La polémique enfle au Bénin après le refus de visite d’une délégation du parti Les Démocrates à l’opposante Reckya Madougou. Cette décision a suscité l’indignation de ses avocats, Maître Renaud V. Agbodjo et Maître Mario Stasi, qui ont vivement réagi dans un communiqué après la réaction de l’agence pénitenciaire du Bénin cette semaine.
Le 27 mars dernier, une délégation de députés du parti d’opposition Les Démocrates s’est vu refuser l’accès à la prison civile d’Akpro Missérété où est détenue Madame Reckya Madougou. Confrontés à un refus catégorique, ils ont été contraints de rebrousser chemin.
Dans leur communiqué, les avocats de Reckya Madougou soulignent plusieurs « insuffisances juridiques » dans les justifications avancées par les autorités. Tout d’abord, ils contestent l’argument lié aux mesures de prévention contre la COVID-19, arguant que le gouvernement béninois a levé toutes les restrictions relatives à la pandémie dès mars 2022.
De même, les avocats remettent en question l’exigence d’un permis de visite, mentionné par le Directeur de l’Agence Pénitentiaire du Bénin, en vertu de l’article 113 du règlement intérieur des établissements pénitentiaires. Ils soulignent l’absurdité de cette exigence en l’absence de transparence quant à la délivrance de ces permis. De plus, ils rappellent une décision de la cour constitutionnelle déclarant le régime pénitentiaire béninois contraire à la Constitution, exhortant ainsi les autorités à se conformer à cette décision. Lire la déclaration complète des avocats de l’opposante Reckya Madougou.
COMMUNIQUÉ
Le 29 mars 2024, en réaction au tollé et à l’indignation de l’opinion publique suite à l’interdiction de visite de Madame Reckya MADOUGOU par un groupe de députés du parti Les Démocrates dont elle est la candidate empêchée de participer à l’élection présidentielle de 2021, le Procureur spécial près la CRIET et à sa suite, le Directeur de l’Agence Pénitentiaire du Bénin (APB) ont cru devoir, respectivement, donner les raisons qui ont justifié ce refus. À la lecture desdits communiqués, il s’y relève les insuffisances juridiques et contradictions notoires suivantes :
1ère insuffisance : Sur la question du covid 19
Aux termes du compte rendu du conseil des ministres du 16 mars 2022, le gouvernement béninois a levé toutes les mesures d’interdiction de regroupement concernant la covid 19 au Bénin. Il ressort de l’analyse des éléments détaillés dudit compte rendu que le motif concernant le respect des mesures liées à la covid 19 invoqué par le Procureur special près la CRIET est totalement infondé.
2ème insuffisance : sur le permis de visite
Se fondant sur les dispositions de l’article 113 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires au Bénin, le directeur de l’APB a indiqué dans son communiqué que : <<nul ne peut être admis à visiter un détenu s’il n’est porteur d’un permis de visite>>.
L’analyse de cette affirmation suppose que toutes les visites des détenus dans n’importe quel établissement pénitentiaire du Bénin sont assujetties à la détention d’un permis de visite. Si tel est le cas, nous invitons le directeur de l’Agence Pénitentiaire du Bénin à nous indiquer, preuves à l’appui, le nombre de permis de visite qui ont été délivrés aux visiteurs des établissements pénitentiaires du Bénin au cours de l’année civile 2023 et sur les trois (03) premiers mois de l’année 2024. Il en sera malheureusement incapable.
Mieux, dans sa décision DCC 23-165 du 04 mai 2023, la cour constitutionnelle a déclaré ce qui suit : « Dit que le décret n°73-293 du 15 septembre 1973 portant régime pénitentiaire en République du Bénin est contraire à la Constitution ».
Nous avons communiqué cette décision de la cour constitutionnelle à l’actuel Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, par courrier quelques semaines après sa prise se fonction courant le mois de juillet 2023, l’invitant à instruire ses services compétents (l’APB et le parquet spécial de la CRIET) à se conformer à ladite décision.
A notre suite, le président du groupe parlementaire Nourenou ATCHADE ainsi que l’honorable député Kamel OUASSANGARI ont également saisi le garde des Sceaux à l’effet de rendre visite à madame Reckya MADOUGOU sans aucune suite depuis plus de trois (03) mois.
Ce silence est symptômatique du mépris du gouvernement et de toute la chaîne judiciaire vis-à-vis des droits fondamentaux de madame Reckya MADOUGOU pourtant ex-ministre de la Justice, de la Législation et des droits de l’homme qui s’est acquittée de ses fonctions de manière républicaine et juste.
Sur cette base de discrimination avérée, nous condamnons fermement le limogeage du régisseur de la prison civile de Cotonou qui n’a été utilisé dans cette affaire que tel un fusible, comme à l’accoutumée, pour masquer un arbitraire flagrant.
Nous invitons le Ministre de la Justice à mettre tout en oeuvre afin qu’il soit rétabli dans ses fonctions et à prendre plutôt des mesures disciplinaires contre ceux qui ne respectent pas les droits des détenus.
En tout état de cause, nous prenons à témoin l’opinion nationale et internationale que dans les prochains jours, les députés du parti Les Démocrates iront individuellement et séparément rendre visite à madame Reckya MADOUGOU, tout comme certains d’entre eux ont déjà eu à rencontrer plusieurs jeunes étudiants détenus politiques dans diverses prisons du Bénin, y compris à Missérété, sans qu’il ne leur soit opposé la production d’un quelconque permis de visite.
Nous invitons en conséquence, le ministre de la Justice, le Directeur de l’Agence pénitentiaire, le Procureur spécial près la CRIET et le régisseur de la prison civile d’Akpro-Missérété pris individuellement, à ne pas faire obstacle une fois de plus à ces visites.
Fait à Cotonou, le samedi 30 mars 2024.
Maitre Renaud V. AGBODJO,
Avocat au Barreau du Bénin
Maître Mario STASI
Avocat au Barreau de Paris
Conseils de Madame Reckya MADOUGOU
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