Le paysage religieux africain, longtemps marqué par une prolifération incontrôlée de lieux de culte, connaît aujourd’hui une mutation profonde au Rwanda. Ce phénomène, symptomatique d’une quête spirituelle intense mais parfois déréglée, a souvent eu des conséquences néfastes sur les populations vulnérables. Des individus en quête de sens et d’espoir sont devenus la proie facile de charlatans promettant monts et merveilles, exploitant la crédulité et le désespoir pour s’enrichir. Cette situation a engendré non seulement des drames personnels mais aussi des tensions sociales, poussant certains gouvernements à réagir.
Une régulation inédite du paysage cultuel
Dans ce contexte, le Rwanda vient de frapper un grand coup. Plus de 4000 lieux de culte ont été fermés à travers le pays, dans une opération d’envergure menée par l’office national de la gouvernance. Cette initiative, loin d’être une attaque contre la liberté de culte, vise à mettre de l’ordre dans un secteur longtemps laissé à l’anarchie. Les autorités ont ciblé en particulier les petites églises pentecôtistes et plusieurs mosquées, jugées non conformes aux nouvelles normes de sécurité et administratives.
La sécurité au cœur des préoccupations
Parmi les motifs invoqués pour justifier ces fermetures, la sécurité occupe une place prépondérante. De nombreux lieux de culte se sont révélés de véritables pièges mortels, dépourvus d’équipements de base tels que des extincteurs ou des alarmes incendie. Plus inquiétant encore, certains avaient élu domicile dans des caves ou à proximité dangereuse de cours d’eau, exposant les fidèles à des risques inacceptables. Ces manquements graves ont poussé les autorités à agir, considérant que la foi ne devait pas mettre en péril la vie des croyants.
Un encadrement renforcé des pratiques religieuses
Au-delà des aspects sécuritaires, cette campagne de fermeture révèle une volonté de professionnaliser et d’encadrer les pratiques religieuses. Les nouvelles réglementations exigent désormais que les responsables d’églises paroissiales soient titulaires d’un diplôme universitaire en théologie. Cette mesure vise à garantir un niveau minimum de connaissances et de compétences chez ceux qui guident spirituellement les fidèles, réduisant ainsi les risques de dérives sectaires ou d’enseignements hasardeux.
Par ailleurs, les autorités ont mis l’accent sur le respect du voisinage, imposant des normes strictes d’insonorisation pour limiter les nuisances sonores lors des prières. Cette disposition témoigne d’une volonté de concilier pratique religieuse et vie en communauté, dans un pays où la densité urbaine ne cesse de croître.
Cette vaste opération de régulation du paysage cultuel rwandais n’est pas née du jour au lendemain. Elle est l’aboutissement d’un processus législatif initié en 2018, sous l’impulsion du président Paul Kagame. À l’époque, le chef de l’État avait jugé le nombre de lieux de culte excessif, appelant à une rationalisation du secteur. La loi alors votée donnait un délai de cinq ans aux établissements existants pour se mettre aux normes. Force est de constater que pour des milliers d’entre eux, ce délai n’a pas suffi.
Cette initiative rwandaise pourrait bien faire des émules sur le continent africain. Elle soulève des questions essentielles sur l’équilibre entre liberté de culte et responsabilité de l’État dans la protection de ses citoyens. Si certains y verront une atteinte à la liberté religieuse, d’autres salueront une démarche courageuse visant à assainir un secteur trop longtemps laissé à lui-même. Quoi qu’il en soit, cette mesure marque un tournant dans la gestion du fait religieux en Afrique, ouvrant la voie à une pratique cultuelle plus encadrée, plus sûre, et peut-être plus en phase avec les défis du XXIe siècle.
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