Royal Air Maroc fait depuis des années l’objet de plaintes dénonçant des traitements différenciés envers les passagers noirs. Plusieurs voyageurs africains ont raconté des scènes d’indifférence, des refus d’assistance, ou encore un service volontairement négligé. Derrière les sourires de façade, certains disent avoir perçu une hiérarchie implicite dans la manière dont les clients sont traités. Ces accusations, souvent balayées d’un revers de main par la compagnie, ressurgissent aujourd’hui avec force, alors qu’un drame longtemps resté discret refait surface : la mort de Marie-Thérèse Diop à bord d’un vol entre Casablanca et Dakar.
Un vol long et fatal, marqué par l’inaction
Marie-Thérèse Diop, une femme franco-sénégalaise de 68 ans, souffrait de problèmes cardiaques. En 2023, elle avait quitté Montpellier pour se rendre au Sénégal, seule, afin de visiter la tombe de son fils. Dès son passage à l’escale de Casablanca, elle avait montré des signes d’épuisement : elle marchait lentement, la tête baissée, le souffle court. D’après les témoins, elle n’avait reçu aucune assistance particulière malgré sa condition visible.
À bord de l’avion, son état s’était dégradé rapidement. Elle était restée inerte à son siège, incapable de bouger ou de parler. Des passagers s’étaient inquiétés et avaient alerté le personnel navigant. En réponse, les membres d’équipage avaient utilisé un oxymètre de doigt, concluant qu’il n’y avait pas lieu de s’alarmer. Aucun geste de premiers secours n’avait été entrepris, aucun appel au médecin à bord n’avait été lancé immédiatement. Ce n’est qu’au bout d’un long moment qu’un médecin s’était finalement approché, avait tenté d’administrer de l’oxygène… pour découvrir que la passagère était morte depuis des heures. Choqué, il n’avait rien dit pour éviter de provoquer un mouvement de panique. Les secours, à l’arrivée à Dakar, n’avaient pu que constater son décès.
Une plainte publique après des mois de silence
Aujourd’hui, plus d’un an après les faits, la fille de la victime, Marie Diop, brise enfin le silence. Elle raconte avoir appris la mort de sa mère par téléphone, en pleine nuit, et ne jamais avoir pu comprendre pourquoi personne ne l’avait aidée alors qu’elle était en détresse. Elle dénonce une négligence grave, doublée d’une indifférence qu’elle juge racialisée. « Elle est morte seule, sous les yeux de tous, et personne n’a bougé », confie-t-elle avec amertume.
Marie Diop a décidé d’attaquer Royal Air Maroc en justice devant le tribunal judiciaire de Paris. La compagnie, elle, nie toute responsabilité. Elle affirme que les procédures de sécurité ont été respectées et que les causes du décès relèvent de facteurs médicaux indépendants de l’équipage. Mais pour la famille, ces explications sonnent creux face aux témoignages concordants.
Ce drame soulève une interrogation glaçante : comment une femme manifestement malade a-t-elle pu rester sans aide pendant des heures dans un espace aussi contrôlé qu’un avion ? Et pourquoi les appels à l’aide ont-ils été ignorés, malgré l’insistance de plusieurs passagers ? Pour certains, il ne s’agit pas d’un simple dysfonctionnement, mais d’un aveuglement alimenté par des biais raciaux.
En rendant cette affaire publique, Marie Diop veut plus que des excuses : elle réclame une reconnaissance de la responsabilité humaine. Elle veut éviter qu’une autre passagère, malade, noire, seule, meure dans le silence d’une cabine où l’on détourne le regard.
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