La quête mondiale de sources d’énergie alternatives s’intensifie, motivée par les tensions géopolitiques qui perturbent l’approvisionnement en combustibles fossiles traditionnels. Face à cette réalité, de nombreux pays se tournent vers des solutions innovantes pour assurer leur sécurité énergétique et réduire leur dépendance aux importations. L’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables, émerge comme une option prometteuse, attirant l’attention des gouvernements et des investisseurs. Cependant, le déploiement rapide de cette technologie soulève des questions sur ses implications sociales et environnementales, notamment dans les régions considérées comme des fournisseurs potentiels, telles que le Maghreb.
La ruée vers l’or vert
La Tunisie se positionne comme un acteur majeur dans la production d’hydrogène vert, multipliant les accords avec des entreprises européennes. Un consortium comprenant TotalEnergies, Eren Group et Verbund a récemment signé un partenariat avec le gouvernement tunisien, visant à terme une production annuelle d’un million de tonnes d’hydrogène vert. Cette initiative ambitieuse témoigne de l’engouement pour cette nouvelle forme d’énergie, présentée comme une solution miracle aux défis climatiques.
Toutefois, cette course effrénée vers l’hydrogène vert suscite des inquiétudes. Certains observateurs, dont le site Africa Is a Country, dénoncent ce qu’ils perçoivent comme un « nouveau colonialisme vert ». Ils arguent que l’Union européenne cherche à dominer les chaînes de valeur et les technologies liées à l’hydrogène vert, tout en externalisant les coûts socio-environnementaux vers les pays producteurs. Cette dynamique risque de transformer l’Afrique en simple « batterie » pour l’Europe, reproduisant des schémas d’exploitation économique bien connus.
Un mirage écologique ?
La production d’hydrogène vert, bien que présentée comme écologique, soulève des préoccupations environnementales majeures. Le processus d’électrolyse nécessaire à sa fabrication requiert des quantités colossales d’eau et d’électricité. En Tunisie, les projections indiquent que la production pourrait consommer jusqu’à 248 millions de mètres cubes d’eau dessalée d’ici 2050, soit l’équivalent de la consommation annuelle de la moitié de la population du pays. Cette donnée est particulièrement alarmante dans un contexte de stress hydrique chronique.
De plus, l’installation des infrastructures nécessaires à la production d’hydrogène vert et d’énergies renouvelables pourrait entraîner des bouleversements territoriaux considérables. L’exploitation de 500 000 hectares dans le sud tunisien pour l’implantation d’éoliennes et de panneaux solaires soulève des questions sur l’impact sur les communautés locales et les écosystèmes fragiles de la région.
Résistance et critiques croissantes
Face à ces enjeux, une vague de contestation émerge en Tunisie. Des associations et mouvements citoyens, tels que Stop Pollution, expriment leur mécontentement envers le rôle joué par des institutions étrangères dans l’élaboration de la stratégie nationale pour l’hydrogène vert. La GIZ, l’agence allemande de coopération internationale, est particulièrement visée pour son influence présumée sur les orientations énergétiques du pays.
Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux pointe du doigt le risque de voir la Tunisie réduite à un simple « réservoir énergétique » pour l’Europe, sans bénéfices tangibles pour le développement national. Cette critique met en lumière le décalage entre les ambitions d’exportation et les besoins énergétiques locaux, la Tunisie important actuellement 50% de son énergie.
Le débat autour de l’hydrogène vert au Maghreb illustre les défis complexes liés à la transition énergétique mondiale. Alors que certains y voient une opportunité économique majeure, d’autres mettent en garde contre la reproduction de schémas d’exploitation néocoloniaux sous couvert d’écologie.
L’équilibre entre développement économique, souveraineté énergétique et protection de l’environnement reste à trouver, appelant à une réflexion approfondie sur les modèles de coopération internationale dans le domaine de l’énergie.
Laisser un commentaire