Maghreb : l’arrestation d’un élu ivre crée la polémique

Ph. d'illustration : police tunisienne

Le député tunisien Moez Ben Youssef se trouve au cœur d’une controverse qui secoue l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Arrêté le 29 juin 2024 à Sousse, il a été placé en détention pour des accusations graves incluant violence, outrage à un fonctionnaire public, diffamation et ivresse manifeste sur la voie publique. L’incident aurait débuté par une altercation avec un chauffeur de taxi, qui a alerté la police après le refus du député d’utiliser son téléphone.

Bien que l’avocat de Ben Youssef, Houcem Zayeni, affirme que la situation avait été résolue sans violence physique, le député a néanmoins été arrêté à son domicile et transféré au commissariat de Hammam Sousse. La question de l’immunité parlementaire, censée protéger les élus de poursuites judiciaires durant leur mandat, n’aurait pas été prise en compte par le ministère public, soulevant des interrogations sur la légalité de la procédure.

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Cette affaire a rapidement pris une dimension politique et constitutionnelle. Thabet el-Abed, rapporteur de la commission de la sécurité, de la défense et des forces porteuses d’armes à l’ARP, a vivement critiqué l’arrestation, la qualifiant d’ »inconstitutionnelle ». Lors d’une séance plénière, il a souligné que la procédure n’avait pas respecté l’article 65 de la Constitution, qui prévoit que l’ARP doit être informée et l’immunité parlementaire levée avant toute arrestation d’un député.

El-Abed a mis en garde contre les implications de cette action, estimant qu’elle menace l’indépendance des parlementaires et, par extension, celle de l’institution législative elle-même. Il a appelé ses collègues et le président de l’ARP à réagir pour préserver la « notoriété de l’assemblée et l’indépendance de ses décisions ».

La Constitution tunisienne, dans son article 45, stipule clairement qu’aucun député ne peut être poursuivi ou arrêté pendant son mandat sans la levée de son immunité par l’ARP, sauf en cas de flagrant délit. Même dans ce cas, l’Assemblée doit être informée sans délai. La question se pose donc de savoir si la situation de Ben Youssef constituait un flagrant délit justifiant une telle procédure expéditive.

Le refus de la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Sousse II d’accéder à la demande de libération du député, et le report de l’examen de l’affaire au 12 juillet, n’ont fait qu’accentuer les tensions. Cette décision soulève des questions sur l’équilibre entre la justice et les privilèges parlementaires, ainsi que sur l’interprétation des dispositions constitutionnelles en la matière.

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L’affaire Ben Youssef est devenue un test pour les institutions tunisiennes, mettant en lumière les tensions entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Elle soulève également des questions sur l’éthique et la responsabilité des élus, ainsi que sur les limites de l’immunité parlementaire face à des accusations de comportement répréhensible.

Alors que le débat se poursuit, cette affaire pourrait avoir des répercussions durables sur le fonctionnement de l’ARP et sur la perception publique de l’intégrité des élus. Elle met en exergue la nécessité d’un équilibre délicat entre la protection des représentants du peuple dans l’exercice de leurs fonctions et la responsabilité face à la loi, un défi auquel sont confrontées de nombreuses démocraties.

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