L’ancien Secrétaire général de Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb) et ancien Secrétaire général du Syndicat du Plan Pascal Todjinou s’est retiré depuis sa retraite de la vie publique du Bénin. Votre quotidien est allé à sa rencontre à son domicile à Porto-Novo à proximité du centre Songhaï. Malgré le poids de l’âge, l’homme n’a rien perdu de sa vigueur. Fidèle à son légendaire chapeau, Pascal Todjinou est resté égal à lui-même.
Malgré ses nombreuses activités champêtres et les sollicitations dont il fait l’objet pour des consultations en audit, il a accepté accorder une interview exclusive à votre journal pour se prononcer sur quelques sujets brûlants de l’actualité béninoise dans le cadre de la toute nouvelle rubrique intitulée : « Que sont-ils devenus ?»
La Nouvelle Tribune : Depuis quelques années, vous vous êtes retiré de la scène publique. Vous avez mené des luttes syndicales et avez été membre du Conseil Économique et Social. Vous n’êtes plus présent sur la scène nationale contrairement à votre camarade Laurent Mètongnon qui a lancé récemment une plateforme à sa sortie de prison.
Depuis toujours, sur le plan politique, je ne m’engage pas. Les politiciens de mon pays sont des caméléons. Dès qu’ils trouvent une couleur qui leur plaît, ils l’enfourchent. Moi je reste fidèle à mes engagements. Celui dont vous parlez a son opinion propre qui n’est pas la mienne. Lui et moi avions tout de même mené des luttes acerbes par le passé.
Quelle lecture faites-vous de la lutte syndicale de nos jours au Bénin avec les restrictions du droit de grève ?
J’ai toujours répondu à cette question en disant que la lutte syndicale dépend des contextes. Ne peuvent tenir dans un contexte comme celui-ci que des gens qui sont particulièrement engagés. Ce ne sont pas les gens qui font du bruit. Il s’agit de personnes qui sont malines et qui ont une stratégie syndicale connue. Cette stratégie syndicale s’élabore en tenant compte du contexte. Je pense que les responsables syndicaux actuels se débrouillent en tenant compte du contexte.
Ne pensez-vous pas que le droit de grève est essentiel ?
Quand vous arrivez dans un pays où le droit de grève est restreint, vous avez la possibilité de vous organiser autrement. Laissons le temps au temps. La grève n’est pas l’arme fondamentale du syndicat. Ceux qui la brandissent tout le temps, affaiblissent les mouvements syndicaux. C’est en réalité le dernier recours.
Pensez-vous qu’avec l’augmentation des salaires il y a quelques mois, le travailleur béninois vit mieux ?
Je suis travailleur à la retraite. La méthode utilisée pour l’augmentation des salaires me semble être une méthode d’employeur. Ceci consiste à valoriser ceux qui travaillent bien sur le terrain aujourd’hui. Je n’ai pratiquement rien obtenu. Je me retrouve avec une portion congrue.
L’actualité politique au cours de ces dernières semaines est dominée par les récentes sorties médiatiques du président Patrice Talon. Alors qu’il était récemment à l’Assemblée nationale, l’actuel patron de la Marina a présenté un Bénin qui se développe sans bruits et sans tapage. Etes-vous de son avis ?
Je me suis interdit de me prononcer sur les faits politiques jusqu’à nouvel ordre. Je l’ai écouté à l’Assemblée Nationale et lors de l’interview avec les journalistes. C’est le jeu politique. Tout ce que je sais est que le panier de la ménagère est littéralement vide. Je vais dans le même marché que ses ministres, ses directeurs, ses conseillers techniques ainsi que ses collaborateurs. Quand je débourse cinq mille francs sur ce même marché, le ministre ou le directeur ne ressent pas la même chose que moi. Cette appréciation doit être connue. Je m’interdis de me prononcer sur des faits politiques mais je peux me prononcer sur les faits socio-économiques. Et c’est d’ailleurs pour ça que je parle du panier de la ménagère. J’en souffre personnellement. Si je devrais tenir compte uniquement de ma pension, je serais déjà retourné au village. Le panier de la ménagère est vraiment vide. Nous devons faire attention avec certains chiffres qui ne cadrent pas toujours avec la réalité du terrain.
