Le départ des troupes françaises à la suite des coups d’Etat au Burkina Faso et au Mali a permis un retour en force des djihadistes dans la région. Pour y faire face, Abidjan a renforcé sa ligne de front au Nord ainsi que ses bases arrière, et compte également traiter le mal à la racine, en redonnant espoir à sa jeunesse pour la tenir éloignée du djihadisme.
Renforcer le front
Avec respectivement 75% et 40% de leurs territoires occupés par les djihadistes, le Mali et le Burkina Faso, qui ne constituaient déjà pas un rempart solide, ne sont plus d’aucun secours pour la Côte d’Ivoire. Sa frontière nord (532km avec le Mali, 584km avec le Burkina Faso), pour l’essentiel couverte de jungle, est de surcroit poreuse : Abidjan a subi au moins 17 attaques de groupes armés terroristes (GAT) venus du nord depuis 2021 ; une tendance qui, sans une intervention du gouvernement ivoirien, pourrait s’aggraver. Dont acte.
Environ 2500 hommes ont été transférés dans le nord du pays, de nouvelles bases militaires ont été construites le long de la frontière, et du matériel dernier cri acheté à la France est en train d’être acheminé. A l’occasion de la visite en France du ministre ivoirien de la Défense, Téné Birahima Ouattara, en juin dernier, Abidjan et Paris ont ainsi réactivé un contrat signé en 2017 portant sur l’acquisition d’hélicoptères militaires Airbus. Les deux pays sont également en pleines négociations concernant l’achat d’un nanosatellite d’observation, qui devrait être lancé fin de 2024.
La Côte d’Ivoire dispose donc d’un avantage technologique certain sur les djihadistes, mais ses militaires restent aux aguets, soucieux de ne pas pécher par excès de confiance. « Nous ne voulons pas tomber dans l’autosatisfaction et demandons à nos hommes de rester vigilants. Tant que la menace est chez notre voisin, nous restons menacés. Nous sommes toujours en situation d’alerte maximale. D’autant que nos frontières sont poreuses et que le mode d’action de l’ennemi est la perfidie », rappelle le général Zoumana Ouattara, commandant de la zone opérationnelle nord.
Réorganiser l’armée
Au-delà de son équipement, c’est sa structure même que l’armée ivoirienne a dû repenser, pour s’adapter à la nature asymétrique de la menace djihadiste. La Côte d’Ivoire a donc investi dans la formation de militaires spécialisés, via notamment l’ouverture d’une école de lutte contre le terrorisme en juin 2021, à Jacqueville, à 35 km d’Abidjan. Fondée en partenariat avec la France, cette Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) s’articule en trois zones interconnectées – l’école à proprement parler, le camp d’entrainement, et l’institut de recherche stratégique – chacune bénéficiant de l’expertise de cadres militaires français.
Le11 mai dernier s’est d’ailleurs tenu le premier conseil d’administration de l’Académie, pour faire le point sur ses deux premières années d’activité, et ses projets à venir. Présente pour l’occasion, la secrétaire d’État française auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Chrysoula Zacharopoulou, a tenu à rappeler le rôle d’accompagnateur de la France, qui sera toutefois amenée à s’effacer progressivement. « Certes, comme l’a annoncé le président de la République Emmanuel Macron, nous serons un peu moins visibles, mais nous restons pleinement engagés, a fait savoir la secrétaire d’Etat. La France et l’Europe sont des partenaires de la Côte d’Ivoire, pas seulement sur les questions de la lutte contre le terrorisme, mais sur les questions de développement et de l’aide humanitaire, là où d’autres puissances ne font que des partenariats sécuritaires via leurs milices. Notre offre française et européenne, c’est une offre différente, c’est une offre globale ». L’effacement de la France doit notamment se faire au profit d’autres partenaires locaux, 1000 stagiaires (militaires, gendarmes, policiers et magistrats) issus de 26 pays africains ayant pour l’heure été formés à l’Académie.
Mobiliser la population
Et puisque le djihadisme peut être contenu par l’armée, mais ne sera pas éradiqué par elle, la Côte d’Ivoire a lancé plusieurs projets dans le nord du pays pour redynamiser la jeunesse, lui redonner foi en son pays et en l’avenir, et éviter qu’elle ne tombe entre les griffes des terroristes. Abidjan a tout d’abord misé sur le sport, pour tenir les jeunes éloignés de la rue tout en leur inculquant la discipline et le respect. Le pays a pour cela lancé un vaste programme baptisé « Projet Agora », visant à développer plus de 90 infrastructures multisports sur l’ensemble du territoire, pour permettre aux habitants des zones les plus reculées de pouvoir pratiquer une activité sportive.
Mais tenir les jeunes occupés ne suffisait pas. Il fallait leur redonner foi en l’avenir, et surtout de quoi subvenir à leurs besoins. La Côte d’Ivoire a donc déboursé 132 millions d’euros pour l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, dans un programme visant à créer 100 000 emplois dans les années à venir. En outre, au-delà de l’amélioration de leur propre condition, il fallait aussi refaire naître le sentiment national dans le cœur des Ivoiriens. Pour ce faire, l’Etat a une nouvelle fois misé sur le sport, en organisant la Coupe d’Afrique des Nations 2023. Celle-ci débutera en février prochain et sera l’occasion, pour tous les Ivoiriens, de se retrouver derrière la même bannière, portée par leur nouvelle mascotte, l’éléphant Akwaba.
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