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Maladies du cerveau: le fardeau des épileptiques au Bénin

L’épilepsie est l’une des affections neurologiques les plus fréquentes. Environ 50 millions de personnes en sont atteintes dans le monde, selon l’OMS. Le risque de décès précoce chez les épileptiques est près de trois fois plus élevé que dans la population générale. Environ 80% des personnes souffrant d’épilepsie vivent dans les pays africains. Au Bénin, les personnes souffrant de l’épilepsie sont victimes du rejet, de la marginalisation et de toute forme de stigmatisation. Quelques travaux scientifiques comme ceux de G. Miletto (1981) et E. Sohouéto (2005) renseignent à bien d’égards sur les implications des conceptions de la maladie par la population.

Au nombre des mesures restrictives, un individu sain ne doit pas manger avec un malade épileptique ou encore des vaisselles personnelles sont réservées à ces derniers. Le mauvais traitement à eux infligé contribue à priver les malades de leurs droits fondamentaux, comme celui de la scolarisation ou d’accès aux soins. Certains abandonnent leurs formations ou activités pour se protéger des regards dédaigneux. D’autres n’ont d’autres choix que d’opter pour le célibat et la solitude pour avoir la paix. Ce choix n’est pas souvent sans conséquence. Il arrive que des épileptiques meurent dans leur coin à l’insu de leur entourage.

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‹‹ Mon frère était un épileptique. Il s’était isolé de tout le monde et vivait seul dans une zone marécageuse. Un jour, nous avons appris qu’il est mort dans l’eau dans sa chambre, après une crise d’épilepsie ››. Sidoine regrette le décès de son frère. ‹‹ Je souffrais de l’épilepsie depuis que j’étais tout petit. En classe de cinquième j’ai fait une crise alors qu’on était au drapeau. Depuis ce jour, tout le monde me pointe du doigt dans le collège. Ils me regardent comme si j’étais un sous-homme. Je n’ai pas tenu face à cette situation ››, c’est ainsi que Moïse a abandonné ses études. À 25 ans, Gontran partageait sa vie avec une jeune femme qui l’a finalement abandonné à cause de sa maladie.

‹‹ Je l’ai beaucoup aimé. J’ai fait de mon mieux pour la garder. Un soir, elle vient me dire qu’elle ne veut plus de moi parce que ses amis se moquent d’elle, disant qu’elle sort avec un escargot qui bave sans cesse ››. Le jeune homme a essayé d’arranger la situation avec sa bien aimée mais elle est restée catégorique sur sa décision. Gontran a eu le cœur brisé. Il n’a plus jamais voulu se remettre dans une relation amoureuse. Il a 35 ans aujourd’hui et il demeure célibataire sans enfant. Adèle est une femme de la trentaine. À cause de l’épilepsie, son mari évite de sortir avec elle. ‹‹ Tout allait bien jusqu’au jour où j’ai fait une crise lors d’une réception à laquelle mon mari et moi étions invités. Il n’est plus jamais sorti avec moi jusqu’à présent. Ça fait quatre ans déjà ››, a confié cette femme en larme.

Hermione a fait la classe de terminale avec un épileptique. Même sachant que cette maladie n’est pas contagieuse, elle s’est toujours abstenue d’approcher son camarade qui était bien sociable en dépit de sa maladie. ‹‹ Il est brillant en classe. Il n’a pas fait de cette maladie un frein pour sa relation avec les autres. Notre professeur des SVT nous a expliqué que cette maladie n’est pas contagieuse. Mais moi j’ai peur. Donc je garde toujours un écart entre lui et moi ››, a t-elle affirmé. En dépit de ses bons résultats, le camarade de Hermione n’a pu achever l’année scolaire, car ses crises devenaient de plus en plus fréquentes. A l’école, ce garçon a sauté de l’étage pour atterrir au sol devant le bâtiment. Il a eu des dégâts physiques après cette crise. ‹‹ Il n’est pas allé à l’examen. Nous avons appris qu’il s’est finalement retourné dans son village ››, a ajouté Hermione.

Une maladie de la honte

Pour la grande partie des communautés africaines, l’épilepsie est perçue comme une maladie mystique et contagieuse à laquelle des origines surnaturelles sont attribuées. Généralement l’épilepsie est considérée par les proches du malade comme une maladie de la « honte » ou d’exclusion selon le sociologue Prince Gbégnito. ‹‹ Nous avions honte de présenter mon frère comme l’un des nôtres à cause de l’épilepsie. Il disait à tout le monde que je suis sa sœur, mais quand les gens viennent vers moi, je réponds que je ne le connais pas ››, a confié Sidoine. Le mari d’Adèle la cache pour éviter que ses amis et collègues découvrent le mal dont souffre sa femme. L’ex-compagne de Gontran, a avancé qu’elle ne veut pas fonder une famille avec ce dernier, de peur d’avoir des enfants épileptiques. La perception sociale de la pathologie n’a pas changé, car de nombreux africains ignorent les véritables causes de l’épilepsie.

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Un mal du cerveau

L’épilepsie est une maladie neurologique chronique caractérisée par la répétition de convulsions ou crises d’épilepsie. Pour dire qu’une personne est épileptique, il faut qu’elle ait au moins 2 à 3 épisodes spontanés de crises d’épilepsie. Les convulsions sont des secousses musculaires ou mouvements involontaires parfois violents impliquant une partie du corps et qui débutent souvent de façon brutale et s’arrêtent aussi de façon brutale. L’épilepsie peut survenir à tous les âges. Chez un enfant, l’accouchement difficile, une réanimation à la naissance, un ictère ou jaunisse pendant les premiers jours de vie, des anomalies du cerveau (malformations, tumeurs), des infections du cerveau, des traumatismes du cerveau par chute peuvent être les causes de l’épilepsie. Quant à l’adulte, des infections du cerveau, des traumatismes crânio-encéphaliques par chute ou AVP, des tumeurs du cerveau, un AVC ou Accident Vasculaire Cérébral, des malformations des vaisseaux du cerveau et des intoxications (alcoolisme chronique, abus de certains médicaments, etc) sont les origines de ce mal, d’après le neurologue Octave Houannou. Des études scientifiques ont révélé que cette maladie pourrait être héréditaire.

L’espoir est permis

Il existe plusieurs types de traitement qui sont utilisés pour la prise en charge médicale de l’épilepsie. Les traitements varient en fonction du type de crise et de l’étiologie. Ces traitements sont efficaces et permettent de réduire au maximum les crises. En cas d’épilepsie grave, un traitement neurochirurgical est possible. Le traitement en médecine traditionnelle est aussi efficace selon le tradi-thérapeute Ghislain Alimagnidokpo. Pour prévenir l’épilepsie chez l’enfant il est nécessaire que les femmes enceintes suivent correctement leurs grossesses et après l’accouchement, les enfants eux aussi bénéficient d’un suivi régulier. Chez l’adulte les mesures de prévention passent par le port de casque et le respect des règles de sécurité en circulation, l’évitement de l’alcoolisme chronique et de l’automédication et enfin le recours aux soins sans hésitation dès l’apparition des symptômes a expliqué le neurologue.

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