L’autre polémique qui défraie la chronique au cours de ces dernières semaines est le refus de Patrice Talon d’accorder le pardon aux opposant Madougou et Aïvo. Pensez-vous que la loi d’amnistie a des chances de prospérer ?
Demander au micro, face au monde le pardon n’est pas élégant. Le président de la République ne pouvait jamais donner une réponse favorable à cette requête. Celui qui a posé cette question n’aide pas Madougou ni Joël Aïvo. Je crois que ce genre de choses se négocient en coulisse et non en public. La loi d’amnistie peut prospérer si les négociations se font. Tout ce qui est difficile peut être réalisé si on s’entend. Je me suis dit que la façon dont la question a été formulée ne peut mériter qu’une telle réponse. Je m’y attendais. Même le président Yayi ne peut pas demander à son successeur pardon sur la loi d’amnistie. Ce n’est pas élégant. Il fallait qu’il négocie en sourdine.
Certains disent que les Démocrates ont été pris au piège lors de cette rencontre. Que dites-vous ?
Il n’y a aucun piège. Le président Boni Yayi doit savoir que dès que vous rentrez au palais, tout ce qui se fait est entièrement enregistré. Si lui-même ne sait pas qu’il est dans le bureau et qu’il est enregistré c’est regrettable. Les autres peuvent ne pas savoir. Mais le président Boni Yayi le savait.
Des voix s’élèvent et taquinent le président Talon en indiquant qu’il avait bénéficié du pardon de Boni Yayi et qu’il devrait à son tour faire preuve de pardon. Il a demandé une confrontation avec son ancien allié politique « Atchakpodji » pour rétablir la vérité des faits. Quel est votre avis sur cette demande?
C’est un non-événement. Comment l’ancien président et le président en exercice peuvent se mettre en « Atchakpodji » ? Même s’ils voulaient le faire, leurs collaborateurs devraient s’y opposer. Je pense que ce sont des personnalités qui ne doivent pas se ridiculiser. Je pense que ceux qui reviennent sur le sujet d’empoisonnement sont contre la réconciliation. Ce n’est pas normal. Laissez cette affaire s’en aller.
Il y a quelques heures, un sujet a refait surface. Il s’agit de la révision de la constitution avec une refonte du système. Pensez-vous que ce soit opportun ?
Le président Patrice Talon a annoncé publiquement qu’il fera ses deux mandats et laisser la place à un autre. Je ne vois donc pas de quoi nous avons peur. Laissez-les remettre tout en cause. Le creuset des présidents d’institution, contrairement à ce que j’ai entendu n’est pas une assemblée constituante. Le président Patrice Talon doit particulièrement faire attention. Ceux qui l’entourent aujourd’hui pourront toujours changer de vestes très bientôt. Les soutiens politiques interviennent toujours selon les intérêts. Mais j’ai foi qu’il sait ce qui se passe. Il connaît également ceux qui sont assis sur deux chaises.
Selon vous, pour 2026, qui pourra succéder à Patrice Talon ? Le nom d’Olivier Boko est agité depuis quelques années. Quel est votre lecture de la situation ?
C’est la case des politiciens. Laissez les jouer jusqu’à la fin. On verra
En ce début d’année 2024, quel est votre message à l’endroit de nos lecteurs ?
Je crois que cet entretien me permet de présenter mes vœux les meilleurs à toute la population béninoise, aux travailleurs qui se débattent malgré le contexte. Je profite également de l’occasion pour présenter mes condoléances à la famille du président Tabé Gbian. Il a été le président du Conseil Économique et Social et nous avons collaboré cinq années durant. C’est un homme de valeur et de dialogue qui est parti les armes à la main. Moi je me demande comment sa mort est survenue. Je crois qu’il est bien le premier président d’institution à mourir en exercice. A la population béninoise, je souhaite que la paix règne. Je voudrais demander aux dirigeants de mon pays d’avoir une petite retenue et d’avoir le don du pardon. Tout ceci nous permettra de rester ensemble.
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