Alors que la mondialisation est souvent considérée comme une réalisation majeure de l’économie américaine, le pays qui l’a longtemps promue cherche aujourd’hui à faire un pas en arrière. L’ampleur des crises contemporaines, (comme la pandémie du COVID-19, le conflit en Ukraine ou encore les tensions autour de Taïwan) a déclenché une prise de conscience. Selon Katherine Tai, la représentante américaine au Commerce, ces événements ont mis en évidence la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales, révélant une version insoutenable de la mondialisation.
La vision américaine de la mondialisation des années 1990 à 2000 était généralement positive et encouragée. C’était une période de croissance économique robuste et de relative stabilité politique. La mondialisation a été perçue comme un moyen de diffuser les valeurs démocratiques et le libre marché à travers le monde, tout en favorisant le développement économique.
- Expansion du libre-échange : Les États-Unis ont joué un rôle déterminant dans la promotion des accords de libre-échange, comme l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 1994, qui a créé l’une des plus grandes zones de libre-échange du monde.
- Libéralisation financière : Les années 90 ont également vu une accélération de la libéralisation financière mondiale. Les États-Unis, en tant que principal acteur du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, ont encouragé des politiques de libéralisation et de privatisation à travers le monde.
- Technologie et Internet : Cette période a également coïncidé avec l’essor de l’Internet et des technologies de l’information, ce qui a permis une diffusion plus rapide et plus large des biens culturels et informationnels. Les États-Unis, en tant que leader dans ces domaines, ont profité de ces tendances pour élargir leur influence culturelle et économique.
- Optimisme quant à la mondialisation : Il y avait un sentiment généralisé que la mondialisation entraînerait une prospérité accrue pour tous. Cet optimisme a été alimenté par la fin de la guerre froide et l’émergence de nouvelles économies de marché à travers le monde.
Toutefois, cette vision a été remise en question par la crise financière asiatique de 1997 et le mouvement anti-mondialisation qui a commencé à émerger à la fin des années 1990. Ces développements ont conduit à une réévaluation plus critique de la mondialisation, mais ils n’ont pas réussi à renverser complètement l’orientation fondamentalement pro-mondialisation des États-Unis à cette époque.
En effet, les États-Unis ont récemment entrepris une série de mesures visant à réduire leur dépendance économique vis-à-vis des autres nations, en particulier la Chine. Ces mesures comprennent l’investissement dans des secteurs jugés essentiels pour l’avenir, tels que l’énergie propre, les batteries pour véhicules électriques et les semi-conducteurs. C’est un virage vers une forme de protectionnisme économique qui, selon Tai, est motivé par la nécessité de rendre les chaînes d’approvisionnement plus résistantes aux chocs mondiaux.
Cependant, cette évolution n’est pas sans controverses. Les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, notamment l’Union européenne, le Japon et la Corée du Sud, sont préoccupés par ce qu’ils perçoivent comme une guerre des subventions visant à attirer les entreprises sur le sol américain. L’Inflation Reduction Act (IRA), un important plan climatique promettant des subventions massives, a suscité des craintes particulières, conduisant l’UE à répondre avec un projet de subventions similaire.
L’approche américaine témoigne d’une transformation profonde des attitudes envers la mondialisation. Alors que les pays cherchent à se prémunir contre les risques liés à la dépendance aux chaînes d’approvisionnement étrangères, une nouvelle philosophie semble émerger : il est plus sûr de produire localement, en raison des risques associés à la production à l’étranger. Si cette tendance se poursuit, elle pourrait marquer le début d’une nouvelle ère de désintégration économique globale, avec des pays comme les États-Unis à la tête de ce mouvement.
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