérations Barkane et Takuba. Aussi, des dizaines de civils et combattants du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) ont également été tués dans la région de Menaka , selon plusieurs sources. A cela, il faut ajouter le cas de nombreux ressortissants mauritaniens morts ou portés disparus. A Niono près de Dogofry, au sud-ouest de Nampala, un charnier renfermant plus de 35 corps a été découvert.
L’armée malienne est accusée d’avoir perpétré ces massacres. Mais Bamako s’en défend. Dans un communiqué, l’état-major des FAMA se porte totalement en faux contre ces allégations qui sont de « nature à jeter du discrédit sur les FAMA respectueuses des droits de l’homme et du droit international humanitaire ». La situation sécuritaire qui s’est dégradée, n’est pas le seul souci des autorités maliennes. Le contexte démocratique aussi s’est également détérioré avec les arrestations d’ anciens ministres de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita. D’autres sont poursuivis pour des faits des détournements avérés ou pas. L’expert indépendant des Nations-Unies Alioune Tine qui a séjourné dans le pays pendant dix jours résume bien la situation: «Il est de plus en plus difficile d’exprimer une opinion dissidente sans courir le risque d’être emprisonné ou lynché sur les réseaux sociaux. Ce climat délétère a conduit plusieurs acteurs à l’autocensure par crainte de représailles des autorités maliennes et ou de leurs sympathisants ».
En réalité, l’un des défis des autorités de la transition est de réussir le pari de la paix. Le dialogue national inclusif et la Conférence d’entente nationale avait plaidé pour que l’État malien discute avec les groupes djihadistes pour trouver une réelle chance de pacification du pays. Visiblement, la situation semble être bloquée et la politique du bâton et la carotte que la junte au pouvoir tente de mener avec les différents groupes djihadistes piétine encore. Le pays faisait déjà face à l’embargo décrété par les dirigeants de la CEDEAO après la prolongation du délai de la transition. Les populations subissent des pénuries des denrées de premières nécessités. Au même moment, le partenaire stratégique et militaire russe sur lequel les autorités de Bamako ont misé pour pacifier le pays est engagé dans de lourds combats en Ukraine. Alors que l’effort militaire russe est concentré là-bas, le Mali pourrait bien se retrouver seul pour se défendre.
Laisser un commentaire