Les projets de gazoducs en Afrique du Nord et de l’Ouest suscitent un intérêt grandissant, promettant de redessiner la carte énergétique et économique de la région. Ces infrastructures colossales, reliant les gisements gaziers aux centres de consommation, ont le potentiel de stimuler le développement industriel, de générer des emplois et d’améliorer l’accès à l’énergie pour des millions de personnes. Au-delà des retombées économiques directes, ces projets peuvent catalyser l’intégration régionale, favoriser les transferts de technologie et attirer des investissements étrangers substantiels.
Une course diplomatique et technique
Le Maroc et le Nigeria intensifient leurs efforts pour concrétiser le projet de gazoduc africain atlantique. Cette infrastructure titanesque, estimée à 25 milliards de dollars, s’étendra sur 5 600 kilomètres, reliant le Nigeria au Maroc en traversant 13 pays ouest-africains. Avec une capacité annuelle de 30 milliards de mètres cubes, ce gazoduc ambitionne de révolutionner l’approvisionnement énergétique de la région.
Récemment, Rabat a accueilli une série de réunions cruciales, rassemblant les représentants des pays concernés et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ces rencontres ont permis des avancées significatives : finalisation des études d’avant-projet détaillées, présentation des évaluations environnementales et sociales, et progrès dans l’élaboration des accords intergouvernementaux.
La participation active de pays comme la Mauritanie, le Sénégal et la Côte d’Ivoire témoigne de l’engouement régional pour ce projet. L’implication d’acteurs marocains clés, tels que l’Office national de l’électricité et l’OCP, suggère une vision intégrée, associant potentiellement le gazoduc au développement des énergies renouvelables.
L’Algérie contre-attaque
Face à l’avancée du projet marocain, l’Algérie redouble d’efforts pour relancer son propre projet de gazoduc transsaharien. Le ministre algérien de l’Énergie, Mohamed Arkab, s’est rendu à Niamey pour rencontrer son homologue nigérien, Mahaman Moustapha Barké Bako. Cette visite vise à raviver les relations bilatérales et à remettre sur les rails le projet de gazoduc Nigéria-Niger-Algérie.
Les discussions ont porté sur la coopération dans le secteur des hydrocarbures et l’activité de Sonatrach, la compagnie nationale algérienne, au Niger. Les deux ministres ont convenu de poursuivre les réunions de coordination pour examiner les aspects du projet transsaharien, démontrant la détermination d’Alger à ne pas laisser le champ libre à son rival marocain.
Enjeux géopolitiques et économiques
Ces projets de gazoducs dépassent largement le cadre énergétique pour s’inscrire dans une compétition d’influence régionale. Pour le Maroc comme pour l’Algérie, il s’agit de renforcer leur position en Afrique subsaharienne et de s’imposer comme interlocuteurs privilégiés de l’Europe sur les questions énergétiques.
Le gazoduc Maroc-Nigeria, en particulier, est présenté comme un vecteur d’intégration économique entre les pays concernés. Leila Benali, ministre marocaine de la Transition énergétique, souligne son potentiel de « facteur stimulant pour le développement régional ». La connexion prévue au Gazoduc Maghreb-Europe et au réseau gazier européen ouvre des perspectives d’exportation vers le marché européen, renforçant l’attractivité du projet.
Cependant, ces ambitions se heurtent à des réalités géopolitiques complexes. Le récent coup d’État au Niger complique la donne pour le projet algérien, tandis que le projet marocain doit composer avec les tensions régionales et les défis logistiques inhérents à un tracé aussi étendu.
La concrétisation de ces gazoducs pourrait remodeler profondément les équilibres énergétiques et diplomatiques en Afrique du Nord et de l’Ouest. Au-delà de la compétition entre le Maroc et l’Algérie, c’est l’avenir énergétique et économique de toute une région qui se dessine, avec des implications potentielles sur les relations euro-africaines et le développement durable du continent.
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