En soutenant officiellement le plan marocain d’autonomie au Sahara occidental, Paris a profondément altéré l’équilibre diplomatique qu’elle entretenait jusque-là entre Rabat et Alger. Lorsqu’Emmanuel Macron avait affiché son appui à ce projet l’été dernier, la réaction algérienne ne s’était pas fait attendre. Considérant ce revirement comme une atteinte à la neutralité historique de la France sur ce dossier sensible, Alger y avait vu une légitimation implicite des revendications marocaines sur un territoire que les Nations Unies qualifient toujours de « non autonome ». Ce changement d’attitude a accentué la détérioration des relations franco-algériennes, déjà mises à mal par des désaccords persistants sur les questions mémorielles et migratoires.
Une série d’engagements économiques sur un terrain disputé
La récente décision de l’Agence française de développement (AFD) d’injecter 150 millions d’euros dans des projets situés au Sahara occidental constitue un nouveau jalon dans cette orientation stratégique. L’annonce, faite depuis Laâyoune, capitale administrative des territoires revendiqués par le Maroc, marque une étape concrète dans l’implication économique française. Ce geste dépasse le cadre symbolique et traduit un engagement structuré. Il s’ajoute à la signature, lors d’une visite d’État au Maroc, de plusieurs partenariats entre des entreprises françaises — dont Engie et MGH Energy — et des acteurs marocains pour la mise en place de sites de production d’énergies renouvelables et de carburants de synthèse dans cette même région.
Les propos du président Macron sur la volonté d’accompagner le développement local à travers des « initiatives durables et solidaires » ont été perçus, du côté marocain, comme un soutien politique appuyé. En retour, ces déclarations ont alimenté une vive inquiétude à Alger, qui redoute une perte d’influence dans une zone perçue comme un prolongement naturel de sa profondeur stratégique. Pour l’Algérie, alliée du Front Polisario, cette présence française sur un territoire en litige équivaut à une forme de reconnaissance implicite de l’administration marocaine.
Une posture qui bouleverse les équilibres régionaux
Le positionnement de la France modifie les lignes habituelles de la diplomatie maghrébine. Alors que Paris tentait historiquement de ménager les susceptibilités des deux capitales voisines, elle semble désormais privilégier un partenariat renforcé avec Rabat, au risque d’exclure l’Algérie de certains dossiers économiques régionaux. Cette réorientation pourrait compromettre les discussions bilatérales sur d’autres fronts, notamment la sécurité au Sahel ou les accords énergétiques, domaines dans lesquels Alger détient des leviers importants.
En contribuant au développement d’un territoire dont le statut reste contesté au niveau international, la France prend le risque d’être accusée de parti pris, ce qui fragilise sa crédibilité dans la région. Loin de constituer une simple initiative de développement, les investissements annoncés par l’AFD s’insèrent dans une dynamique plus conflictuelle, où la coopération économique devient un instrument diplomatique aux conséquences délicates.
Le choix de renforcer la présence française dans la région, à travers des projets visibles et stratégiques, peut être interprété comme une prise de position déguisée dans un contentieux territorial non résolu. Et pour l’Algérie, cette orientation ne fait que confirmer un déséquilibre qui, à ses yeux, appelle une réponse proportionnée.
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